Retour en France

Le 8 avril 2011

Réveillée à 5h30 du matin, juste un peu avant mon réveil, je me prépare tranquillement dans ce grand dortoir vide. C’est une sensation étrange de me retrouver si seule dans un endroit inconnu alors que j’ai passé 3 semaines avec Aurélie, sans nous lâcher une seconde. Ceci dit, j’aime beaucoup aussi la solitude. Le taxi m’attend déjà dehors et me conduit à l’aéroport en moins de 20 minutes.

Mon bagage enregistré, je flâne dans ce bel aéroport beaucoup plus moderne que celui où j’avais atterri 6 ans plus tôt. C’est fou comme le monde change vite ! Je retrouve du confort et du luxe abandonnés depuis 3 semaines…A commencer par les toilettes dotées d’un siège propre au lieu de toilettes turques, avec du vrai papier ! Jusque-là, je m’aspergeais juste avec de l’eau, à la manière des Indiens… Plus écologique mais moins pratique, il faut le reconnaître.

Assise dans la salle d’embarquement, il est l’heure d’un petit bilan de mon voyage… J’ai vraiment été surprise de la gentillesse des Indiens cette fois-ci. Ils n’étaient nullement insistants ou pénibles dans leur volonté à vouloir nous parler ou nous vendre quelque chose. J’ai connu bien pire dans mes précédents voyages ! Nous étions souvent tranquilles dans des endroits calmes, ce qui ne correspond pas aux expériences que j’avais effectuées auparavant. Mais je ne vais pas m’en plaindre, bien au contraire ! Le voyage avec Aurélie a été extrêmement agréable et plutôt tranquille. A part Varanasi, nous avions choisi des endroits réputés pour être relaxants, ça joue aussi dans mon impression de ne pas avoir été trop bousculée. L’Inde me fascine toujours autant malgré mes 3 voyages dans ce pays. Chaque région diffère drastiquement les unes des autres, il est impossible de se préparer à ce qu’on va avoir. Et j’aime cette impression de surprise à chaque coin de rue !

J’ai aimé vivre cette expérience avec Aurélie, ça m’a permis de mieux la connaître et de confirmer cette amitié authentique. Je n’étais pas sûre que notre rapprochement durant ces 3 semaines se fasse sans heurt, mais ça a été le cas, aucune dispute ni malaise et j’en suis ravie. Nous étions tout le temps sur la même longueur d’ondes, elle et moi, comme si nous étions connectées ! Un vrai bonheur… Je ne sais pas encore ce que m’a appris mon voyage cette fois-ci, c’est encore trop tôt pour avoir le recul nécessaire, je pense. Mais une chose est sûre, je me sens beaucoup moins stressée qu’à mon arrivée et rien que pour ça, ce voyage était utile ! Juste pour prendre du recul par rapport à mon quotidien et relativiser les problèmes. Je vais les retrouver à mon retour au Québec, je ne me fais pas d’illusions, mais je pense que mon état d’esprit se sera apaisé et que je pourrai les régler un par un sans stress exagéré. Et alors, j’aurai gagné un peu de paix dans ma vie, ce qui est un grand cadeau pour moi-même !

A bientôt pour de nouvelles aventures !

Retour à Delhi

Le 7 avril 2011

Bon, on ne peut pas dire que ce soit facile de bien dormir dans un bus, surtout avec les incessants virages qui nous ballottent d’un côté puis de l’autre (c’est rarement deux fois du même côté, étrangement…) ce qui rend le sommeil difficile à venir. Toutefois, je pense avoir quand même réussi à dormir un peu entre toutes ces secousses.

J’arrive vers 6h du matin dans une vieille gare routière éloignée de tout. Une horde de rickshaws nous attend à la sortie du bus pour nous emmener où nous le souhaitons. Je désire retourner à l’ashram de Sri Awobindo, cet endroit calme où je pourrai me reposer la journée en attendant mon vol de demain. Je monte avec une jeune fille occidentale dans l’un d’eux. Visiblement, nous avons été laissés dans le nord de la ville alors que mon ashram se trouve dans le sud. Notre taxi est une vieille boite de conserve qu’il faut faire redémarrer toutes les dix minutes, c’est folklorique ! Et évidemment, ce qui devait arriver arrive, un pneu éclate en plein sur la route. Arrêtés au milieu de la voie, nous sortons du véhicule sur les conseils de ma compagne afin d’éviter de nous faire heurter par une voiture. Sauf que c’était sans penser que deux blanches sur la bande d’arrêt d’urgence, ça distrait les conducteurs… Inévitablement, un carambolage de deux voitures a lieu juste devant nous, l’un des conducteurs nous ayant regardés une seconde de trop. Heureusement, il ne s’agit que de tôle froissée, rien de grave. De toute façon, vu les voitures qu’ils ont, ils ne risquent pas d’aller bien vite. Et le plus étrange dans tout ça, c’est que je regarde les scènes d’un œil extérieur, ni surprise, ni choquée…comme si ça ne me concernait pas (ce qui est un peu le cas). J’ai tellement vu de choses étranges en Inde que plus grand-chose ne me surprend, on dirait. Notre chauffeur à la roue crevée ne se préoccupe absolument pas non plus du bazar ambiant dû au carambolage, bien trop occupé par son propre problème. Il nous arrête un autre rickshaw et nous propose de continuer avec lui, ce que nous acceptons volontiers. Nous le laissons donc à sa roue à plat et reprenons la route, évitant ainsi sûrement d’autres accidents dus à notre présence au bord d’une route. Je regarde négligemment autour de moi alors que le rickshaw se fraie un chemin parmi la horde de voitures, tout en essayant de prendre conscience que beaucoup de touristes parachutés en Inde pour la première fois peuvent s’y perdre un peu… Comme ça a été le cas pour moi lors de ma première venue dans ce pays il y a six ans de cela. Alors que nous sommes sur une autoroute à trois voies, à peu près six véhicules se font front en même temps, l’un essayant de doubler l’autre ou de tourner à un endroit interdit. Des mendiants sautent sur mon taxi à la vue d’une blanche pour demander de l’argent à cette Occidentale riche. Tiens, on double un éléphant sur l’autoroute… Autant d’incongruités qui encore une fois ne m’étonnent même plus en Inde mais continuent à me faire sourire ! Le pays de l’illogisme… Il ne faut pas essayer de le comprendre avec notre tête ou notre raison, il faut juste le sentir dans ses tripes ! Et seulement à ce moment-là, on peut vraiment prendre du plaisir à se trouver dans ce pays de fous ! Sinon, on risque de partir en courant comme je l’ai fait après mon premier mois de voyage en Inde. J’essayais trop de mettre ce pays dans une case, dans quelque chose que j’avais appris, mais ça ne rentrait pas et je le vivais mal. Maintenant, je me dis toujours qu’il ne m’arrivera que des imprévus en Inde, et j’ai appris à lâcher prise avec ce pays !

Arrivée à l’ashram, je suis en terrain connu et monte tout de suite au dortoir des filles. Par chance, je suis seule dans cet immense dortoir, je peux m’installer n’importe où. Une bonne douche et une chasse aux moustiques plus tard, je vais m’étendre dans un merveilleux jardin si calme qu’on entend les oiseaux en plein Delhi ! J’y passe d’ailleurs toute la journée, somnolant un peu tout en rêvassant. Il fait bon ne rien faire ! Le soir venu, j’assiste à la méditation commune dans le grand hall où on nous passe un discours de la Mère, emblème de l’ashram. Beaucoup de jeunes étudiants indiens sont assis sagement à méditer dans un silence religieux. Tout le monde va manger ensuite. Je grignote mais je sature un peu des plats uniquement végétariens depuis trois semaines, tout en sauce épicée qui arrache la gorge. Vivement la France, sa bonne cuisine et son bon vin ! Trois semaines également sans une seule goutte d’alcool… Mon arrivée en France risque d’être épique, dans tous les sens du terme ! En attendant, bonne nuit !

Au revoir, ma belle Aurélie !

Le 6 avril 2011

Pour une fois que nous n’avons aucune contrainte, nous nous réveillons toutes les deux tout de même avant 7 h… Ce n’est pas des vacances, ça ! Le temps est à la pluie aujourd’hui, on a entendu le vent s’engouffrer dans les fenêtres toute la nuit en espérant qu’elles allaient tenir le coup sous les fortes bourrasques !

Aujourd’hui, c’est mon dernier jour à Dharamsala, je reprends le bus ce soir pour Delhi afin de rentrer en France. Aurélie reste ici quelques jours encore, c’est donc notre dernière journée toutes les deux ! Nous décidons de la passer à faire des choses de filles… Au programme : épilation et shopping ! Dure journée en perspective… de toute façon, vu le temps qu’il fait aujourd’hui, on n’a pas trop envie de mettre le nez dehors… Nous passons la journée de fous rires en fous rires comme si nous devions emmagasiner le plus de joie et de bon temps ensemble avant l’inéluctable départ ce soir. Nous nous moquons de notre accoutrement à la limite de la clocharde, n’ayant depuis 3 semaines ensemble aucune envie de faire d’effort vestimentaire. L’important, c’est que ce soit pratique et chaud… le reste nous est égal. On se demande d’ailleurs comment on réussit à se faire draguer par des Indiens, fagotées comme nous le sommes… je n’oserais jamais sortir habillée de cette façon en France ou au Québec, j’aurais trop honte de moi-même ! Mais ici, aucun problème… Nous rions comme des folles de tout et de rien en pleine rue, si bien que les Indiens nous regardent avec un air inquiet semblant douter de notre santé mentale. La cerise sur le gâteau est apportée par l’un d’entre eux qui nous demande d’où l’on vient. Il veut se glorifier alors de nous sortir une phrase en français et nous dit tout fier : « Papa, maman, ne me poussez pas dans les orties ! ». Il n’en fallait pas moins pour déclencher une hilarité bruyante chez Aurélie et moi-même allant jusqu’à verser de chaudes larmes de rire !

Malgré tout, le temps passe vite et il est déjà l’heure pour moi de partir. Je rassemble mes affaires, dis au-revoir à Angèle et Roger puis pars à l’arrêt de bus, accompagnée d’Aurélie. Ma belle Aurélie qui a été ma compagne inséparable durant ces 3 semaines, partageant ensemble l’intimité de chaque moment, nous confiant l’une à l’autre sur toutes nos pensées, réagissant parfois comme un couple l’aurait fait. Aurélie si pétillante, amusante…sans oublier gourmande ! Je te souhaite une excellente suite de voyage qui, j’en suis certaine, sera extrêmement enrichissante pour toi ! Je monte dans le bus après de multiples embrassades à déchirer le cœur. Olivier arrive juste à temps pour une bise rapide, je suis contente qu’il soit auprès d’Aurélie à mon départ. Moi, je rentre en France, je ne serai pas longtemps seule, alors qu’Aurélie doit maintenant continuer son voyage en solitaire et je sais par expérience que ce n’est pas évident de quitter un compagnon de voyage. Un dernier au-revoir à travers la vitre du bus à une miss en larmes puis je décolle en direction de Delhi.

Vers 22h, on s’arrête pour manger et plusieurs Occidentaux d’un autre bus se plaignent que leur moyen de transport soit tellement pourri qu’ils sont tous malades au moindre virage. Et en montagne, il y en a des virages ! Je suis donc chanceuse d’avoir un bon bus avec des sièges inclinables pour la nuit. D’ailleurs, je suis encore une fois exténuée et ne tarde pas à m’allonger en mode dodo !

Sources chaudes

Le 5 avril 2011

Réveillées encore une fois dès potron-minet, nous rejoignons Olivier aussi hagard que nous afin de nous rendre au point de rendez-vous où nous attend un taxi qui va nous faire un tour de la région aujourd’hui. A notre grand étonnement, il est à l’heure et nous partons aussitôt en direction d’un premier temple à 1h30 de route. Nous somnolons dans la voiture jusqu’à notre arrivée à destination. Un bon chaï chaud plus tard, nous sommes à peu près d’attaque pour la visite. Nous nous trouvons dans un village peu touristique et les Indiens nous observent avec plus de curiosité qu’à l’accoutumée. Surtout Aurélie et moi, en fait, Olivier laisse visiblement plus indifférent. Nombre d’entre eux sont habillés tout en jaune pour le festival de Khali qui a lieu en ce moment, ce qui doit expliquer la foule qui se presse dans ce petit temple à une heure aussi matinale. Le temple n’a rien d’extraordinaire en lui-même mais le spectacle vient plutôt des Indiens qui nous dévisagent tous en souriant et veulent inlassablement nous prendre en photos toutes les 2 minutes, Aurélie et moi avec eux, alors qu’ils ne nous ont même pas adressé la parole. Finalement, c’est plutôt nous qui faisons office de spectacle pour eux. Pas vraiment réveillée et surtout affamée du manque de petit déjeuner ce matin, leur trop grand intérêt pour moi commence à me taper sur le système… Je ne peux même pas rester assise 2 minutes sans qu’on vienne me demander de poser pour une photo en me tirant violemment par le bras. Aurélie a également une quinzaine d’Indiens autour d’elle… Bon, il est temps de partir, ça ne nous amuse plus !

Nous revenons au taxi qui nous emmène ensuite à un magnifique fort style médiéval, d’autant plus superbe qu’il est désert. Nous déambulons dans ces vestiges d’un autre temps en admirant la capacité qu’ont les humains à construire de tels châteaux forts. Perché sur une montagne, une rivière en contrebas, un précipice de l’autre côté, ce fort domine la région et semble imprenable. Sa vue sur l’Himalaya est également à couper le souffle ! Nous profitons du calme qu’il confère pour effectuer une petite sieste jusqu’à l’arrivée bruyante de jeunes collégiens. Mon ventre crie toujours famine, on se décide à revenir près du chauffeur pour lui demander de nous amener à un restaurant. Aurélie, Olivier et moi ne nous sentons pas très vivaces aujourd’hui, c’est sûrement dû à nos 2 jours de randonnée fatigante de la veille. Heureusement, nous nous laissons transporter par une voiture toute la journée, les efforts physiques vont être minimes. Enfin notre chauffeur nous arrête dans une petite échoppe où ils proposent divers légumes mijotés à des sauces épicées, à manger avec des chapatis (galettes de blé noir). On prend le chapati de la main droite (toujours la droite !) et on s’en sert comme d’une cuillère pour ramasser les légumes et porter le tout à notre bouche en en faisant tomber partout en général. Malgré les épices qui me brûlent les lèvres, je mange avec avidité, heureuse de pouvoir calmer ma faim. Ce n’est pas vraiment fameux mais peu importe quand on a l’estomac dans les talons…

Rassasiés, nous repartons de plus belle visiter un autre temple qui se trouve être taillé dans la roche ! Il est superbe… Il jouxte une petite école dans laquelle nous pouvons admirer les élèves qui jouent dans la cour à des jeux universels comme se courir après pour les garçons, faire du badminton pour les filles… Nous sommes presque plus intéressés par leurs jeux d’enfants que par le temple en lui-même malgré toute sa beauté ! Je m’aperçois que visiter un pays en admirant ses temples, musées, ou autres chefs-d’œuvre humains ne m’intéresse vraiment plus trop. Je préfère largement m’imprégner du pays en regardant des scènes de vie banales de ses habitants, discuter avec eux, apprendre leur mode de vie…Ainsi que les paysages naturels qui m’envoient à chaque fois dans un autre monde, une autre dimension en me rappelant que la terre est magnifique et qu’il faut en prendre soin. Nous en faisons partie intégrante et c’est surtout un grand cadeau que nous pouvons nous faire en faisant attention à notre habitat naturel. Je changerais volontiers le slogan « Sauvons la Planète » en « Sauvons la race humaine » ! C’est nous-mêmes qui nous intoxiquons avec nos propres déchets. La Terre, elle, s’en sortira toujours… Nous ? C’est bien moins certain…

Nous partons ensuite pour notre dernière escale de la journée et celle que j’attends le plus : les sources chaudes de Tatapani. Vu qu’il ne fait vraiment pas chaud dans ce coin de l’Inde, nous baigner dans de l’eau tiède nous fera le plus grand bien ! Après une longue route pleine de cahots, notre chauffeur nous dépose à une rivière où un pont est en train de se construire mais visiblement pas fini, et il nous fait comprendre qu’il faudra continuer à pied. De gros cailloux émergent de l’eau et constituent un chemin nous permettant de traverser la rivière sans mouiller nos pieds. Cette première étape franchie avec succès, il nous reste quelques kilomètres (le nombre n’étant pas bien défini par notre chauffeur qui est resté sur place) à parcourir jusqu’aux sources. Alors que nous entamons sans enthousiasme notre marche, une voiture surgit de nulle part et nous embarque tous les trois (moi assise par terre par manque de place) pour nous amener en dix minutes à notre destination. La vie est bien généreuse avec nous !

Nous découvrons alors un petit temple encastré dans la roche, dans lequel une petite piscine d’eau tiède est remplie sans arrêt par une source chaude naturelle sortant d’une statue murale en forme de crocodile. Incroyable ! Encore une fois, nous sommes seuls sur les lieux et pouvons profiter de ce cadeau de la Terre en toute quiétude. Les femmes n’ayant pas le droit de se baigner en maillot de bain en Inde, Aurélie garde son tee shirt et son pantalon et s’engouffre dans ce grand bain chaud tout habillée. Quant à moi, je m’enroule d’un paréo et pénètre à mon tour dans cette eau délicieusement tiède et propre. Quel plaisir divin ! Surtout après avoir eu si froid ces derniers jours…Mes muscles endoloris par notre grande randonnée d’hier apprécient énormément cette tiédeur relaxante. Olivier propose de me masser les pieds, ce que j’accepte avec plaisir tout en écoutant l’eau sortir du tréfonds de la Terre pour chuter dans notre baignoire en pleine nature. Je sens tout mon corps se relaxer et s’abandonner au moment présent. Je ne pense plus, je ne fais qu’écouter les bruits qui m’entourent et je rentre petit à petit dans une sorte d’extase délicieuse et divine. Une vieille dame indienne me sort de ma torpeur en venant remplir un grand baquet d’eau chaude. Je regarde l’heure, il est temps d’y aller si nous ne souhaitons pas avoir à retraverser la rivière la nuit, avec une lampe torche.

Nous rebroussons donc chemin tranquillement, à pied cette fois et mon sentiment d’extase revient encore plus fort. Je stoppe Olivier qui souhaite me faire la conversation, je désire juste rester dans le silence. Et au final, en écoutant bien, les environs ne sont pas du tout silencieux… Je focalise sur chacun des sons que j’entends, essayant de le séparer du reste avant de passer au suivant. Comme la nature est vivante et bruyante ! Un oiseau piaille, une vache meugle, le tonnerre gronde non loin de là, résonnant dans toute la vallée, le vent joue dans les arbres… C’est merveilleux ! Je marche tel un automate, me sentant faire partie intégrante de l’univers, étant reliée avec tout, les animaux, les plantes, les roches… J’ai presque envie de me laisser tomber par terre pour ne plus bouger mais juste sentir et ressentir… Je continue pourtant, revenant petit à petit dans le monde réel, un sourire béat m’illuminant le visage. Le tonnerre gronde toujours, quelques éclairs zèbrent le ciel au loin, mais la vallée est pourtant illuminée de soleil, les ombres dansantes des arbres et feuillages semblant nous inviter à les suivre. Quel extraordinaire moment ! Il s’est vraiment passé quelque chose de fort et de beau pour moi, je suis encore sur mon nuage. Par le simple fait de pouvoir vivre de tels moments magiques, je suis heureuse d’être en vie et je dis merci à l’univers ! Aurélie m’apprend qu’il s’est passé la même chose pour elle durant toute notre marche de retour. Nous ne nous sommes pourtant pas adressé un seul mot toutes les deux, trop absorbées par notre état intérieur visiblement très similaire. Etrange coïncidence !

Nous arrivons au taxi alors que de grosses gouttes commencent à s’écraser sur le sol terreux. Il était temps ! Notre chauffeur nous ramène tranquillement à l’hôtel où nous retrouvons notre couple préféré, Angèle et Roger avec leurs 40 ans d’écart d’âge. Nous allons dîner tous les quatre, Olivier souhaitant se reposer un peu, et s’ensuit une conversation sortant d’un autre monde, tout à fait délirante et en même temps prodigieuse… Roger nous raconte l’histoire de sa vie et j’avoue en rester estomaquée… Il a vécu un mois et demi dans une grotte en Inde, s’est fait voler ses papiers et son argent et a vécu comme un mendiant durant 8 mois avec des Intouchables Indiens, s’est fait tabasser par une bande d’Indiens qui lui ont ouvert le bras. Il a dû rester à l’hôpital deux mois de trop, ce qui a rendu son visa invalidé. Il a été victime d’un abus judiciaire et mis en prison deux mois en Inde… Et j’en passe ! Et le pire, c’est que je suis absolument certaine qu’il dit la vérité ! Je sens dans son énergie qu’il est authentique de véracité. C’est fou ! Nous parlons de spiritualité, de niveaux de conscience, de fréquences sensorielles, autant de termes qui ne veulent rien dire pour moi habituellement mais qui prennent un sens ce soir dans la discussion. Cette journée est décidément très étrange du début à la fin ! En tout cas, si la fatigue ne venait pas me terrasser au point d’avoir du mal à garder les yeux ouverts, je continuerais bien la conversation encore un moment. Mais il est temps d’aller se coucher, toutes les bonnes choses ont une fin !

Le glacier de Triund

Le 4 avril 2011

La nuit fut pour le moins agitée entre Aurélie qui est sortie de son cocon pour aller aux toilettes et Olivier qui se retrouvait trop coincé près de la toile parce qu’on se collait contre lui pour chercher un peu de chaleur et qui nous poussait à plusieurs reprises pour pouvoir respirer…C’était sportif ! Mais malgré tout, je ne m’en tire pas trop mal question sommeil et me réveille à l’aube afin de pouvoir admirer le lever de soleil sur la montagne. Il me faut rassembler tout mon courage afin de sortir de sous mes trois couvertures pour braver le froid mais la curiosité l’emporte sur mon confort.

La première levée, je m’entoure d’une couverture chaude et admire les premiers rayons pointant derrière les monts enneigés. Tout est calme et serein, j’apprécie ce moment de paix qui s’insinue dans tout mon être. J’apprécie la chance de pouvoir me trouver ici et de m’autoriser à vivre et ressentir ces incroyables moments de plénitude que m’offre la nature toujours plus belle et majestueuse à chacun de mes voyages. En fait, il suffit juste de prendre le temps de l’admirer !

Mes compagnons me rejoignent et nous allumons un feu pour faire rissoler nos croissants emportés pour l’occasion. Quel délice, ces viennoiseries grillées au feu de bois ! Un café ou chaï en plus et nous sommes au paradis. En plus, le soleil commence à nous réchauffer doucement, ce qui nous permet d’enlever une couche de couverture ou de vêtement par heure. Nous avons de la chance, le ciel est totalement dégagé ce matin et la chaîne himalayenne apparaît devant nous dans toute sa splendeur, nullement cachée par les nuages comme hier.

Après nous être totalement réchauffés au soleil, notre guide nous propose de continuer à grimper jusqu’au glacier où nous ne pourrons aller plus loin à cause de la neige. Nous acceptons avec entrain et recommençons à grimper sous un soleil clément cette fois-ci. Par contre, nous commençons à rencontrer pas mal de neige sur notre chemin et je peine un peu à avancer avec mes petites chaussures en toile. Le paysage est de plus en plus superbe, le contraste des pierres brunes, de la neige immaculée et du ciel bleu azur rendant le tableau saisissant de beauté. Aurélie s’amuse à lancer des boules de neige au guide qui le lui rend bien et je les regarde s’amuser tous les deux, comme si la beauté des lieux nous rendait notre âme d’enfant. Nous sommes arrivés à la fin du parcours, il y a encore trop de neige à cette période de l’année pour pouvoir continuer plus loin. Ce sera possible dans un mois ou deux seulement.

Nous marchons vraiment sur la neige, là, et mes chaussures commencent à prendre l’eau et à sérieusement refroidir mes pieds, même si le soleil tape fort. Olivier me propose d’essayer la paire de baskets qu’il a prise en plus pour lui au cas où ses pieds lui feraient des misères. Bien qu’un peu grandes, elles feront parfaitement l’affaire et me réchauffent les pieds instantanément. Merci Olivier, mon sauveur de pieds ! Tandis que je finis de me réchauffer avec un chaï dans une petite hutte en igloo sous la neige où un petit vendeur propose quelques produits de première nécessité, les autres s’amusent à glisser du haut des collines sur la neige, certains assis sur un plastique en guise de luge, d’autres directement sur les fesses !

Après une multitude de photos dans tous les sens, nous entamons la descente en chemin inverse de tout ce qu’on a grimpé hier et ce matin, ça nous fait une bonne marche ! Olivier qui traîne un peu la patte nous prie de ne pas l’attendre, nous descendons donc, Aurélie, le guide et moi, à une bonne cadence comme je les aime. Notre guide, un Indien de 23 ans, nous dragouille gentiment, mais avec beaucoup de respect. Ca nous amuse plus qu’autre chose au final et lui aussi visiblement. Le temps est splendide aujourd’hui et nous admirons sous un œil nouveau par rapport à hier les paysages montagnards. Les rhododendrons resplendissent au soleil et les monts enneigés s’offrent à nous partout où nous posons notre regard.

La descente s’effectue vite par rapport à notre montée d’hier et de ce matin et nous arrivons en ville pour 17h, juste à temps pour se reposer un peu, prendre une bonne douche bien méritée et redonner tous nos pulls et manteaux à nos amis de la guest house. Ce soir, nous dînons juste toutes les deux, Aurélie et moi, l’une de nos dernières soirées ensemble avant mon départ. On en profite ! Nous ne tarderons pas à nous coucher dans notre lit douillet, la randonnée et la mauvaise nuit dernière nous ayant achevées !

Trek dans l’Himalaya

Le 3 avril 2011

Aujourd’hui est un grand jour, nous allons effectuer un trek de 2 jours dans l’Himalaya jusqu’à Triund, une petite bourgade en haut d’un mont où se situent quelques cabanes dans lesquelles il est possible de passer la nuit. Olivier, Aurélie et moi sommes fin prêts pour l’ascension vers 8h30, seul notre guide manque à l’appel. Il arrive tranquillement une demi-heure plus tard (il ne faut jamais être pressé en Inde), nous pouvons alors commencer notre grimpette. Le chemin est relativement aisé et malgré la pente escarpée, je grimpe assez facilement devançant mes amis. Je suis moi-même étonnée de la facilité avec laquelle je grimpe des montagnes. Ca n’a pas toujours été le cas, je détestais effectuer des treks auparavant. Mais on dirait que j’ai dépassé mon mental qui me disait toujours que ça allait être difficile et que je n’allais pas y arriver… Maintenant, je mets juste un pied devant l’autre sans me poser plus de questions et l’ascension se fait toute seule ! C’est magique !

Au fur et à mesure de la montée, les paysages deviennent de plus en plus beaux. Des centaines d’arbres de rhododendrons en fleurs nous accompagnent en marchant, leurs fleurs rouges resplendissant parmi les énormes rochers aux couleurs brunes. Le temps est grisâtre ce matin et nous essuierons même un peu de pluie et de neige lors de notre marche. Ceci dit, je pense que nous préférons un temps mitigé à un soleil de plomb sous lequel nous aurions suffoqué. Le temps change vite en montagne et nous n’arrêtons pas d’enlever notre pull, de le remettre, de sortir le bonnet de laine acheté en catastrophe hier à une marchande ambulante, de le ranger pour le remplacer par un chapeau pour nous protéger du soleil… C’est la cérémonie du déshabillage ou du rhabillage ! Vu que le temps change tous les quarts d’heure, ça en devient presque comique…

Aucun de nous trois n’ayant prévu de faire un trek en Himalaya, nous n’étions absolument pas équipés pour le froid question vêtements chauds. Nous avons passé une bonne partie de notre journée d’hier à demander à des gens que nous connaissions plus ou moins de nous prêter des pulls pour notre ascension d’aujourd’hui. Nous avons récupéré un pull et un manteau, ce n’est pas un luxe vu le froid qui s’insinue en nous à mesure que notre altitude augmente. Seules mes chaussures en toile m’inquiètent un peu… J’espère ne pas devoir marcher dans la neige ou tremper mes chaussures à cause de la pluie, ce qui me glacerait les pieds immédiatement et m’handicaperait pour la journée. Il n’y a rien de pire que d’avoir froid aux pieds, je trouve !

Nous nous arrêtons vers midi dans une petite échoppe sortie de nulle part sur le chemin, où nous nous réchauffons sous une couverture avec un chaï et un bol de soupe aux nouilles. Ca va mieux ! Mais nous sommes loin d’être arrivés au sommet et les touristes que nous croisons à leur descente nous confirment ce que nous craignions : il fait terriblement froid en haut ! Bon, nous verrons bien ! Il se met à neiger alors que nous sommes calfeutrés sous notre couverture à l’abri sous un petit toit en tôle. Aïe, aïe, on va geler en haut ! Armés de courage, nous recommençons notre ascension, profitant d’une accalmie. Finalement, le temps continue à se dégager de plus en plus, nous donnant bon espoir qu’il fera beau en haut. La ville de Dharamsala apparaît de plus en plus petite à mesure de notre montée. Et dire qu’il y a vingt ans seulement, cette ville n’existait pas ! Elle a pris de l’essor avec l’arrivée du Dalaï Lama, installé ici en exil, et s’est transformée rapidement.

Je sème encore une fois Aurélie et Olivier qui préfèrent prendre leur temps, Olivier surtout à cause d’une fracture au pied qu’il s’est faite il y a peu de temps. Nous croisons de la neige, mais le temps est toujours clément avec nous, nous sommes vraiment chanceux ! Après six heures d’ascension tranquille, j’arrive enfin au sommet avec notre guide pour apercevoir tout d’un coup au détour du dernier virage de superbes montagnes enneigées voilées par une légère brume à leur sommet. Le paysage est à couper le souffle, je reste sans voix durant un moment, m’imprégnant de cette beauté naturelle incroyable. Magnifique ! Même les nuages cachant une partie des monts ajoutent une touche mystérieuse à ce tableau majestueux. De petites échoppes et quelques bâtiments épars où il est possible de dormir sont disséminés au sommet. On m’installe une couverture à terre et je déguste un café chaud tout en ne détachant pas mon regard du paysage. Vingt minutes plus tard, mes compagnons arrivent et je me délecte de voir leur réaction d’émerveillement éclairer leur visage à leur tour malgré la fatigue de la marche.

Nous passons le reste de l’après-midi couchés par terre, admirant les nuages dégageant de plus en plus les montagnes enneigées, le temps ayant décidé d’être clément avec nous. Il ne fait même pas froid, le soleil nous réchauffant délicieusement. Notre guide et quelques Indiens en profitent pour jouet au cricket et s’amusent comme des fous. Je retrouve avec joie cette sensation de faire partie intégrante de la nature, je me sens de nouveau toute petite en comparaison de cette immense chaîne de montagne appelée Himalaya, et j’apprécie humblement sa grandeur. Seuls le bruit des rapaces et les éclats de joie des Indiens marquant un but troublent le silence des montagnes. Je me sens bien.

Nous assistons à un petit coucher de soleil derrière les montagnes, qui empourpre le ciel de belles couleurs tandis que les monts enneigés finissent de se découvrir. Dès que le soleil se cache, la température chute drastiquement et nous nous réfugions près du feu. Trois autres touristes indiens entourent le feu avec nous, nous sommes en basse saison, les visiteurs n’affluent pas encore à cause de la température assez basse. Il faut être fou comme nous pour venir se cailler en haut d’un sommet en cette saison ! Serrés les uns contre les autres, plusieurs chiens nous collant également afin de profiter d’un peu de chaleur, nous discutons autour des flammes dansantes. Le ciel étoilé forme un superbe dôme au dessus de nos têtes, aucune lumière artificielle ne vient altérer leur clarté. J’ai presque l’impression d’être plus proche de ces astres célestes vu que je me trouve en haut d’une montagne ! Une pensée de petite fille qui me fait aussitôt sourire… Ce qui est certain par contre, c’est qu’il fait vraiment froid et nous avons bien du mal à nous réchauffer malgré le petit feu de bois. Je pars dans mes pensées, essayant de faire abstraction des discussions des Indiens ou de mes compagnons, souhaitant profiter de ce moment dans mon monde intérieur, même si ce n’est pas facile avec ce froid qui me glace les os. Nous avalons en vitesse un thali préparé sommairement par le cuisinier de l’échoppe. Il n’y a ni eau courante, ni électricité ici, tout est fait au feu de bois. Olivier, Aurélie et moi nous serrons ensemble sur un banc de fortune afin de nous communiquer un peu de chaleur tout en mangeant notre souper. La nourriture est plutôt épicée et mon estomac réagit violemment aux premières bouchées ingérées. De violentes crampes me vrillent le ventre comme pour me signaler qu’il n’en peut plus de toutes ces épices qui l’inondent depuis plusieurs semaines. Ah non, ce n’est pas le moment d’être malade ce soir, à cette altitude, au milieu de nulle part, dans ce manque de confort évident et ces températures hivernales ! Je prie le ciel pour que mes crampes passent et ne finis pas mon dîner, ne voulant pas risquer d’aggraver la situation. Je retourne m’asseoir près du feu pour tenter de me réchauffer, mais mon corps ne me donne pas le choix, il faut que je m’allonge. De toute façon, tout le monde est fatigué par l’activité physique de la journée et commence à s’éclipser. Notre guide nous a donné le choix plus tôt dans l’après-midi entre dormir dans une chambre d’un des refuges et monter une tente. Aurélie, tout excitée à l’idée de dormir avec les sons de la nature, a tout de suite voté pour la tente. Olivier et moi étions plus mitigés à cause du froid, mais notre guide nous a assuré qu’on aurait assez de couvertures, tout en ajoutant que la tente serait une expérience moins banale qu’une chambre en refuge. Certes ! Mais je ne vois pas bien la valeur ajoutée à mal dormir par terre dans une tente versus s’allonger sur le bon matelas d’un lit ! Mais bon, solidaires avec Aurélie et ne souhaitant pas la laisser toute seule dans sa petite tente, nous avons accepté de la suivre dans l’aventure. C’est donc allongée dans une petite tente à peine assez grande pour trois que j’essaie de calmer mes douleurs d’estomac. Notre guide nous a installé des tapis de sol et par-dessus une couverture, ce qui donne un matelas correct au final. Il nous donne un sac de couchage chacun, ainsi que deux grosses couvertures. Malgré cela, j’enfile à peu près tous les vêtements que j’ai pu emporter dans mon petit sac à dos. Je porte trois paires de chaussettes, deux pantalons l’un par-dessus l’autre, trois tee shirts, un pull et l’anorak réquisitionné chez nos voisins avant de partir en trek. C’est sans compter l’écharpe et le bonnet ! Je mets même une autre paire de chaussettes en guise de gants… Tous les moyens pour se réchauffer sont bons ! Etant donné que je suis un peu malade, Aurélie et Olivier me laissent la meilleure place dans la tente : celle du milieu. Je réquisitionnerai la chaleur de mes deux compatriotes de chaque côté de moi ! En plus, un chien s’est blotti à mes pieds en dehors de la tente, je suis bien entourée !

Emmitouflés jusqu’aux oreilles, nous essayons de ne pas laisser un gramme d’air froid nous atteindre et cherchons le sommeil entre le manque d’espace, le peu de latitude pour bouger, la chasse aux courants d’air, si minimes soient-ils, et les pets bruyants des chiens dehors… Mes crampes d’estomac ont cessé et je réussis à m’endormir doucement, la fatigue ayant raison de toutes les embûches.

Résidence du Dalaï Lama

Le 01 avril 2011

Comme nous avons bien dormi cette nuit ! Un vrai délice… Emmitouflées sous de gros édredons, nous n’avons rien ressenti du froid et avons dormi comme des bébés ! Ca fait du bien… Nous prenons notre temps ce matin, petit-déjeunons sur une terrasse au soleil, rentrons nous coucher faire une sieste, flânons dans les magasins à la recherche de bols tibétains… Dans l’après-midi, nous effectuons une petite promenade dans les bois jusqu’au centre de Vipassana, perchée en haut d’une colline, puis revenons en ville visiter la résidence du Dalaï Lama ou plutôt son temple. De gros bouddhas sont visibles dans le temple que plusieurs moines viennent honorer. Le temple est simple et assez petit mais chaleureux. L’atmosphère de paix et de sérénité ne me quitte pas depuis que je suis arrivée à Dharamsala et la culture tibétaine en est grandement responsable. J’aime ce peuple tellement gentil et accueillant alors qu’il a tant souffert.

Alors que le soleil commence à passer derrière la montagne, nous empruntons une nouvelle fois le chemin sacré qui entoure la résidence en faisant tourner les roues de la fortune. La lumière du soleil couchant est si belle ce soir ! Attirées par des sons gutturaux, nous retournons dans le temple assister à des chants de moines tibétains qui me transportent aussitôt dans un autre monde. Bien différents des chants en sanscrit des Hindous, leurs tons plus graves et monocordes n’en sont pas moins mélodieux. J’aime les écouter et ne vois pas le temps passer, assise à côté d’eux, retenant mon souffle à chaque montée en crescendo des voix. Le tout sous un soleil rouge rayonnant sur la montagne. Quel spectacle superbe et unique ! J’en suis tout émue. L’histoire des Tibétains m’a toujours beaucoup touchée et les savoir ici, loin de chez eux, sur une terre d’accueil, incapables de retrouver leurs racines dans ce pays si différent du leur, m’attriste le cœur. J’ai l’impression qu’ils chantent leur souffrance et ça m’atteint directement l’âme.

Nous retrouvons ensuite Olivier, un autre ami d’Aurélie qu’elle a rencontré chez Amma, et partons manger tous les trois dans un petit restaurant tibétain adorable. Les plats sont exquis et nous ravissent le palais, ce qui fait du bien après quinze jours de nourriture indienne que je trouve tout de même un peu grasse à mon goût. A la fin du repas, le gérant du restaurant vient discuter un peu avec nous de sa situation de Tibétain en exil. Il nous explique qu’il n’a pas revu ses parents, qui sont restés au Tibet, depuis 20 ans et qu’il n’est pas sûr de les revoir un jour. Il dénonce le gouvernement chinois et toutes les atrocités qu’ils ont fait subir aux Tibétains afin d’acquérir les minerais qui se trouvaient dans leur pays, les ont mis au travail forcé, les ont humiliés, affamés, battus et terrorisés. Il nous explique que les Chinois gouvernent les médias et font circuler la fausse information dans tout le pays que les Tibétains vivent heureux à présent au Tibet dans une communauté libre alors que c’est toujours loin d’être le cas. Il ne comprend pas pourquoi nos pays occidentaux font affaire avec les Chinois et aident à leur prospérité alors qu’il les voit comme des barbares et des despotes. Il veut que nous sachions la vérité qu’au nom de la politique, un peuple entièrement pacifiste a été détruit, humilié et forcé à l’exil. Lui a dû tout quitter : famille, maison, travail, pour tout recommencer en Inde. Et encore, il doit s’enregistrer chaque année auprès du gouvernement indien qui peut, à tout moment, lui retirer ses droits de réfugié et l’envoyer au Népal ou ailleurs, même si ça fait 20 ans qu’il est là… Comment peut-il fonder quelque chose dans ces conditions ? Il nous rappelle que nous avons de la chance de pouvoir aller où nous voulons, d’être libres de voyager, de rentrer chez nous, de choisir le pays où nous voulons vivre. Et c’est vrai que nous sommes privilégiés d’avoir ce choix, nous l’oublions trop souvent… Emue au plus profond de mon âme par son histoire touchante, je quitte notre hôte le cœur lourd. Je suis contente qu’il ait partagé son histoire avec nous, il est important de savoir ce qui se passe vraiment, il faut le communiquer le plus possible. Je ne compte pas révolutionner le monde mais je reste persuadée que la connaissance est l’un des moyens de lutter contre ce genre d’injustices. Plus les gens seront au courant, plus la conscience humaine pourra s’élever afin de changer les choses.

Alors que nous passons dans une rue animée du village, on nous invite à rentrer dans un pub dansant. Aurélie qui en rêve depuis un moment après ses 4 mois en Inde, nous entraîne et nous nous retrouvons devant un karaoké indien dansant. En 2 minutes, nous sommes sur la piste, nous trémoussant avec joie, Olivier, notre garde du corps, incitant les éventuels dragueurs à se tenir tranquilles. Quelle joie de se retrouver sur un plancher de danse ! Nous nous amusons comme des gamines dans notre accoutrement de routarde alors que tous sont habillés classe et sexy dans ce bar plutôt huppé. On détonne un tantinet ! Mais peu importe puisque les rires et la bonne humeur sont là, c’est l’essentiel ! Notre guest house fermant sa grille à 23h30, nous devons bientôt rentrer sous peine de dormir dehors. On se sent comme des adolescentes ayant un couvre-feu, ça fait bizarre ! Sagement, nous rentrons avant l’heure fatidique et partons rapidement au pays des rêves.

Dharamsala et les Tibétains

Le 31 mars 2011

Nous avons quitté hier Rishikesh après nous être une dernière fois imprégnées de lieux calmes et sereins de cette petite bourgade, afin de partir à Dharamsala, proche des montagnes himalayennes. Etrangement, le bus dit « touristique de luxe » que nous avons pris pour effectuer le trajet était rempli aux trois quarts de Français ! Nous qui n’en avions croisé que très peu depuis le début du voyage… Nous conversons donc, écoutant les histoires de chacun, à chaque arrêt du bus pour une pause. Pour une fois, nous sommes contentes du confort du bus qui, loin d’être « de luxe », possède quand même de larges sièges qui s’inclinent suffisamment pour pouvoir dormir. Toutefois, Aurélie et moi sommes à peu près les seules à apprécier ce confort relatif, les autres râlant sur les suspensions inexistantes du véhicule ou le manque de place pour les jambes. Tout est une question de référentiel, je sais par expérience que nous aurions pu être bien moins confortables.

Alors que nous grimpons toujours un peu plus dans le nord de l’Inde, la population change petit à petit. Nous croisons de plus en plus de Tibétains au facies bien différent des Indiens et au sourire amical. Plusieurs moines tibétains font un bout de trajet dans notre bus sous nos regards curieux d’Occidentaux qui avons l’impression de ne plus nous trouver dans le même pays. Les montagnes environnantes se font plus impressionnantes et escarpées et notre bus commence à avoir du mal à grimper dans les virages serrés, nous ballotant dans tous les sens à chaque fois, ce qui nous casse notre sommeil pourtant résistant. Nous arrivons vers huit heures du matin à Dharamsala en ayant passé une nuit chaotique mais tout de même correcte compte-tenu des circonstances. Aurélie et moi commençons à être capables de dormir n’importe où et n’importe comment !

Ce petit village perché en montagne, entouré de monts enneigés de l’Himalaya, me charme instantanément ! Le calme a l’air de régner sur cet exil tibétain où se trouve entres autres la résidence du Dalaï Lama ! Malheureusement, il n’est pas ici en ce moment, nous ne pourrons pas le rencontrer. Peu importe, je suis ravie de me trouver en terre tibétaine, proche de l’Himalaya, un de mes rêves d’enfant ! Nous dégotons une charmante auberge avec une vue impressionnante sur les montagnes et la vallée, je suis sûre que nous nous y sentirons merveilleusement bien ! On n’entend que les oiseaux avec pour toile de fond l’Himalaya et de petites maisons perchées à flanc de montagne… Un autre endroit idyllique tellement différent de tout ce que j’ai pu voir ailleurs en Inde ! Ce pays ne cessera donc jamais de me surprendre… Entre Varanasi et ici, il y a un monde !

Après une douche pseudo tiède, nous nous réchauffons un peu au soleil sur la grande terrasse de cet hôtel, admirant le panorama sur les monts enneigés. La température a nettement chuté ici par rapport à Rishikesh, on sent la fraîcheur due à l’altitude. Nous partons nous promener dans le village, flânant dans les magasins de bijoux ou d’artisanat, admirant les moines ou nonnes tibétains aux cheveux rasés, même pour les femmes. Chacun a un sourire doux et sincère à nous envoyer qui nous réchauffe aussitôt le cœur. Je trouvais déjà les Indiens très gentils depuis notre arrivée, mais il y a un petit quelque chose dans le regard des Tibétains de plus généreux encore… Peut-être que les souffrances auxquelles ils ont dû faire face ont touché leur âme si profondément que nous le ressentons de manière subtile. Ils sont en exil ici sur une terre qui n’est pas la leur, chassés par le despotisme des Chinois. Leur situation ne doit pas être évidente à gérer au quotidien. Nous remarquons aussi que les rues sont plus propres, les maisons plus belles, leurs vêtements plus à la mode européenne avec des jeans et tee shirts. Tout un autre monde dans ce coin reculé du Nord de l’Inde…

Nous arrivons jusqu’à une petite cascade où de nombreux Tibétains viennent laver leur linge et le laissent sécher au soleil sur de grandes pierres. Nous restons quelque temps à les admirer. Prendre le temps d’observer ce qui nous entoure : un luxe que nous nous octroyons peu dans notre vie trépidante quotidienne et que j’aimerais tellement garder à l’esprit lors de mon retour dans la vie de tous les jours…Je le garde en général quelques semaines ou mois mais je retombe vite dans la spirale du manque de temps, d’une vie pressée et stressée rejoignant les autres dans la course à la productivité. Prendre le temps de s’arrêter, d’observer l’extérieur et aussi notre intérieur me paraît, en ce moment, pourtant tellement primordial ! La vie est tellement belle et simple, il suffit juste de s’en apercevoir !

En passant devant un magasin, une musique occidentale qu’on adore, Aurélie et moi, nous interpelle. Nous nous trémoussons gentiment devant le magasin au grand bonheur du commerçant qui montera le son pour nous et des passants qui nous regardent en riant. On commence à être habituées à être l’attraction des rues parce qu’on se permet d’y danser ! Revenues en ville, nous effectuons le tour de la résidence du Dalaï Lama, admirant les pèlerins qui marchent en récitant des mantras et qui font tourner de gros cercles métalliques colorés en guise de chance. Le soleil se couche et la température chute drastiquement. Notre pull enfilé, nous allons dîner avec Angèle, une jeune femme de 25 ans et son amoureux, Roger, un homme de 65 ans. Le couple détonne, c’est le moins qu’on puisse dire et même si je me force à ne pas porter de jugement, je suis un peu mal à l’aise en leur présence au début. Mais rapidement, en discutant, je crois déceler que leur amour est véritable et vu qu’ils sont à l’aise avec leur différence d’âge, il n’y a pas de raison que moi je ne le sois pas. Nous parlons spiritualité une bonne partie du repas et ils m’apportent quelques idées qui, pour la 1ère fois depuis le début du voyage, résonnent un peu avec moi. Intéressant… Nous partons nous coucher juste après avoir admiré les étoiles au-dessus de nos têtes, le froid s’étant définitivement installé.

Tranquille Rishikesh

Le 29 mars 2011

Le temps s’écoule doucement dans cette petite ville de montagne. Finalement, on s’habitue à la tranquillité des lieux. Nous avons trouvé un merveilleux petit restaurant où nous prenons notre petit déjeuner tous les matins, dans cet endroit idyllique parsemé de hamacs disséminés dans un petit jardin où de la musique douce se fait entendre, se mélangeant avec le chant des oiseaux. Aucun son de moteur ne vient jusqu’à nous, seule la nature est présente. Le serveur aux allures tibétaines est charmant et nous accueille chaque matin avec son plus beau sourire. Un vrai petit coin de paradis !

Hier nous sommes allées nous perdre dans les ruines d’un ancien ashram où les Beatles auraient séjourné quelque temps. Tout n’est que ruines mais il y perdure une atmosphère très spéciale. La végétation a commencé à reprendre ses droits sur les constructions humaines, ce qui confère au lieu une énergie vivante particulière. L’ancien ashram est découpé en une centaine de petites huttes en pierre en forme de dôme, disséminées partout sur le site, tel un village de troglodytes. Elles surplombent presque toutes le Gange, profitant ainsi du son des vagues sur les rochers. Les salles de méditation aux fenêtres brisées et à la toiture en ruine devaient jadis être sublimes. Le maître des lieux devait sûrement être riche vu la beauté et la grandeur de ce site enchanteur. Comment un tel endroit peut-il rester abandonné ? Le potentiel de ce site est énorme, aussi bien au niveau de son emplacement dominant le Gange que de sa grandeur, de ce qui est déjà construit et qu’il suffirait de remettre à neuf…Etrange qu’aucun étranger n’ait sauté sur l’occasion encore pour en faire un hôtel de luxe ou quelque chose du genre. Nous paressons sur un banc abandonné au milieu d’un petit temple envahi par la végétation et écoutons religieusement les bruits de la forêt luxuriante qui nous entoure. Un vrai moment de ressourcement naturel ! J’adore… Si ce n’est les moustiques qui s’en donnent à cœur joie avec notre peau tendre !

Le soir venu, nous assistons au bhajans d’un maître reconnu à Rishikesh qui ne nous fait pas beaucoup d’effet personnellement. Avec ses longs cheveux et sa grande barbe, sa toge orange et tous ses fidèles en dévotion devant lui, je me sens assez étrangère à ces rituels. Je me sens tellement détachée de ce genre de réunion de dévots où tout le monde est habillé de la même façon à chanter en cœur, certains partant même en transe alors que j’en faisais partie il y a 2 ans. Je réalise que j’avais besoin de passer par là à ce moment-là pour en faire l’expérience et pouvoir savoir si ça me correspondait ou non. En ce moment, je sens que ce n’est plus ma voie…Peut-être l’envie va-t-elle revenir plus tard… ou pas. Je me fais confiance pour sentir le moment venu ce qui me semble juste pour moi.

Aujourd’hui, nous sommes réveillées à 5h du matin afin d’effectuer un petit trek à l’aube du jour. Nous rejoignons Aurore et son copain, une amie d’Aurélie qu’elle a rencontrée chez Amma et un guide indien nommé Ram qui nous emmène en taxi tout en haut d’une montagne où se dresse un petit monastère. Le lever de soleil qui perce les nuages pour illuminer la vallée est splendide. Plusieurs pèlerins sont assis sur le parvis à attendre l’arrivée du soleil. Notre guide psalmodie un chant en sanskrit, ce qui ajoute une tonalité mystique au spectacle. Absorbées par l’énergie qui illumine la contrée et notre cœur, nous restons à admirer l’éveil du soleil dans un silence solennel.

Une fois la vallée ensoleillée, nous passons rapidement dans le petit temple pour assister à la puja du matin puis entreprenons notre descente à pied de 12 kms. En effet, le taxi nous a abandonnés là, c’est à nous de redescendre jusqu’à Rishikesh. D’après Ram, nous en avons pour à peu près 3 heures mais c’était sans compter sur nos deux nouveaux amis… Un peu hippies sur les bords, le temps n’a pas l’air d’avoir la même dimension pour eux que pour moi… Ils s’arrêtent toutes les cinq minutes, admirent une fleur, un arbre, une libellule… et on n’avance pas. A cette allure, on y est encore ce soir ! Moi, ce que j’aime dans les treks de ce genre, c’est la dimension un peu sportive de l’exercice, même si je suis d’accord sur l’idée que s’arrêter pour admirer les alentours est important également. Cette fois, je ne risque pas de rater la moindre coccinelle que nous croisons… Ce rythme super lent ne me convient pas du tout et je me frustre moi-même à devoir les attendre à chaque virage, enrageant de ne pouvoir m’abandonner à ce que j’aime : descendre le chemin à une cadence soutenue, sentant le vent m’accompagner à chaque pas et m’imprégnant de l’énergie de la forêt pour m’encourager dans ma course… Mais là, ces arrêts fréquents me cassent mon élan et j’ai la désagréable sensation de piétiner. Et comme tout le monde sauf moi a l’air parfaitement à l’aise avec ce rythme d’escargot, je m’abstiens de tout commentaire et prends sur moi ma frustration. Un drôle de combat s’active alors dans mon esprit. D’un côté je sens que je ne m’écoute pas, que je garde pour moi mes frustrations en ne me permettant pas de faire ce que je sens juste pour moi, c'est-à-dire descendre ce chemin à mon rythme. D’un autre, je me dis qu’il faut que je lâche prise… Je fais partie d’un groupe avec des envies qui diffèrent des miennes, à moi de m’adapter et de prendre le moment présent comme il est… Mais c’est fichtrement difficile ! A chaque pas, ma frustration de ne pouvoir aller plus vite sous peine de me perdre sur le sentier, notre guide restant avec la majorité du groupe à la traîne, me retraverse l’esprit sans que je puisse y faire grand-chose. Nos pensées sont vraiment nos pires ennemies contre la sérénité… Et je m’aperçois que je suis loin de pouvoir atteindre ce lâcher prise en toutes circonstances dont je rêve tant ! Il y a encore du boulot… Par contre, je suis bien consciente que le problème vient de moi et nullement de la cause extérieure. C’est moi-même qui me frustre et non le reste du groupe à cause de ses agissements. C’est déjà une avancée sur la voie de la recherche intérieure… Toujours regarder ce qui se passe en nous. Ce n’est jamais l’extérieur la cause de nos souffrances mais comment nous les interprétons !

Finalement, à cause de ce casse-tête mental, je profite peu du paysage. J’aperçois quand même de petites maisonnettes campagnardes toutes mignonnes au milieu des champs de blé blond, des rizières en terrasses à flanc de collines et de la forêt à perte de vue. Les montagnes s’élèvent autour de nous, semblant vouloir nous avaler en leur sein. Nous, tout petits, minuscules fourmis dévalant leur flanc, ne souhaitant pas trop les déranger au passage. Ram entame des chants en sanskrit, ce qui me remet du baume au cœur et me libère quelque temps de mon tourbillon mental. Sa voix s’élève dans les plaines, belle et claire, avec ses consonances d’antan, semblant résonner dans toute la vallée, accompagnée des oiseaux. Mon meilleur moment de la descente !

Après de multiples arrêts pour se reposer, dormir, manger et j’en passe, nous arrivons à une belle petite cascade au milieu de la forêt. Aurore sort alors ses ciseaux et décide de faire une nouvelle coupe de cheveux à Aurélie ! Je tombe un peu des nues sur la pertinence du moment choisi pour jouer à la coiffeuse mais bon… Plus rien ne m’étonne ! J’admire donc le travail effectué sur la belle chevelure d’Aurélie, ayant quelques doutes au début, mais ils s’avèrent injustifiés : la coupe est réussie ! Elles partent ensuite se baigner dans la cascade tandis que je reste un peu en retrait, mes états d’âme me rendant solitaire. Nous reprenons la route et arrivons enfin à l’hôtel après un « petit » six heures de descente au lieu des trois heures prédites. Je suis affamée et un peu de mauvaise humeur mais mon énergie revient rapidement après de bonnes lasagnes aux aubergines ! Ouf, enfin revenue je peux me prélasser tout l’après-midi dans le hamac de notre restaurant préféré, ma frustration étant déjà oubliée !