Good morning Guatemala!

Le 3 mai 2010

Et voilà, l’aventure recommence une nouvelle fois pour ma plus grande joie. La destination cette fois-ci? Le Guatemala le temps d’une semaine. C’est court mais ça me permettra de faire une bonne coupure tout de même. Et la grande nouveauté par rapport à mes anciens voyages: je ne suis pas seule! Un beau Québécois m’accompagne dans cette nouvelle aventure…

L’histoire a commencé au retour de mon dernier voyage de trois mois. Ou plutôt non… Tout commença peut-être lors de mon transit de deux heures il y a quelques mois alors que je quittais la France pour m’en aller au Brésil retrouver Max. J’ai fait une escale de deux heures à Montréal où Etienne m’attendait à l’aéroport. Ces quelques heures de retrouvailles intenses, les cœurs qui battent à tout rompre, le sentiment frustrant de manquer de temps… Des mots sont échangés, les émotions s’envolent, le temps se fige… Nous étions amis et confidents depuis longtemps, des sentiments avaient commencé à naître envers ce beau Québécois ténébreux mais je me suis toujours forcée à réfréner mes envies, sa situation maritale m’en empêchant. A mon grand étonnement, il m’annonça alors que sa situation de couple était en plein changement. Je me suis donc octroyé un soupçon d’espoir. C’est dans cet état d’esprit que j’avais retrouvé Max au Brésil…

Au vu de cette toute nouvelle déclaration à mon retour de voyage, j’ai foncé tête baissée dans cette nouvelle relation inattendue pour moi, et même si les soucis de ce nouveau changement de vie en cours ne sont pas faciles à gérer pour nous deux, nous vivons une belle histoire et essayons de profiter ensemble du moment présent au maximum.

Nous voilà donc tous deux à l’aéroport Trudeau de Montréal à 7h du matin, en attendant notre vol pour le Mexique où nous avons 1h et demie de transit avant notre vol pour le Guatemala. Après la confiscation d’une huile de massage et d’une bouteille de crème solaire oubliées dans nos sacs à main, nous embarquons dans un petit avion aux sièges exigus. Le vol se passe sans encombre, nous passons notre temps à essayer de planifier nos 8 jours de voyage, n’ayant pas eu le temps jusqu’à présent de vraiment nous y intéresser. Le travail et les soucis quotidiens nous ont vraiment pris tout notre temps et notre énergie. Les vacances tombent à point nommé! Le guide Lonely Planet à la main (ma bible!), nous essayons de trouver le meilleur itinéraire pour si peu de jours. Ca risque d’être un peu la course si on maintient tous nos désirs de sites à voir!

A l’arrivée à Mexico City, nous apprenons que nous avons une heure de retard sur l’horaire prévu. N’ayant de montre ni l’un ni l’autre, nous ne nous en étions même pas aperçus… Pas d’inquiétude de ce fait! En tout cas, en sortant de l’avion, nous ne nous faisions aucune illusion sur notre capacité à avoir notre vol pour Guatemala City, il était bien trop tard… A l’immigration, je tente quand même de nous faire passer en priorité en expliquant notre cas et ça marche! Nous passons devant tout le monde, contents de ne pas faire la queue, tout en étant persuadés que nous n’aurons pas notre vol pour autant. Toutefois, à notre grande surprise, après 15 minutes de dédales de couloirs d’aéroport, nous arrivons devant notre porte d’embarquement. Ils n’attendaient plus que nous pour fermer les portes de l’avion. Ouf, nous avons eu chaud! Il reste à savoir si nos bagages ont suivi! Nous verrons cela à l’arrivée. Contents d’avoir attrapé notre correspondance, nous nous reposons durant ces deux heures de trajet.

Arrivés à Guatemala City, nous sortons de l’avion en humant l’air chaud et moite typique des pays tropicaux. L’aéroport est plutôt petit pour une capitale d’un pays, mais fonctionnel. A notre grand étonnement encore une fois, nous voyons nos bagages sortir tranquillement sur le tapis roulant. Ils nous ont suivis malgré tout! Nous avions décidé de deux choix suivant la récupération de nos bagages aujourd’hui ou non. Si nous ne les avions pas eus, nous nous serions posés à Antigua, petite ville à une heure de route, pour escalader un volcan le lendemain. Mais là, nos affaires retrouvées, nous décidons de filer au nord jusqu’à Coban, petite bourgade perdue en pleine nature et, paraît-il, très attrayante. C’est un peu téméraire, étant donné que nous avons déjà 8h d’avion dans les pattes et un réveil à l’aube vers 4h du matin. Mais rien ne nous fait peur!

Nous sautons dans un taxi qui nous emmène en 20 minutes à la station de bus indiquée, tout en ayant demandé son chemin 15 fois avant de trouver l’autobus désiré. Guatemala City ressemble beaucoup à Manaus de mon point de vue: une grosse ville un peu sale et moderne à la fois tout en restant à l’image d’un pays en voie de développement. Les habitants au teint mat typiquement indien, aux traits mayas, ont l’air sympathique (de mon point de vue, plus qu’au Pérou ou qu’en Bolivie). Etrangement, les klaxons se font rares et la ville est plutôt tranquille et calme. Pour une capitale, je la trouve plutôt à taille humaine, ce qui n’est pas pour me déplaire. De toute façon, nous n’y restons pas. A peine arrivés à la station d’autobus, nous sommes poussés dans l’un d’entre eux qui part immédiatement pour Coban. Le temps d’acheter de l’eau, des pommes et une montre bradée à un vendeur ambulant, nous voici partis sur des sièges défoncés sans suspension à travers la ville poussiéreuse. Il est 15h30, on nous annonce une arrivée à Coban à 19h. Sur nos sièges datant de la seconde guerre mondiale, nous risquons de trouver le trajet un peu long! Malgré tout, j’aime les voyages en bus dans les pays étrangers. Me trouver au milieu de gens du pays, assister à des scènes de vie authentique, voir défiler les paysages, entendre la musique locale, le chant des oiseaux, sentir les odeurs des rues, de la poussière, de l’humidité ambiante, des fleurs exotiques… J’aime sortir ma main par la fenêtre du bus pour sentir le vent chaud fouetter ma peau et les rayons de soleil chauffer mes doigts. Je me sens alors libre et heureuse, et ne souhaite me trouver nulle part ailleurs qu’assise dans ce bus brinquebalant à côté d’Etienne, en plein milieu de ce pays inconnu. La vie est incroyable et merveilleuse…

Toutefois, 3h30 de voyage plus tard, et malgré tout mon enthousiasme de départ, mes forces et mon dos commencent à faiblir. De plus, il est 19h, heure à laquelle nous étions censés arriver, et nous sommes visiblement loin de notre but. Etienne et moi combattons la fatigue ainsi que nos courbatures en nous encourageant mutuellement par de petits massages du dos. Peut-être avons-nous été un peu téméraires sur ce coup-ci… Ce matin, nous étions encore à Montréal, il y a 12 heures exactement, et là nous voici au bout de nos forces, repoussant nos limites physiques en plein milieu du Guatemala.

Au bout de deux heures incroyablement longues, nous débarquons enfin à Coban vers 21h. Ca y est, nous sommes enfin arrivés! Nous dégotons un hôtel correct mais bruyant, sans avoir le courage de chercher ailleurs de toute façon. Une bonne douche chaude plus tard, nous nous sentons déjà revigorés. Allons manger à présent! Avec mes rudiments d’espagnol, je comprends qu’il se fait tard pour souper, tout est fermé à 21h30. Heureusement, nous trouvons sur la place centrale des vendeurs ambulants de saucisses, viande agrémentée de sauce et burritos. Délicieux et pas cher! Nous avalons notre festin sur un banc de la place publique, sous le regard alléché des chiens errants. Exténués, nous rentrons vite nous coucher à l’hôtel, et nous nous endormons, les boules Quies enfoncées jusqu’au fond des oreilles.

Retour...

Le 30 novembre 2009

Je me réveille ce matin plus reposée et j’ai la surprise en ouvrant les rideaux d’apercevoir qu’un grand manteau blanc a recouvert tout Montréal ! La neige a vraiment attendu mon arrivée pour tomber, c’est incroyable ! Malgré la beauté du panorama, un léger voile de tristesse m’envahit… Je sais que je suis au début de l’hiver et que j’en ai pour 6 à 7 mois d’hiver à présent ! Moi qui étais tellement bien à la chaleur du Brésil !! Je me sens un peu perdue aujourd’hui, seule dans cet appartement, apprenant que je ne recommencerai pas le travail avant 15 jours (si j’avais su, je serais restée plus longtemps en voyage…). Heureusement, je retrouve un ami l’après midi qui me permet de retrouver la chaleur et la gentillesse des Québécois, ce qui me fait oublier aussitôt mon léger coup de cafard ! A présent, à moi de me réhabituer tranquillement à ma vie et de l’apprécier autant que j’ai pu adorer mon voyage !

Au revoir l’Amazonie… et Max !

Le 28 novembre 2009

Je me sens nettement mieux aujourd’hui, je pense que le plus dur est passé. Il reste mes pieds qui me démangent toujours plus que de raison, mais je commence à m’habituer.

A mon réveil, Max n’est pas là, il est déjà parti gérer quelques affaires en ville. Je prends donc mon temps et me prépare tranquillement. Max m’appelle pour me dire qu’il sera là dans quelques minutes pour m’emmener prendre mon petit déjeuner. Je ne peux manger que des fruits mais me régale malgré tout de ce simple festin. Il retourne ensuite travailler alors que je me repose. Je l’aide ensuite à préparer les 30 hamacs en vue de l’expédition en bateau de ses clients, puis nous partons déjeuner en ville d’une petite salade digeste. Max souhaite se faire couper les cheveux, je l’accompagne donc dans un salon de coiffure-manucure où de nombreuses femmes soignent leurs ongles des mains et des pieds. Il semble que ce soit important pour les Brésiliennes d’avoir une belle manucure. Elles devraient prendre autant soin de leur façon de se nourrir et de leur corps, elles souffrent quand même toutes d’un début d’obésité qui ternit leur beauté pourtant naturelle, sans parler des problèmes de santé que ça peut occasionner.

J’attends patiemment que Max ait fini de se faire coiffer et couper les ongles, tout en lisant, levant parfois le nez pour apprécier cette scène de vie typiquement brésilienne. Ca y est, c’est un nouvel homme qui sort du salon de coiffure ! Pour me remercier d’avoir patienté aussi longtemps, il m’emmène dans un magasin de chaussures pour m’en offrir une paire. Je lui explique que je ne suis pas une enfant qu’il faut récompenser d’avoir été sage et que je n’ai nullement besoin de sandales, j’en ai déjà une paire. Pourquoi en acheter une deuxième ? J’accepte avec plaisir un bon verre de jus d’orange pressé à la place !

Il m’emmène ensuite prendre une noix de coco dans l’hôtel le plus réputé de Manaus. Notre cher président Sarkozy s’y trouvait lui-même il y a quelques jours apparemment ! C’est un splendide palace avec piscine, sauna, salle de massage et d’exercices, nombre de bars et restaurants et même un zoo ! C’est vraiment drôle de se trouver dans une place aussi luxueuse après ces deux jours dans la jungle sans aucun confort, ni commodité moderne ! La différence est un peu brutale en si peu de temps… Toutefois alléché par tant de luxe, Max s’arrête en chemin dans un autre hôtel de haut standing pour me faire visiter les chambres les plus belles. Etant guide et connu de la région, il a des passe-droits pour tout et on nous laisse même profiter du jacuzzi d’une des chambres pour quelques heures. La chambre est superbe avec sa douche extérieure à ciel ouvert et sa salle de bain intérieure au jacuzzi immense… On se délasse dans ce bain bouillonnant un moment ayant l’impression pour quelque temps d’être de vrais pachas millionnaires… Encore une fois, le contraste avec la profondeur de la jungle à dormir dans des hamacs et se laver dans la rivière boueuse est saisissant et un peu perturbant, mais bon… Je m’adapte vite à tout ! Et je ne vais pas cracher sur un peu de luxe et de confort fortuits qui me sont offerts gracieusement ! Max m’en fera vivre des choses décidément…

Nous rentrons ensuite chez lui afin que je prépare mes affaires, je quitte Manaus à 23h ce soir pour retourner à Montréal après ces 3 semaines en Amazonie, mes 2 semaines en France, mon mois et demi en Inde et mes 2 semaines à Vancouver. Un vrai tour du monde en 3 mois ! Ouf, il s’en est passé des choses en si peu de temps… Mais je ferai le bilan de ce voyage plus tard. Pour l’instant, je veux profiter du peu de temps qu’il me reste avec Max. Nous partons dîner dans un chic restaurant et je suis contente de voir que j’ai retrouvé mon appétit d’avant. Je pense être quasiment guérie de mon infection intestinale, ce qui est une bonne nouvelle au vu des 17 heures d’avion qui m’attendent pour rentrer au bercail.

Le temps passe malheureusement vite et il est temps de se diriger vers l’aéroport pour mon départ imminent. En chemin, il me pose alors la question que je redoutais tant : « Comment vois-tu notre relation dans le futur ? » Je lui réponds alors le plus honnêtement possible en lui expliquant que j’ai vécu d’incroyables moments avec lui et que j’ai adoré nos aventures, mais je lui fais comprendre toutefois que je ne crois pas aux relations à distance, encore moins lorsqu’il s’agit de cultures différentes. Je veux simplement vivre le moment présent avec lui sans faire de plans pour le futur car pour moi c’est impossible à envisager. Il est d’accord avec moi, même si je pense qu’il aurait aimé une autre réponse… Je sais qu’il souhaiterait que je vienne m’installer chez lui à Manaus afin de m’occuper d’une partie de son agence, mais je lui ai expliqué que je ne me sens pas prête pour tout quitter au Canada et recommencer une nouvelle vie dans un pays étranger avec une langue que je ne connais pas, un métier dont j’ai tout à apprendre, pour suivre un homme dont je ne suis pas certaine de mes sentiments… Ca fait un peu trop d’inconnu pour moi ! J’aime l’aventure et les challenges, mais j’ai mes limites. Il me comprend malgré tout, il m’avoue qu’il ne serait pas capable de tout quitter ici lui non plus pour me rejoindre en France ou au Canada… Il a travaillé trop dur pour monter son agence, il ne se voit pas tout abandonner ici. Et je le comprends fort bien ! Les adieux à l’aéroport n’en sont pas moins difficiles, ça fait tout de même 3 semaines que nous sommes ensemble et nous avons vraiment vécu ensemble des moments inoubliables qui resteront gravés dans nos mémoires à jamais. Je vois encore une fois ses yeux s’embuer de larmes alors que nous sommes à quelques minutes de l’irrémédiable séparation et je me sens un peu coupable de ne pas ressentir la même tristesse… Evidemment, il va me manquer à moi aussi mon « Jungle Boy » comme j’aime à le surnommer, mais je suis aussi contente de rentrer chez moi après ces 3 mois de voyages, j’ai besoin de me reposer pour retrouver mes esprits et assimiler tout ce que j’ai vécu en si peu de temps. Ca y est, un dernier regard puis nous nous quittons, n’ayant aucune idée de quand - ou même si – nous nous reverrons…

Assise dans la salle d’embarquement pour Atlanta, je me sens sereine à l’idée de rentrer chez moi où mes amis, mon travail, mon appartement m’attendent de pied ferme. Et quelque chose me dit que je ne suis pas au bout de mes surprises encore… même à Montréal ! Parfois l’aventure est à la porte de chez nous… et le bonheur sous notre paillasson !

Le vol jusqu’à Atlanta se déroule sans encombre malgré le fait que je ne dors pas beaucoup. Arrivée à Atlanta, en transit pour 4 heures, j’ai le temps de laisser vagabonder mon esprit qui, même fatigué, souhaite établir un premier bilan de ces 3 mois de voyages. Je récapitule mentalement les moments forts de ce périple en me faisant parfois rire moi-même de l’incongruité des événements qui se sont succédé… Après avoir failli être dévorée par un ours en Colombie Britannique, j’ai assisté à l’attaque d’épaulards envers des dauphins qu’ils ont tués devant mes yeux. J’ai passé une journée entre les murs d’Alcatraz dans la peau d’Al Capone à San Francisco. Je suis restée 10 jours à méditer dans un ashram en Inde avec un célèbre guru. J’ai passé une semaine dans un centre bouddhiste à faire vœu de silence total. J’ai débarqué dans des villages indiens où ils n’avaient quasiment jamais vu de Blancs jusqu’alors. J’ai retrouvé la douceur d’un foyer familial et le terrain familier de mon pays d’origine durant 2 semaines tout en me sentant un peu étrangère dans ma propre patrie. J’ai retrouvé Max en Amazonie, conduit des bateaux, pêché des piranhas, plongé au milieu des caïmans, admiré les étoiles du fond d’une barque sur l’Amazone, suivi les dauphins roses dans le coucher de soleil, dormi dans des hamacs en pleine jungle sans âme qui vive à des kilomètres tout en étant bercée par les cris rauques des singes hurleurs et recevant des mygales sur la tête… sans arrêter de prendre du temps pour méditer chaque jour…

Maintenant que je fais l’inventaire de ces aventures, je me rends compte qu’il a plutôt été intense ! Je n’ai pas encore le recul nécessaire pour voir vraiment ce qu’il va pouvoir m’apporter dans ma vie quotidienne, mais je pressens qu’il m’aura changée de façon significative. Je m’aperçois de plus en plus que le bonheur est à portée de main dans les simples choses de la vie courante et qu’il dépend avant tout de l’état d’esprit dans lequel on se trouve et non des biens matériels accumulés même si, je l’accorde bien volontiers, un minimum requis est souhaitable et aide à la félicité. Ce que je veux dire par là, c’est que je ne veux pas faire dépendre mon bonheur de ma prochaine voiture achetée, de ma prochaine augmentation de salaire, de mon prochain voyage ou même de mon prochain compagnon de vie ! Ca ne signifie pas que je ne veux pas tout cela, au contraire, je souhaite juste ne pas me dire : « Je serai plus heureuse quand… ». Mon idée du bonheur ne se joue pas à la loterie selon moi, parce que si jamais ces choses-là n’arrivent jamais, que va-t-il se passer ? Je ne serai jamais heureuse ? Ou bien si je perds l’un de ces désidératas, vais-je sombrer aussitôt dans le désespoir ? Je veux au contraire profiter à chaque instant, ici et maintenant, des moments de joie simples et beaux que m’offre la vie; il faut juste que j’apprenne à mieux regarder autour de moi parce que je sais qu’ils sont là, présents pour moi et pour tous ceux qui prennent le temps de s’arrêter pour apprécier ces instants de bonheur quotidiens : la lumière d’un soleil couchant sur les toits des villes, le frémissement des branches d’arbre d’un parc urbain, le bruit de nos pas sur la neige, les retrouvailles avec la famille, un dîner entre amis… J’espère que ce voyage va me permettre de rester longtemps les yeux ouverts sur ma vie de tous les jours.

Il m’aura aussi appris que je peux voyager seule et très bien m’en sortir ! C’était l’une des choses qui m’effrayaient le plus avant mon départ, mais finalement je n’ai jamais souffert de solitude ! J’ai rencontré du monde quand il fallait et suis restée seule quand j’en avais besoin également. La vie se charge souvent pour vous du meilleur des chemins possibles. Je suis persuadée que la combinaison Vancouver-Inde-France-Brésil était parfaite autant par le choix des pays que l’ordre dans lequel je les ai traversés. L’Inde a spécialement été le déclencheur de beaucoup de choses de mon point de vue et certainement le plus intense à mes yeux aussi. Je pense que ce pays me reverra un jour ! Il a encore tant à m’apprendre… On verra, chaque chose en son temps. Ma relation avec Max m’a également beaucoup apporté sur un autre niveau. Depuis ma rupture avec Michaël il y a 2 ans de cela, c’est la première fois que je vis une relation de couple avec un homme et ça m’a fait énormément de bien. Se sentir épaulée, protégée, complimentée sans cesse, traitée comme une princesse, se tenir par la main en public, être présentée aux amis en tant que compagne… J’avais oublié les sensations qu’une belle complicité agrémentée de partage pouvait offrir et j’ai été ravie de le redécouvrir, même pour une courte durée.

Un chapitre de ma vie s’est terminé avec ce voyage et je suis prête pour en entamer un nouveau, quel qu’il soit ! Et je sais qu’il sera plein de surprises et de bonheur… Je le pressens ! Je suis chargée à bloc d’énergie, prête à plonger à pieds joints dans ce vaste monde qui s’offre à moi ! Attention, une nouvelle Eve-Laure est de retour… En attendant, je m’envole vers Montréal apercevant pour la première fois la ville d’Atlanta de mon hublot alors que l’avion déploie ses ailes au dessus de cette ville futuriste aux imposants buildings. Le temps est totalement dégagé, la vue est superbe… Je ne lâche pas mon petit hublot de tout le voyage, voulant imprimer ces belles contrées vues du ciel dans ma mémoire. L’avion descend vers Montréal et se perd un instant dans les nuages cotonneux avant de découvrir le majestueux fleuve Saint Laurent. Je pensais mettre les pieds dans la neige en arrivant mais il n’en est rien. Les premiers flocons ont visiblement attendu mon arrivée. Entre le moment où je sors de l’avion, passe l’immigration et récupère mon bagage, il doit à peine s’écouler un quart d’heure, un temps record jamais égalé jusqu’ici ! Et comme l’avion a atterri avec un peu d’avance, mon amie qui est censée venir me chercher n’est évidemment pas encore arrivée. Tout excitée d’être rentrée chez moi, je l’attends avec impatience ! Ca y est, elle arrive ! Nous nous serrons dans nos bras, puis elle m’emmène déjeuner en ville où nous avons le temps de nous raconter nos vies. Je rentre ensuite chez moi pour retrouver un appartement beau et rangé, laissé comme neuf par les locataires qui l’ont habité durant ces 3 mois. Mon propriétaire m’a même gentiment mis le chauffage pour mon arrivée ! C’est vrai qu’il fait un froid de canard dehors, cette température contraste fortement avec la chaleur de l’Amazonie !

Je retrouve doucement mes repères, me sentant un peu perdue et confuse au premier abord, tout me paraissant familier et étranger à la fois. Malgré la fatigue, je m’active tout le reste de l’après midi pour ranger, faire des courses, nettoyer l’appartement… Je n’arrête pas une minute avant de tomber de fatigue vers 22h dans mon lit. Ouff, quelle arrivée !

Ce n’est pas la grande forme…

Le 27 novembre 2009

La nuit n’a pas été facile… Entre mon ventre qui gargouillait tellement fort qu’il me réveillait, un peu inquiète de ces sons caverneux, et les démangeaisons de mes pieds couverts de piqûres d’insectes et brûlés par l’acidité des feuilles qui jonchent le sol de la jungle et sur lequel je marche pieds nus depuis deux jours, autant dire que mon sommeil a plutôt été haché! Mes pieds ne sont plus que des plaies à vif à force de gratter et pourtant les démangeaisons ne s’arrêtent pas. Ca me réussit deux jours dans la jungle moi!

Réveillé à l’aube, Max décide de plier rapidement bagage pour nous ramener chez sa mère où je pourrai m’allonger dans un vrai lit, prendre une douche sans risque d’eau contaminée, prendre un bon petit déjeuner, etc… je ne me fais pas prier, je pense avoir besoin d’un peu de confort vu mon état. Même dans un hamac, ce n’est pas facile de se sentir confortable lorsqu’on a mal au ventre, les positions étant limitées. Max s’occupe de tout ranger dans le bateau tandis que je peine à sortir de mon hamac, puis, après un moment d’inquiétude lors du refus du moteur de démarrer, mais il finit tout de même par obéir, nous rentrons tranquillement à la maison de la mère de Max, moi étant toujours allongée dans le bateau, ne pouvant pas rester assise, et supportant difficilement les odeurs de poissons émanant du filet de pêche, qui me soulèvent littéralement le cœur. Arrivée à destination, je prends conscience que nous n’avons vu aucun être humain durant ces deux jours immergés en pleine jungle, ni entendu aucun signe de civilisation… Je crois que c’est la première fois que je vis ce genre d’expérience! Et malgré mon état, j’apprécie énormément l’aventure qu’il m’a été donné de vivre. C’est rare et précieux et j’en prends conscience à cet instant alors que nous reprenons contact avec la gent humaine.

Max m’installe un matelas sur le balcon en bois de la maison, sur lequel je m’écroule à bout de forces. Il me ramène un bon thé au citron et quelques biscuits que je suis incapable d’avaler. Par contre, j’apprécie le jus frais et désaltérant d’une noix de coco qu’il a cueillie dans l’arbre pour me l’offrir après l’avoir ouverte à grands coups de machette. Il paraît que c’est bon pour ce que j’ai. Au stade où j’en suis, je crois n’importe quoi pourvu que ce soit naturel! De plus, nous n’avons plus d’eau minérale et Max ne souhaite pas me faire boire l’eau venant de la rivière, bien qu’elle soit filtrée, disponible chez sa mère. Je m’endors ainsi, en bien meilleure position pour mon ventre qu’allongée dans un hamac, une légère brise me rafraîchissant doucement.

A mon réveil, ça va déjà un peu mieux. Le thé au citron, le jus de noix de coco et les pilules de charbon ont l’air d’avoir fait du beau travail et je me sens même d’attaque pour prendre une douche. Je m’enferme dans la petite cabane en bois au fond du jardin qui contient des toilettes et un grand baril rempli d’eau dans lequel on pioche à l’aide d’un récipient pour se le déverser sur la tête. Tiens, cette manière de faire sa toilette me rappelle l’Inde! Mais après deux jours en pleine jungle, cette petite cabane en guise de salle de bains ressemble à mes yeux à un hôtel 3 étoiles! Spécialement quand on est malade au fin fond de la forêt…

Après cette douche régénératrice, je me sens revivre quelque peu. Vers 11h du matin, un employé de Max vient nous chercher à bord d’un bateau à moteur dans lequel nous grimpons après avoir dit au revoir à la mère de Max qui a l’air navrée pour moi de me savoir malade. Allongée sur les genoux de Max, je me laisse conduire jusqu’au Delphin Lodge où nous nous arrêtons pour déjeuner. Je réussis à avaler du riz que j’agrémente de sauce soja pour le rendre un peu moins sec. Je file ensuite dans la salle de hamacs, mon estomac n’appréciant guère cette tentative d’alimentation. Toutefois, il finit par se calmer un peu et j’ai l’impression de reprendre un peu de forces. Il va m’en falloir, la route est encore longue pour retourner à Manaus.

Vers 14h, nous partons du lodge, de nouveau affublés des 3 mêmes Espagnols bruyants, à mon grand désespoir. Je les avais déjà trouvés pénibles alors que j’étais en forme, mais là… Leurs rots sonores dus à un trop plein de bière finissent de m’achever!
Après 20 minutes de bateau, nous grimpons dans un minibus alors que la pluie commence à tomber. La terre est tellement sèche et brûlante que l’eau s’évapore presque aussitôt, rendant le sol brumeux. Quelle étrange vision! Mais après un moment, la terre se transforme en boue, rendant le sol aussi glissant qu’une patinoire, faisant plus d’une fois déraper notre camionnette. Décidément, on n’est jamais au bout de ses surprises avec l’Amazonie! Toutefois nous arrivons sans encombre, après 1h30 de trajet, au petit port où nous attend un bateau rapide qui nous fait traverser l’Amazonie pour rejoindre le Rio Negro en 30 minutes. Arrivés de l’autre côté, nous enfournons nos trois pêcheurs pénibles dans un taxi et attendons patiemment Daniel qui vient nous chercher avec la voiture de Max. Le trafic pour rejoindre la maison de Max est encore une fois horrible mais, couchée sur la banquette arrière de la voiture, je suis dans une position confortable, même si la conduite sportive de Daniel me donne parfois des haut-le-cœur.

Nous finissons par arriver après 2h d’embouteillages pour que je m’écroule à nouveau sur le lit, éreintée, alors que j’ai passé ma journée allongée! C’est drôle, tout au long de l’après-midi, nous sommes revenus petit à petit à la civilisation après ces deux jours, perdus en pleine jungle. D’abord la maison de la mère de Max qui reste très sommaire avec juste les commodités nécessaires, puis le Dolphin Lodge, qui possède un peu plus de confort tout en restant très simple, et maintenant Manaus, la grande ville aux embouteillages monstres où bruit et pollution règnent en maîtres. Je regrette déjà ma forêt!

Nous partons manger une soupe, je ne me sens pas capable d’ingérer quoi que ce soit d’autre, puis je me recouche et m’endors aussitôt tandis que Max travaille un peu à son bureau, l’homme de la jungle s’étant de nouveau transformé en homme d’affaires. Il doit aller à la rencontre d’un groupe de 30 clients qui arrivent ce soir à l’aéroport vers minuit… Dans le genre multitâches… Quant à moi, je suis depuis longtemps partie dans les bras de Morphée.

Perdus en pleine jungle

Le 26 novembre 2009

Je me réveille doucement avec le soleil rouge commençant son ascension dans le ciel. Il doit être tôt, l’aurore nous montre à peine le bout de son nez. Je reste un moment sans bouger, admirant les branches d’arbre danser dans le vent, suivant une fleur qui s’échappe de l’arbre pour virevolter parfois jusqu’à mon hamac. Les singes hurleurs entament une autre symphonie comme pour me saluer au réveil et d’énormes poissons sautent hors de l’eau de la rivière en contrebas en guise de bonjour. Comment rêver meilleur réveil que celui-ci ?

Max une fois levé, nous rallumons le feu afin de faire bouillir l’eau pour le café. Je m’en vais chercher l’eau de la rivière saumâtre pour remplir le récipient en étain. Une fois l’eau bouillie, toutes les bactéries sont normalement tuées, donc si on fait abstraction de sa couleur marron, l’eau, une fois portée à ébullition, devrait être bonne à boire. Nous avons droit à un véritable festin ce matin : fromage, jambon, pain, confiture, ananas et orange… Hmm, un délice ! Après ce petit déjeuner royal, Max part seul en pirogue se doucher à la façon amazonienne. Il s’agit en fait de se mettre au milieu de la rivière, de plonger un récipient dans l’eau pour après se le verser sur la tête alors qu’on est toujours assis dans la pirogue. Une fois lavé, il suffit d’écoper l’eau stagnante dans le fond de la barque. A mon tour, maintenant. Je monte seule dans la frêle petite pirogue que je conduis moi-même en pagayant dans un méandre de rivière afin de garder mon intimité par rapport à Max quant à ma toilette. J’accroche ma pirogue à un tronc d’arbre tombé au milieu de la rivière, me déshabille entièrement puis me jette l’eau, que je pioche par-dessus bord, sur la tête, tout en me savonnant vigoureusement. J’avoue préférer cette méthode à celle de plonger entièrement dans la rivière, étant donné qu’avec mes menstruations d’en ce moment, je ferais accourir tous les piranhas des environs. Ceci dit, je ne suis pas à l’abri de m’en verser un sur la tête, l’eau de la rivière est si basse qu’ils foisonnent dans une petite concentration d’eau, ce qui les rend plus dangereux qu’à l’accoutumée. Enfin, c’est une incroyable impression de se retrouver entièrement nue, seule dans une petite pirogue, en plein milieu de l’Amazonie, avec aucune âme qui vive, à part Max, à des kilomètres à la ronde, à faire sa toilette dans la rivière… Et comme d’habitude, j’adore ! Je reviens ensuite tranquillement au camp rejoindre Max pour une sieste dans les hamacs, une douce brise nous balançant doucement dan les arbres.

Il est temps d’aller pêcher notre déjeuner maintenant ! Nous partons en pirogue, Max pagayant devant et moi derrière, étendre notre filet de pêche à travers la rivière, de la même façon qu’hier. Nous n’avons plus qu’à attendre à présent que notre repas passe par là. Ca n’est pas très compliqué au final, la rivière est un garde-manger géant et il suffit d’y piocher de temps en temps pour subvenir à nos besoins ! Tranquille la vie… En attendant, nous partons nous enfoncer encore une fois en pirogue dans cette immensité verte afin de profiter de cette beauté luxuriante. Il n’est pas facile de naviguer dans cette partie de la rivière. L’eau est tellement basse qu’elle découvre nombre de troncs d’arbres tombés dans son lit, ce qui constitue autant d’obstacles à éviter pour nous. Parfois, nous devons nous allonger totalement au fond de la pirogue pour pouvoir passer au-dessous d’une grosse branche transversale. D’autres fois, l’eau noire de la rivière nous empêchant d’avoir une bonne visibilité du fond, nous nous retrouvons coincés, notre pirogue en équilibre instable sur un tronc. Une pirogue est un petit bateau qui s’enfonce dans l’eau jusqu’à ne laisser que 1 ou 2 centimètres de coque en dehors de l’eau. Elle est plutôt stable sur la rivière si on ne bouge pas dans tous les sens, mais il suffit d’un petit déséquilibre pour qu’elle penche trop sur le côté et se remplisse d’eau. Evidemment, ça ne manque pas de nous arriver… Alors que nous pagayons gaiement, notre pirogue heurte un tronc d’arbre dissimulé sous l’eau, chancelle un peu trop et, hop, se remplit d’eau d’un seul coup, nous déséquilibrant tous les deux et nous jetant par-dessus bord ! Après un moment de panique quant à mon appareil photo que j’avais autour du cou (j’ai le réflexe de le maintenir hors de l’eau, à bout de bras tandis que je coule), nous éclatons de rire devant cette situation burlesque. Heureusement, la rivière est peu profonde, il est plus facile avec de l’eau jusqu’à la taille de grimper de nouveau dans la pirogue sans la faire chavirer de nouveau. Il ne reste plus qu’à écoper l’eau qui a rempli la moitié de la pirogue à présent… Au moins, ça nous aura un peu rafraîchis ! Et ça nous aura également bien fait rire…

Alors que nous continuons tranquillement notre route, un drôle de bruit se fait entendre à nos oreilles. Max stoppe la pirogue, aux aguets et vaguement inquiet. Un bourdonnement lourd et puissant est audible non loin de nous, comme si des milliers d’insectes se parlaient tous en même temps de façon inquiétante. En effet, nous apercevons en haut d’un arbre un essaim d’abeilles qui bourdonnent tellement fort que j’en ai la chair de poule. Si jamais elles nous repèrent et nous attaquent, nous sommes foutus… Elles sont sans conteste des milliers, vu la quantité d’insectes que nous voyons voler sur la rive opposée. Elles en obscurcissent le ciel… Max me demande de ne plus bouger, de ne faire aucun mouvement brusque qui pourrait les attirer vers nous. Il est vraiment inquiet pour le coup ! Je m’exécute aussitôt, arrête de ramer et me transforme en statue. Doucement, il fait avancer notre pirogue en touchant à peine l’eau pour faire le moins de bruit possible. Je reste hypnotisée devant ce vrombissement tellement puissant de ces abeilles dont l’excès de piqûres en même temps pourrait nous être fatal. Ca y est, nous nous éloignons d’elles, nous n’avons plus rien à craindre… Ouf !

Nous revenons ensuite à notre filet de pêche, nous enquérir de nos prises. Six beaux poissons s’agitent en tous sens dans les mailles de notre piège ! Cette fois, je réussis à en déloger deux du filet, afin de les jeter dans le fond de notre bateau, sans me prendre moi-même dans les mailles. Comme quoi, j’apprends au fur et à mesure ! Nous en relâchons 2 dans la rivière, 4 poissons, c’est largement suffisant pour ce midi et ce soir, surtout vu la taille de ces mastodontes.

Revenus au camp, nous relançons le feu, Max écaille et vide les poissons tandis que je suis chargée de découper l’ananas à l’aide la machette. C’est l’une des premières fois que je manie cet engin mais je m’en tire plutôt bien. Nous faisons bouillir de l’eau pour le riz, préparons une salade, faisons griller 2 poissons sur le feu : voilà encore un beau festin en perspective ! Malheureusement, un léger mal de ventre m’empêche de savourer pleinement ces mets de luxe. Je me contente de grignoter. Nous plongeons ensuite dans nos hamacs pour une sieste méritée alors que nous sommes littéralement dévorés par les mouches. Il fait chaud sous la moustiquaire mais, au moins, nous sommes tranquilles. Mon mal de ventre ne s’arrange pas, au contraire, il s’amplifie de façon douloureuse et un peu inquiétante. Cette fois, il ne s’agit pas d’un problème de digestion après avoir trop mangé, j’ai considérablement réduit mes portions depuis mon problème de la dernière fois. J’ai l’impression d’avoir ingéré quelque chose que mon estomac n’apprécie pas. Max ayant lui aussi des problèmes gastriques de son côté, cette hypothèse se renforce donc. Selon lui, c’est la combinaison champagne-ananas d’hier soir qui ne passe pas à cause de son acidité… Je n’en suis pas convaincue. Pour moi, la faute vient sûrement de l’eau de la rivière avec laquelle nous lavons nos légumes, faisons la vaisselle, vidons les poissons, buvons l’eau portée à ébullition, nous lavons les dents… Je ne suis pas sûre qu’elle soit vraiment potable, pourtant nous l’ingérons de différentes manières depuis le début de notre excursion… Et je pense que nous allons à présent en payer le prix.

Allongée sur mon hamac, j’écoute mon estomac entamer d’étranges gargouillis à l’unisson avec celui de Max. Mes fréquents allers-retours aux toilettes me confirment mes craintes, j’ai une infection intestinale. Heureusement, j’ai pris mes pilules de charbon avec moi, que je m’empresse d’ingérer en espérant que ça suffira. Nous restons allongés tout l’après-midi dans nos hamacs à nous reposer, en attendant que notre mal se calme. En fin d’après-midi, Max a l’air d’aller mieux, il est plus robuste que moi. Il me rejoint finalement sur mon hypothèse de l’eau polluée et décide de tout faire à l’eau de bouteille à partir de maintenant. Même lui, un homme de la jungle, éprouve des problèmes gastriques avec cette eau de rivière, c’est qu’elle ne doit vraiment pas être bonne à boire !

Vers la fin de l’après-midi, alors que le soleil commence à rougir, teintant d’une belle couleur d’or la jungle environnante, Max souhaite m’emmener faire un tour en pirogue. Je veux bien mais je me sens vraiment trop faible pour ramer. Il me rassure en me disant que, cette fois encore, il souhaite juste que je profite de la promenade sans faire d’efforts ; il s’occupe de tout ! Reconnaissante, j’embarque dans la pirogue, ne pouvant malheureusement pas longtemps rester assise. C’est donc allongée au fond de la barque que je profite du spectacle de la nature, me permettant d’avoir ainsi une autre perspective du paysage. Je vois danser la cime des arbres, le ciel se teinter de rose, les aigles planer au milieu des nuages, la lune prendre sa place timidement. C’est magnifique ! Max peine un peu à pagayer aussi longtemps, il n’est pas au mieux de sa forme non plus, mais il refuse catégoriquement que je le remplace, préférant assumer seul son devoir d’homme fort et protecteur. C’est adorable de sa part…

Revenus au camp, nous n’avons faim ni l’un ni l’autre et décidons de laisser tomber le dîner de ce soir. Mieux vaut jeûner pour laisser l’organisme se préoccuper uniquement de renforcer le système immunitaire et déloger les bactéries ! Nous rejetons les deux poissons restant à la rivière, encore un festin pour les caïmans ou piranhas, puis nous tombons d’épuisement dans nos hamacs alors qu’il doit être à peine 7h du soir. Je me sens très faible et vidée d’énergie, le moindre effort m’essouffle et me donne le tournis. Le mieux est que nous dormions pour récupérer. Je sombre aussitôt dans le domaine des songes, laissant le soin à mon corps de préparer ses défenses contre l’envahisseur…

En route pour l’aventure!

Le 25 novembre 2009

Après une tranquille journée passée sur Internet et à me reposer chez Max, l’aventure recommence aujourd’hui, nous repartons dans la jungle! Je suis tout heureuse et excitée de retourner dans ma forêt avec Max. Cette fois, on se la joue solitaire. On ne prend que le minimum requis et on part 2 jours en pleine nature, seuls, à devoir pêcher notre repas si nous voulons manger et dormir dans des hamacs accrochés à deux arbres. La vraie nature quoi!

Nous prenons un rapide petit déjeuner à la boulangerie du coin, puis Daniel nous rejoint afin de nous conduire au port. Le trafic est complètement bouché le matin à cette heure de pointe, nous mettons 1h30 à sortir des bouchons monstres pour arriver au port. L’associé de Max, Mo, nous attend avec 3 touristes espagnols venus pêcher dans l’Amazone. Sans comprendre ce qu’ils disent, je sens une certaine tension entre Max et Mo qui ont l’air de se disputer à propos de quelque chose. Les 3 Espagnols, Max et moi grimpons dans le bateau rapide qui traverse le Rio Negro, Max tirant une tête de trois pieds de long. Je préfère ne pas lui poser de questions devant les touristes, je vais attendre que nous soyons seuls. Quant à moi, je profite de la traversée que je commence à bien connaître, mon plaisir ne se tarissant pas, bien au contraire.

De l’autre côté du fleuve, je prends un peu de temps pour discuter avec Max et comprends alors que son associé lui laisse ces 3 touristes sur les bras sans lui demander son avis, et tout un chargement de nourriture à acheter, étant donné qu’il n’y a plus rien au Dolphin Lodge et que Mo n’a, paraît-il, pas eu le temps de s’en charger. Max est furieux de devoir s’occuper de tout ça alors qu’il est censé être en vacances avec moi et ce n’est clairement pas son rôle dans l’histoire de toute façon. J’essaie de le calmer un peu, il est tout stressé et tendu du coup. Nous sommes censés nous arrêter rapidement à son lodge pour déjeuner puis repartir juste après nous enfoncer dans la jungle. J’espère que ce genre d’événement inattendu ne va pas le retenir au lodge plus longtemps que prévu…

Il disparaît ensuite une bonne heure acheter tous les vivres dont son équipe a besoin pour les repas des clients du Dolphin Lodge, puis nous montons dans un minibus pour une heure de route sur cette terre rouge et sèche, assoiffée par le manque d’eau de ces derniers jours. Les pêcheurs espagnols sont bien gentils, mais ils ne savent visiblement pas parler doucement et se croient obligés de hurler tout le temps, ce qui me donne carrément mal au crâne. Comment font les guides pour supporter toutes sortes de clients, les meilleurs comme les pires? Ceux-là sont gratinés… je suis bien contente de ne pas rester au lodge. Leur présence annonce un beau bazar en perspective, je plains les autres clients qui sont venus pour le calme et la tranquillité!

Le minibus nous dépose à un autre petit port, la route s’arrêtant dans la rivière, et je m’occupe des Espagnols tandis que Max, aidé de 2 personnes, décharge le minibus des vivres achetés. Les touristes emmenés à l’ombre, je pars aider à décharger, il y a tellement de nourriture à transporter, nous ne sommes vraiment pas trop de 4. Je pique une bonne suée à transporter les caisses sous un soleil de plomb mais tout le monde a l’air bien content d’avoir reçu un peu d’aide. Nous partons ensuite en bateau jusqu’au Dolphin Lodge que nous voyons apparaître 20 minutes plus tard, du haut de sa colline semblant me sourire comme s’il attendait mon arrivée et savait que j’allais revenir. Je ne pensais pas le revoir de si tôt… Comme quoi!

Max part aussitôt en cuisine, s’énerve contre des employés, me raconte qu’untel lui a menti, que tel autre n’a pas fait son travail comme il fallait… Ouh… C’est compliqué d’être chef! Tout le monde a l’air d’essayer de jouer derrière son dos et ça ne semble pas l’étonner tant que ça… A sa place, je n’aurais pas pu m’empêcher de leur rentrer dedans depuis un moment mais non, lui, il préfère laisser couler… C’est peut-être culturel au final d’essayer de flouer le patron par tous les moyens. En tout cas c’est fatigant pour Max! Il perd beaucoup d’énergie à essayer de gérer tout ça…

Durant le repas, le pêcheur espagnol ne peut pas s’empêcher de faire son show comme je l’avais prévu, prenant à lui tout seul toute la place en hurlant, à grands coups de bière cognée sur la table… je m’éclipse le plus rapidement possible sur mon banc fétiche près de mon arbre avec ma vue extraordinaire sur la rivière. Qu’est-ce qu’on est bien ici! Je pousse ensuite gentiment Max à quitter le lodge au plus tôt afin de nous rendre chez sa mère. Loin de son business et près de sa famille, il pourra se détendre et se reposer un peu. De plus, il voit si peu sa mère, je pense qu’elle serait contente de profiter un peu de son fils. Je réussis à le convaincre et nous partons presque en courant du lodge pour essayer d’échapper aux innombrables questions et problèmes que les employés de Max soulèvent. Quelle vie!

Un chauffeur nous dépose en bateau à moteur à la maison de sa mère, située à 20 minutes du lodge par la rivière. Ses deux frères, son beau-frère et sa mère lui font un bel accueil, contents de le voir arriver, n’étant nullement prévenus de sa venue, le téléphone n’existe pas ici et les pigeons voyageurs n’arrivent pas à destination… Il reste les signaux de fumée ou les tam-tams mais leur interprétation est depuis longtemps tombée dans l’oubli, ne rendant pas leur compréhension facile… Si on confond « j’arrive bientôt à votre rencontre » avec « je viens de me faire mordre par un piranha », les conséquences peuvent poser problème. Bon, ok, je divague… revenons à nos moutons.

Tandis que Max discute avec sa famille, je me repose dans un hamac accroché au balcon de la maison en bois sur pilotis, observant les poules, les coqs et les porcs qui vont et viennent sous mes pieds, à travers les ouvertures du plancher. C’est une véritable basse-cour ici! Et dire que sa mère, âgée de 74 ans, s’en occupe toute seule… Je m’endors doucement au son de ces animaux de ferme pourtant bruyants, je dois être plus fatiguée que je ne le pensais. Il faut dire que l’endroit a un côté rassurant et apaisant, comme si le temps n’avait pas de prise ici, ce qui le rend propice à une bonne sieste réparatrice.

Max vient me réveiller vers 16h afin de nous préparer à partir. Attention, les choses sérieuses commencent… Je regarde les 4 hommes s’agiter dans tous les sens avec frénésie pour préparer le matériel dont nous aurons besoin pour notre expédition: un harpon, un filet de pêche, une machette, des plats pour faire cuire les aliments sur le feu, une trousse de premiers soins. Ils nous prêtent un bateau mais préfèrent nous donner un moteur neuf. Il faut donc enlever le vieux pour mettre le nouveau à la place. Nous allons également emporter une pirogue avec nous pour pouvoir naviguer plus facilement dans les branches des rivières peu profondes… Tout est prévu, mais ils ne sont pas trop de 4 hommes costauds pour tout préparer et moi je me sens un peu confuse qu’ils fassent tout ça juste pour moi… j’ai émis le souhait de partir à l’aventure tous les deux avec Max dans la jungle pendant plusieurs jours, nous enfonçant ainsi vraiment sur des territoires vierges et inexplorés. Je ne pensais pas que ça demanderait une telle préparation!

Ca y est, tout est finalement prêt! On part pour l’aventure tout en étant bien équipés. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur notre glacière remplie de fruits, légumes, fromages et bouteilles de vin pour voir qu’on part quand même dans un certain confort. Ca me va parfaitement! L’aventure luxueuse quoi… Après un grand remerciement aux frères et au beau-frère de Max, nous nous enfonçons dans la jungle avec notre canot à moteur suivi de notre pirogue attachée au bateau, pénétrant ainsi dans des contrées sauvages et vierges de toute civilisation. Mon excitation est à son comble! C’est ce genre d’expédition que je rêve de faire depuis longtemps et je suis vraiment en train de la vivre!! Ouah…

Nous voguons à travers la dense végétation, apercevant de temps à autre le soleil qui se teinte de rouge à travers les feuillages, marquant ainsi la fin de son règne pour la journée. Max repère un endroit de la rivière qui lui semble parfait pour poser le filet de pêche. Il descend sur la rive, coupe avec sa machette deux grands bouts de bois qu’il aiguise à un bout, puis plante le premier dans l’eau en bord de rivage. Il y accroche un bout du filet puis tend le reste dans l’eau tandis que je pagaie pour amener le bateau sur l’autre rive. Ainsi arrivés de l’autre bord, nous accrochons la fin du filet de pêche à l’autre bout de bois, que nous plantons sur le rivage. Le filet traverse toute la rivière. Le premier poisson qui passe par ici se prendra inévitablement dans notre piège! Et ça ne manque pas. A peine avons-nous fini d’accrocher le filet qu’un premier poisson se tortille au milieu de la rivière, pris au piège. Max va voir de quoi il s’agit: c’est un beau gros poisson, mais pas terrible au goût, paraît-il, et plein d’arêtes. On le relâche donc aussitôt. Il l’a échappé belle celui-là! C’est bien, nous avons même le luxe de pouvoir choisir notre repas de ce soir et de faire les difficiles si nous le souhaitons… La vie est belle en Amazonie! Nous laissons le filet ainsi et partons à la recherche d’un coin de forêt où installer notre camp pour la nuit.

Nous trouvons une bonne place un peu plus loin, assez aérée pour faire un feu sans risquer d’incendier toute la forêt et avec des arbres de la bonne largeur permettant d’accrocher nos hamacs. Parfait, nous nous installons ici! Vu que nous sommes loin dans la jungle cette fois, quelques précautions supplémentaires s’imposent. Les moustiques sont assez rares dans cette région et à cette période de l’année mais le risque de malaria n’est pas nul non plus. Je me suis refusé cette fois-ci encore à prendre des pilules en prévention du paludisme, tout d’abord parce que ces médicaments ne sont pas sans danger pour l’organisme, notamment le lariam qui a pour effet secondaire d’affecter le cerveau et de rendre fou (!!),ensuite parce que ces pilules n’empêchent pas d’attraper la malaria, elles en diminuent juste les effets, et plus les touristes prendront ce type de médicament, plus le virus va s’adapter et muter pour devenir de plus en plus fort, ce qui sera au détriment de la population locale qui ne peut pas prendre ces pilules à longueur d’année. De plus, ils ont les meilleurs hôpitaux ici pour soigner les porteurs de la maladie si jamais on l’attrape. Et normalement, avec un peu de prudence et de bon sens, on peut facilement passer à travers. Les meilleures préventions restent les vêtements longs, les moustiquaires et de s’asperger de produits anti-moustiques. Afin d’être tranquilles cette nuit, nous accrochons donc une moustiquaire entourant chacun de nos hamacs. Je n’aurai également plus peur qu’une mygale me tombe sur la tête en pleine nuit de cette façon! Max a prévu une grande bâche en plastique que nous pourrons accrocher au-dessus de nos têtes en cas de pluie également. Parfait!

Il est temps de préparer le feu à présent. Le sol est craquelé par la sécheresse, il n’est pas difficile de faire partir de belles flammes, tout en faisant attention à les contenir comme il faut. Maintenant que notre foyer illumine la pénombre avec joie et entrain, les flammes dansant littéralement devant nos yeux avec des bruits de craquements boisés qui crépitent à nos oreilles, il est temps d’aller chercher notre repas. Nous ne pouvons pas laisser le filet trop longtemps sans surveillance, sinon les piranhas risquent de nous voler notre dîner, réussissant très bien à s’extraire eux-mêmes du piège en cisaillant les mailles avec leurs dents aiguisées. Nous embarquons dans la petite pirogue cette fois, plus facile à manier que le gros canot à moteur, puis rejoignons notre filet en quelques coups de pagaie. Nous voyons avec joie que plusieurs gros poissons font bouger le filet en tous sens. La pêche semble bonne! Max retire des mailles trois gros poissons, tous apparemment aussi délicieux les uns que les autres. Youhou! J’essaie de l’aider mais je me prends moi-même dans le filet, ayant toutes les peines du monde à m’en dépêtrer! Max me regarde, amusé, en me disant qu’il a attrapé une sirène cette fois-ci! Mais il me fait aussi gentiment comprendre de le laisser faire… Il écaille rapidement les poissons à l’aide de sa machette, se servant de la grande pagaie comme planche à cuisiner, puis les vide d’une main experte. Il les enduit de sel à l’intérieur et à l’extérieur, c’est prêt à cuire!

De retour au camp, il découpe de grandes branches de bois fin qu’il insère dans la gueule des poissons. Il plante les bâtons garnis dans le sol, les poissons pouvant tranquillement griller sur le feu encore incandescent. Tandis que je surveille la cuisson, Max part préparer une salade sur le bateau. Il revient avec un bel assortiment de tomates, concombres et salade sauce vinaigrette qui semble délicieuse! Nous nous récompensons de ce dur labeur en ouvrant la bouteille de champagne qu’on n’avait pas pu boire à cause de mes problèmes d’estomac. C’est du travail tout de même de préparer notre subsistance nous-mêmes: il faut allumer le feu, aller pêcher notre repas, le cuisiner… enfin, j’avoue humblement que c’est Max qui s’est occupé de tout. Je me contente en général de le regarder faire, mais je ne perds pas une miette de ses faits et gestes, apprenant par la même occasion des quantités de choses sur la façon de survivre dans la jungle. J’adore!

Après ce délicieux repas à la belle étoile agrémenté de champagne, Max me propose une virée en pirogue pour essayer de repérer des animaux dans la nuit. J’accepte volontiers, j’adore l’atmosphère nocturne de la jungle! Je suis de nouveau sa princesse ce soir et il refuse catégoriquement que je l’aide à pagayer. Il souhaite juste que je profite de la balade en toute quiétude sans m’occuper de rien. D’ailleurs il me confisque même ma rame… Bon, je n’ai plus qu’à me laisser faire… La lune est éclatante ce soir et illumine la forêt de telle sorte que nous n’avons même pas besoin de torche pour nous diriger dans la rivière. Max aperçoit un énorme poisson qui saute devant la pirogue et il ne peut s’empêcher d’empoigner son harpon et de le lancer dans l’eau trouble. En plein dans le mille! Le harpon a transpercé le poisson qui a eu le malheur de passer un peu trop près de nous. En plus, c’est uniquement pour le sport, vu que nous avons déjà mangé et préférons déguster des poissons fraîchement pêchés plutôt que de garder ceux de la veille. De surcroît, nous n’avons pas de réfrigérateur pour les conserver au frais. Nous le rejetons dans la rivière, il servira de repas aux caïmans. Le calme revenu, je me laisse encore une fois happer par cette jungle fantasmagorique qui semble m’accepter en son sein, moi pourtant si petite et insignifiante au milieu de ce poumon vert qui m’avale un peu plus à chacune de ses respirations. Alors que nous nous enfonçons toujours plus loin dans cette dense et luxuriante forêt au moyen de notre petite barque silencieuse, les yeux fermés, j’ai l’impression que le temps s’est arrêté encore une fois… Max et moi restons silencieux pour pouvoir vraiment apprécier les sons qui nous entourent: le bruit de la pagaie pénétrant doucement dans l’eau, le clapotis de la barque se glissant sur la rivière, des poissons surpris par notre approche s’enfuient parfois à toute allure, nous faisant sursauter au passage, de gros caïmans plongent dans l’eau afin d’attaquer une proie… les bruits de la forêt sont multiples et toujours changeants pour mon plus grand bonheur. Je me laisse envahir par cette sérénité que seule la jungle sait m’apporter de cette manière. J’ai l’impression de dériver dans les abîmes du temps, ne sachant plus très bien où je suis mais ne m’en inquiétant guère. Je me trouve là où je dois être avec l’étrange impression d’atteindre un but sans vraiment arriver à le déterminer exactement. Comme si mes trois mois de voyage prenaient tout leur sens ici, en cet instant de bonheur simple et intense, sur ma petite pirogue conduite par Max, entourée d’une force bienveillante qui me souffle à l’oreille qu’elle veillera sur moi quoi qu’il arrive. En cette nuit dépourvue d’étoiles mais à la lune luminescente, je pense être arrivée à la première grande étape de ma quête du bonheur… Et cette prise de conscience soudaine fera poindre des larmes au coin de mes paupières, ce qui n’altère en rien mon sentiment de plénitude qui a envahi tout mon être à cet instant. Emue, je remercie silencieusement Dame Nature de m’avoir tant apporté cette fois-ci encore.

Nous revenons ensuite au camp après cette incroyable sortie nocturne puis glissons dans nos hamacs, la moustiquaire nous entourant comme une toile d’araignée tissée pour notre protection. J’entends avec satisfaction les mouches essayant de m’atteindre bourdonner avec énervement, trouvant cette fois un obstacle à leur piqûre ( oui les mouches piquent ici jusqu’au sang!) Max et moi nous racontons des légendes urbaines, chacun bien à l’abri dans son cocon, mais Max n’entendra jamais la fin de mon histoire, je suis coupée dans mon élan par des ronflements sonores. Je me demande depuis combien de temps je parle toute seule… Enfin, je le comprends, il a travaillé dur pour moi aujourd’hui! Il mérite une bonne nuit de sommeil. Quant à moi, je me force à rester éveillée un peu, profitant ainsi le plus longtemps possible des bruits nocturnes de la jungle. Crapauds, cigales, oiseaux, poissons, tout le monde a l’air de s’être mis d’accord pour me faire entendre le plus beau des concerts. Ma joie est à son comble lorsque les singes hurleurs se mettent de la partie, comme si le chef d’orchestre avait soudain fait monter sur scène ses meilleurs chanteurs. Je m’endors le sourire aux lèvres et l’esprit totalement en paix.

Seuls au monde entourés de cascades

Le 23 novembre 2009

Je me réveille toujours un peu ballonnée, mon ventre gonflé n’en ayant visiblement pas encore fini avec moi mais il y a une nette amélioration par rapport à hier soir. J’ai passé une assez bonne nuit malgré la présence harcelante de moustiques téméraires. Pourquoi les trouve-t-on plus dans les milieux urbanisés qu’en pleine jungle? Max a aussi pris ma jambe pour un ballon de football en pleine nuit, ce qui m’a réveillée en sursaut, ne comprenant pas ce qui se passait. Il m’a fait mal l’animal!

Alors que Max dort encore, je sors profiter du jardin et de la quiétude de la pausada absolument déserte alors que le soleil se lève à peine. J’aime admirer les couleurs de l’aurore qui recouvrent le paysage à l’unisson avec les oiseaux semblant timidement entamer leur chant comme pour ne pas réveiller toute cette nature encore somnolente. Massant doucement mon ventre afin de m’excuser encore une fois de mon insouciance, je profite de la sérénité des lieux, faisant le plein d’énergie revitalisante.

Max réveillé et prêt, nous décidons de repasser à la belle cascade attenante à l’hôtel afin que je puisse mieux apprécier cette fois-ci. Nous sommes toujours seuls à profiter des lieux et mon corps m’autorise cette fois à me rafraîchir dans cette eau douce déferlant tel un massage sur mes épaules et mon dos. Ravie de pouvoir cette fois jouir à mon aise de ce petit coin de paradis, je ris gaiement en jouant dans les remous des chutes d’eau, Max se contentant de me regarder en souriant. Sans café le matin, il lui est impossible de faire quoi que ce soit et certainement pas de se baigner dans l’eau froide des cascades. Il me fait rire avec son rituel de café!

Ragaillardie par cette belle baignade, je me sens d’attaque pour le petit déjeuner. Nous quittons ce petit coin de paradis solitaire pour nous rendre au marché du village. Je décide d’y aller doucement et ne commande qu’un jus d’orange pressée tandis que Max avale un sandwich au fromage avec son café tant attendu. Nous nous rendons ensuite à une autre cascade recommandée par notre guide d’hier. Une longue et belle marche à travers la forêt nous permet d’apprécier la beauté des arbres et plantes de la région. Mon estomac a visiblement encore du mal avec le simple jus d’orange que je lui ai donné ce matin et c’est avec difficulté que j’arrive au bout du petit sentier menant aux cascades. Encore une fois, nous sommes les seuls sur les lieux et pouvons apprécier tout à loisir ces merveilles naturelles. Max se précipite sous les trombes d’eau qui jaillissent des rochers tandis que c’est à mon tour de le regarder. Je m’aventure timidement sous la plus fine cascade, ne souhaitant pas trop m’exposer au froid glacial de ces eaux fraîches.

Une demi-heure après notre arrivée heureusement matinale, nous voyons débarquer une famille brésilienne d’une dizaine de personnes criant et hurlant sans se soucier le moins du monde de nous, s’installant juste à côté, une bière à la main alors qu’il est à peine 10h du matin, allant même jusqu’à se placer juste devant nous, ce qui nous empêche de voir les cascades! Ca me fait rire tellement je trouve cette attitude incroyable… Max n’en revient pas non plus. Bon, il est temps pour nous de partir je pense. Nous nous arrêtons sur le chemin du retour sur une petite plage au bord de la rivière, plus calme et tranquille, afin de profiter une dernière fois des lieux puis nous reprenons la direction de Manaus. Max souhaite se reposer un peu à son tour, c’est donc moi qui conduis cette fois, sans expérience de la conduite brésilienne, ni même de permis en poche, l’ayant laissé à Montréal. Mais visiblement ce genre de « détail » n’est pas un problème ici, les policiers sont de toute façon corrompus et un billet arrange tout. Bon..;

La route jusqu’à Manaus se passe sans encombre, elle est toute droite et la belle voiture de Max est très agréable à conduire. Par contre, une fois arrivés à Manaus, ce n’est plus le même folklore… Aucune priorité n’est respectée, les dépassements à droite sont de mise ainsi que les queues de poisson. En sueur, je réussis à nous déposer vivants devant la boulangerie située à deux pas de la maison de Max afin d’y déjeuner rapidement. Je me contente de riz, pour ma part, ce qui ira très bien.

L’après-midi passe tranquillement au domicile de Max à regarder les mails pour ma part et à travailler à l’agence pour lui. Max m’a pris rendez-vous vers 16h dans un institut de beauté pour une manucure et une coiffure. Moi qui n’y vais jamais en France ou au Canada, c’est la deuxième fois que je m’y rends à Manaus! D’ailleurs, la coiffeuse me reconnait et crie de joie lorsqu’elle voit mes ongles longs cette fois-ci alors qu’elle était désolée de devoir s’occuper d’ongles rongés en février dernier! Comme quoi, il y a eu du progrès depuis! Elle me fait une manucure complète des pieds et des mains, je n’ai jamais eu les ongles aussi beaux qu’aujourd’hui. Par contre, pour les cheveux, c’est une autre histoire… D’abord, elle me les tire dans tous les sens au moment du lavage et moi qui suis sensible du cuir chevelu, j’avoue serrer les dents plus d’une fois. Ensuite, elle me fait un brushing au sèche-cheveux en laissant si longtemps l’appareil posé sur mes cheveux que je les sens cuire sous mes yeux! Mais elle me brûle carrément les cheveux! Le résultat est d’ailleurs évident, de petites mèches hirsutes se dressent sur ma tête, visiblement peu contentes d’avoir été brûlées au fer chaud. Non, je te jure… Je dois avoir les cheveux plus fins que la plupart des Brésiliennes, mais quand même…

Je reviens chez Max avec ma tête de hérisson fâché, tout en essayant de ne pas lui montrer ma colère. Max n’y est pour rien, il voulait juste me faire plaisir… Pour me changer les idées, il m’emmène au supermarché m’acheter deux mignons petits tee-shirts pour la jungle. Il est adorable ce Max!

Nous soupons rapidement dans un self service puis il m’emmène me promener dans un parc aménagé, mais mes douleurs abdominales me reprennent durement, comme après chaque repas, et je demande à rentrer, épuisée par ma journée.