Inde, me revoici !

Le 18 mars 2011

Après 3 jours exquis passés du côté de Marseille, me voici de nouveau dans la salle d’embarquement de l’aéroport à destination de New Delhi cette fois. Un autre type d’expérience m’attend !

Malgré le temps pluvieux et glacial, j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à me reposer durant cet intermède français. Le plaisir de goûter la nourriture provençale, le bon vin aux senteurs de fût de chêne… J’ai retrouvé en ces quelques jours tout le plaisir d’être Française ! L’odeur particulière que dégage la végétation trempée par des pluies diluviennes, les balades dans les petits villages campagnards aux maisons centenaires, me perdre sur les routes sinueuses et déboucher sur une petite rivière entourée de champs dans un décor d’impressionniste, le son des grillons le matin à l’aube. J’ai pu faire ma touriste sur Aix en Provence, charmante petite ville que je ne connaissais pas, mais j’ai préféré rester la plupart du temps à me reposer, reprenant des forces afin d’affronter sereinement mon arrivée en Inde. Le plaisir de passer des heures à lire, tout en écoutant de la musique jazz, dans une vieille maison campagnarde à la charpente geignarde, m’a fait le plus grand bien. Je retrouvais mon ami le soir et il m’emmenait au restaurant ou danser dans la région lorsqu’il rentrait du travail. Une vie simple et riche en même temps, tout ce qu’il me fallait !

Mon avion en partance pour Munich décolle à heure dite et j’atterris 2 heures plus tard en Allemagne dans un froid hivernal de 5°C environ. J’ai à peine le temps de m’adapter à cette température frisquette qu’il est déjà temps de repartir, pour Delhi cette fois. Après un vol sans encombre, je mets de nouveau les pieds sur ce territoire si étrange et fascinant à la fois qu’est l’Inde. A peine descendue de l’avion, je retrouve cette odeur si particulière propre à ce pays : un mélange indescriptible de pneu brûlé, de chaleur écrasante, d’épices odorantes et de fleurs fanées, tout ça mixé ensemble ! L’odeur n’est pas vraiment désagréable, mais très caractéristique de l’Inde ! J’avoue ne pas me sentir particulièrement excitée de revenir en Inde, je ne suis ni contente, ni triste, plutôt neutre en fait. Je ne comprends pas vraiment pourquoi… Comme si je n’avais rien à faire là, que ma présence était incongrue… Hier déjà, je n’arrivais pas à m’imaginer en Inde, mais maintenant que j’y suis réellement, cette étrange sensation ne me quitte pas.

Mon bagage rapidement récupéré, je sors tout de même en hâte de l’aéroport, impatiente de retrouver mon amie, censée me récupérer à mon arrivée. Elle est ici depuis plusieurs mois en voyage et je suis tellement heureuse de la revoir de nouveau ! Nous nous sommes rencontrées à Montréal il y a 3 ans et sommes vite devenues inséparables ou presque. Un petit soleil dans ma vie cette Aurélie ! Mais malheureusement, mon désappointement est grand de ne pas la voir à la sortie de l’aéroport… Je cherche partout mais je ne la vois nulle part. Je fais les cents pas dans le hall, regarde à toutes les sorties… sans succès… Par contre, les Indiens m’ont repérée et me regarde curieux de mon manège, ce qui me met mal à l’aise. Je n’aime pas cette ville, Delhi m’a toujours rendue nerveuse ! Au bout d’une heure d’attente, je décide de passer au plan B. Je lui avais dit que si jamais on ne se retrouvait pas à l’aéroport, on se rejoignait à l’ashram de Sri Aurobindo dans lequel nous sommes censés passer la nuit. Je monte alors dans un taxi qui m’amène en une demi-heure au dit ashram. Mon moral n’était déjà pas très brillant à mon arrivée, mais il est carrément descendu en flèche depuis… Lorsque le chauffeur me demande le double du prix pour la course, je n’essaie même pas d’argumenter, fatiguée par ma nuit difficile dans l’avion et par ma déception due à l’absence de mon amie. A la réception de l’ashram, aucun de nos 2 noms n’est enregistré, Aurélie n’a donc pas réservé de chambre pour nous ici. Bon…

Je décide de l’attendre ici vu que c’était le point de rendez-vous que nous nous étions fixés… Heureusement, la matinée ne fait que débuter, j’ai toute la journée pour la retrouver ! Je pose mon sac dans un coin et visite un peu l’ashram, un magnifique endroit paisible, préservé des bruits de cette ville infernale. On entend même les oiseaux chanter ! Le jardin est superbe avec ces fleurs colorées et la salle de méditation impressionnante de majesté ! J’en profite pour recharger les batteries en méditant un peu ce qui me fait le plus grand bien.

Plus de 2 heures que je l’attends et toujours personne, je décide d’aller à la recherche d’Internet afin de voir si elle m’a laissé un message. J’en trouve un dans un petit marché du coin, mais comble de malchance, l’électricité est coupée pour une durée indéterminée. Je n’ai vraiment pas de chance moi aujourd’hui ! C’est un coup à ce que je reprenne l’avion dans l’autre sens ça ! Je pars à la recherche d’un autre Internet café plus loin en espérant que la ville entière n’est pas tombée dans le noir, mais mes recherches s’avèrent définitivement infructueuses. On m’annonce que ça ne marchera pas aujourd’hui, ni demain vu que c’est le week-end… Heureusement qu’on est à Delhi, ça serait quoi en campagne ! J’en profite pour m’acheter quelques bananes pour apaiser mon estomac gargouilleux et je m’offre un chaï aux senteurs de cannelle qui me rappelle tant de souvenirs. Je dois avouer que tous les Indiens que je rencontre sont adorables, de la maman qui a du s’apercevoir de mon air perdu et m’a invitée chez elle, ce que j’ai décliné avec gentillesse, au jeune étudiant qui m’époussette une chaise en plein sur le trottoir pour que je puisse boire mon thé en me reposant… Pas de harcèlement, ni de mendicité, tout le monde est tout sourire avec moi, ça me remet du baume au cœur !

Alors que j’abandonnais mes recherches pour aller m’étendre dans le jardin de l’ashram, je vois une petite tête se pencher derrière un mur, c’est mon Aurélie !! Youpi !!! Nous nous sautons dans les bras, heureuses de se retrouver au final ! Elle m’explique qu’elle pensait que je mettrais longtemps à sortir de l’aéroport et a pris son temps pour venir me chercher. Lorsqu’elle est arrivée, j’étais déjà partie ! Elle m’a attendue à son tour tout ce temps à l’aéroport… Sacrée Aurélie ! L’important ; c’est que l’on soit de nouveau réunies… Nous réservons un dortoir pour cette nuit, mangeons en se racontant nos vies en accéléré, tout en sachant que nous aurons 3 semaines pour les détails. Quel bonheur de retrouver mon amie en vadrouille depuis 6 mois ! Son allure n’a pas trop changé à part ses pieds et mains noircies par la saleté du pays, ce qui ne manquera pas de m’arriver également bientôt. Elle parle avec volubilité et excitation d’Amma, de l’ashram, de dévotion, de pujas… Autant de concepts que j’ai connus et embrassés il y a 2 ans de cela, mais qui me paraissent étranges à présent, étant moi-même sortie de ce contexte spirituel. Je peux mieux comprendre mes proches à qui j’essayais d’expliquer mes théories diverses et qui me regardaient avec des yeux ronds me pensant aliénée par une quelconque secte. Pourtant, elle a le même discours que celui que j’avais et j’ai du mal à la suivre à présent.

Nous partons pour l’école d’Amma afin d’aller récupérer les affaires d’Aurélie et assister au bhajans (chants sacrés) ce soir donnés par Amma normalement. Revoir Amma me fait énormément plaisir, je sais que ce sera la seule et unique fois du voyage. Une course de rickshaw plus tard et nous voici dans une école où les dévots d’Amma ont élu domicile après leur tour du Nord. Je retrouve ces gens habillés en blanc, parlant d’Amma toutes les 2 phrases, je reconnais même certaines têtes rencontrées il y a 2 ans à son ashram. Etrange de revenir dans ce monde… Aurélie me prête un châle pour que je couvre ma poitrine et mes fesses trop visibles sous mon pantalon large et mon tee-shirt XXL… Les normes d’habillement sont encore plus strictes que dans le reste de l’Inde alors qu’il n’y a pratiquement que des Occidentaux ici, il ne faut pas exagérer. Je suis spectatrice de tout ce qui se passe en me sentant plutôt détachée, la fatigue n’aidant sûrement pas. Aurélie me montre sa chambre… ou plutôt une pièce qui doit faire office de salle de classe normalement. Des tapis de sol sont juxtaposés les uns juste à côté des autres, permettant aux femmes d’avoir juste assez de place pour s’allonger et dormir. Elles dorment à même le sol dans leur sac de couchage avec une proximité de leur voisine assez troublante. Elles sont une quinzaine entassées ainsi ! Pour ma part, ej n’ai jamais fait ce genre d’expérience et ne suis pas vraiment pressée. Une asiatique est couchée au fond de la pièce, enveloppée de son sac de couchage, elle a l’air souffrante. Cet endroit me donne la vague impression de me trouver dans la cours des miracles… Les gens tombent malades comme des mouches à cause de la fatigue engendrée par un manque évident de sommeil ou de déshydratation due à un manque de vigilance ou d’intoxication alimentaire… C’est au choix !

Je fais connaissance avec les amis d’Aurélie, tous très gentils et bienveillants à mon égard. Principalement Français, ils sont de tout âge et de tout niveau social. C’est ce que j’aime dans ce genre d’endroit, les gens que l’on rencontre ne sont absolument pas identifiés à une catégorie sociale particulière. Tous habillés en blanc dans de amples toges, l’aspect physique n’est plus un critère, ni la manière dont on s’habille. Les gens se créent des affinités entre eux seulement s’il y a véritablement compatibilité de caractère ou de ressenti. Aucun autre critère factice ne rentre en jeu. Et c’est vrai que les personnes faisant la démarche d’aller dans les ashrams sont souvent ouverts sur eux-mêmes et bienveillants envers autrui. C’est le but de leur démarche. Je ne peux toutefois m’empêcher de penser qu’ils s’octroient beaucoup de souffrances dans le but de devenir meilleurs… Je ne suis pas persuadée que ce type de démarche, fort louable cependant, doit automatiquement s’effectuer dans la douleur et le manque. Ca aide peut-être à revenir à l’essentiel, amis le plus important selon moi est d’apprendre à s’écouter soi-même et faire attention à ne pas dépasser ses propres limites physiques ou émotionnelles. Je me surprends à me trouver moi-même bien critique et en réaction par rapport à tout ça, alors que j’y ai plongé à pieds joints il y a 2 ans ! Etrange…

Nous passons du temps à discuter ensemble, se reposer sur un petit carré d’herbe, boire du chaï, l’après-midi passe rapidement. Vers 18h30, l’heure des bhajans a sonné et nous descendons dans la cours. Malheureusement, Amma n’y assistera pas. Un peu déçue, je me laisse toutefois happer par ces chants indiens spirituels qui me transportent dans un autre monde… Ou plutôt, m’ouvrent au monde. Je me sens tout de suite en adéquation avec tout et pour ce seul instant hors du temps, je ne regrette déjà pas mon voyage en Inde. Etrangement, je ne sais pas pourquoi je suis venue en Inde cette fois-ci. La première, c’était dans un but uniquement touristique. La deuxième, une recherche sur moi-même et une entrée dans le monde spirituel. Cette fois-ci, je n’en ai aucune idée et ça me perturbe un peu. Peut-être dois-je juste laisser ce qui doit arriver sans me poser de questions. Si je suis là, c’est que j’ai senti que je devais faire ce voyage. A moi de rester ouverte sur ce qui arrivera.

Les bhajans finis, on nous annonce que Amma va servir le repas sur le toit de l’école. Tout le monde s’y précipite en courant pour avoir la meilleure place auprès d’elle. Je regarde cette folie avec amusement, ne me sentant pas vraiment concernée par cet empressement. Tout le monde est installé par terre sur le toit, attendant impatiemment la reine. Je retrouve Soazig, une Française que j’ai connue à Montréal et avec laquelle j’avais sympathisée. Nous nous racontons nos vies et je suis surprise d’apprendre qu’elle a pris toute une année sabbatique pour suivre Amma. Elle est à fond ! Comme tout le monde ici d’ailleurs. Encore plus qu’à l’ashram vu que je suis entourée de gens qui ont fait le tour du Nord avec Amma, la suivant dans des bus durant un mois, allant de villes en villes pour aider Amma dans ses soins humanitaires à la population indienne. De très belles actions désintéressées. Je me dis juste que faire payer 1000 dollars aux Occidentaux pour les autoriser à venir s’entasser dans des bus, dormir par terre, être malade et travailler pour Amma est un peu exagéré… Ok, ils sont nourris et blanchis, mais dans quelles conditions !

Je préviens Aurélie que l’ashram où nous avons prévu de dormir ferme ses portes vers 22h30 donc il ne faut pas tarder à partir. Amma n’est toujours pas arrivée, j’ai faim et mon humeur commence à être atteinte par le fanatisme de mes compagnons. Quand Aurélie me propose de rester dormir ici comme ça nous aurons le privilège d’assister au repas donné par Amma, je pousse un NON un peu trop véhément à mon gout, mais qui a le mérite de sortir du cœur. Je suis fatiguée par mon vol de France, le manque de sommeil, le décalage horaire et les marches incessantes de ce matin dans tous les sens pour trouver Internet ; je veux dormir sur un vrai matelas dans un endroit calme avec un minimum de confort. Dormir par terre à 2 centimètres d’une voisine malade, non merci ! Aurélie comprend mon état d’esprit et n’insiste pas. Elle dit au-revoir à ses amis et alors que nous allions partir, Amma finit enfin par arriver, comme si elle voulait nous dire au-revoir elle aussi. Je suis heureuse de la voir et essaie de m’imprégner de son essence au maximum lorsqu’un de ces dévots vient nous voir Aurélie et moi pour nous dire que je ne fais pas partie du groupe qui a effectué le tour du Nord avec Amma et que je n’ai rien à faire ici. Nous lui expliquons que je ne reste pas, je souhaitais juste voir Amma 10 minutes et que je ne mange ni ne dors ici. Malgré tout, il nous regarde d’un sale œil. Parfait, nous déguerpissons d’ici au plus vite ! Il m’a coupé mes retrouvailles avec Amma… Tant pis ! Aurélie est déçue qu’on lui ait fait des remontrances, c’est en effet à elle qu’il s’est adressé… Ah ces dévots !

Aurélie va chercher ses 4 sacs bourrés à craquer, tout l’inverse d’une baroudeuse aux bagages légers – ce qui me fera rire à de nombreuses occasions – puis nous hélons un rickshaw pour qu’il nous ramène à l’ashram. Je n’aime pas trop sortir dehors à cette heure, il est près de 21h30, mais bon, nous devrions être vite rentrées. Sauf que notre chauffeur a un mal fou à trouver l’adresse de notre ashram, ce qui commence à nous inquiéter vu qu’il ferme ces portes bientôt. Il réussit toutefois à nous amener à bon port à temps. Nous mangeons nos chapatis achetés en vitesse en route dehors puis rentrons nous coucher sans bruit dans le dortoir de filles à moitié vide. Nous devrions bien dormir cette nuit !

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