Tranquille Rishikesh

Le 29 mars 2011

Le temps s’écoule doucement dans cette petite ville de montagne. Finalement, on s’habitue à la tranquillité des lieux. Nous avons trouvé un merveilleux petit restaurant où nous prenons notre petit déjeuner tous les matins, dans cet endroit idyllique parsemé de hamacs disséminés dans un petit jardin où de la musique douce se fait entendre, se mélangeant avec le chant des oiseaux. Aucun son de moteur ne vient jusqu’à nous, seule la nature est présente. Le serveur aux allures tibétaines est charmant et nous accueille chaque matin avec son plus beau sourire. Un vrai petit coin de paradis !

Hier nous sommes allées nous perdre dans les ruines d’un ancien ashram où les Beatles auraient séjourné quelque temps. Tout n’est que ruines mais il y perdure une atmosphère très spéciale. La végétation a commencé à reprendre ses droits sur les constructions humaines, ce qui confère au lieu une énergie vivante particulière. L’ancien ashram est découpé en une centaine de petites huttes en pierre en forme de dôme, disséminées partout sur le site, tel un village de troglodytes. Elles surplombent presque toutes le Gange, profitant ainsi du son des vagues sur les rochers. Les salles de méditation aux fenêtres brisées et à la toiture en ruine devaient jadis être sublimes. Le maître des lieux devait sûrement être riche vu la beauté et la grandeur de ce site enchanteur. Comment un tel endroit peut-il rester abandonné ? Le potentiel de ce site est énorme, aussi bien au niveau de son emplacement dominant le Gange que de sa grandeur, de ce qui est déjà construit et qu’il suffirait de remettre à neuf…Etrange qu’aucun étranger n’ait sauté sur l’occasion encore pour en faire un hôtel de luxe ou quelque chose du genre. Nous paressons sur un banc abandonné au milieu d’un petit temple envahi par la végétation et écoutons religieusement les bruits de la forêt luxuriante qui nous entoure. Un vrai moment de ressourcement naturel ! J’adore… Si ce n’est les moustiques qui s’en donnent à cœur joie avec notre peau tendre !

Le soir venu, nous assistons au bhajans d’un maître reconnu à Rishikesh qui ne nous fait pas beaucoup d’effet personnellement. Avec ses longs cheveux et sa grande barbe, sa toge orange et tous ses fidèles en dévotion devant lui, je me sens assez étrangère à ces rituels. Je me sens tellement détachée de ce genre de réunion de dévots où tout le monde est habillé de la même façon à chanter en cœur, certains partant même en transe alors que j’en faisais partie il y a 2 ans. Je réalise que j’avais besoin de passer par là à ce moment-là pour en faire l’expérience et pouvoir savoir si ça me correspondait ou non. En ce moment, je sens que ce n’est plus ma voie…Peut-être l’envie va-t-elle revenir plus tard… ou pas. Je me fais confiance pour sentir le moment venu ce qui me semble juste pour moi.

Aujourd’hui, nous sommes réveillées à 5h du matin afin d’effectuer un petit trek à l’aube du jour. Nous rejoignons Aurore et son copain, une amie d’Aurélie qu’elle a rencontrée chez Amma et un guide indien nommé Ram qui nous emmène en taxi tout en haut d’une montagne où se dresse un petit monastère. Le lever de soleil qui perce les nuages pour illuminer la vallée est splendide. Plusieurs pèlerins sont assis sur le parvis à attendre l’arrivée du soleil. Notre guide psalmodie un chant en sanskrit, ce qui ajoute une tonalité mystique au spectacle. Absorbées par l’énergie qui illumine la contrée et notre cœur, nous restons à admirer l’éveil du soleil dans un silence solennel.

Une fois la vallée ensoleillée, nous passons rapidement dans le petit temple pour assister à la puja du matin puis entreprenons notre descente à pied de 12 kms. En effet, le taxi nous a abandonnés là, c’est à nous de redescendre jusqu’à Rishikesh. D’après Ram, nous en avons pour à peu près 3 heures mais c’était sans compter sur nos deux nouveaux amis… Un peu hippies sur les bords, le temps n’a pas l’air d’avoir la même dimension pour eux que pour moi… Ils s’arrêtent toutes les cinq minutes, admirent une fleur, un arbre, une libellule… et on n’avance pas. A cette allure, on y est encore ce soir ! Moi, ce que j’aime dans les treks de ce genre, c’est la dimension un peu sportive de l’exercice, même si je suis d’accord sur l’idée que s’arrêter pour admirer les alentours est important également. Cette fois, je ne risque pas de rater la moindre coccinelle que nous croisons… Ce rythme super lent ne me convient pas du tout et je me frustre moi-même à devoir les attendre à chaque virage, enrageant de ne pouvoir m’abandonner à ce que j’aime : descendre le chemin à une cadence soutenue, sentant le vent m’accompagner à chaque pas et m’imprégnant de l’énergie de la forêt pour m’encourager dans ma course… Mais là, ces arrêts fréquents me cassent mon élan et j’ai la désagréable sensation de piétiner. Et comme tout le monde sauf moi a l’air parfaitement à l’aise avec ce rythme d’escargot, je m’abstiens de tout commentaire et prends sur moi ma frustration. Un drôle de combat s’active alors dans mon esprit. D’un côté je sens que je ne m’écoute pas, que je garde pour moi mes frustrations en ne me permettant pas de faire ce que je sens juste pour moi, c'est-à-dire descendre ce chemin à mon rythme. D’un autre, je me dis qu’il faut que je lâche prise… Je fais partie d’un groupe avec des envies qui diffèrent des miennes, à moi de m’adapter et de prendre le moment présent comme il est… Mais c’est fichtrement difficile ! A chaque pas, ma frustration de ne pouvoir aller plus vite sous peine de me perdre sur le sentier, notre guide restant avec la majorité du groupe à la traîne, me retraverse l’esprit sans que je puisse y faire grand-chose. Nos pensées sont vraiment nos pires ennemies contre la sérénité… Et je m’aperçois que je suis loin de pouvoir atteindre ce lâcher prise en toutes circonstances dont je rêve tant ! Il y a encore du boulot… Par contre, je suis bien consciente que le problème vient de moi et nullement de la cause extérieure. C’est moi-même qui me frustre et non le reste du groupe à cause de ses agissements. C’est déjà une avancée sur la voie de la recherche intérieure… Toujours regarder ce qui se passe en nous. Ce n’est jamais l’extérieur la cause de nos souffrances mais comment nous les interprétons !

Finalement, à cause de ce casse-tête mental, je profite peu du paysage. J’aperçois quand même de petites maisonnettes campagnardes toutes mignonnes au milieu des champs de blé blond, des rizières en terrasses à flanc de collines et de la forêt à perte de vue. Les montagnes s’élèvent autour de nous, semblant vouloir nous avaler en leur sein. Nous, tout petits, minuscules fourmis dévalant leur flanc, ne souhaitant pas trop les déranger au passage. Ram entame des chants en sanskrit, ce qui me remet du baume au cœur et me libère quelque temps de mon tourbillon mental. Sa voix s’élève dans les plaines, belle et claire, avec ses consonances d’antan, semblant résonner dans toute la vallée, accompagnée des oiseaux. Mon meilleur moment de la descente !

Après de multiples arrêts pour se reposer, dormir, manger et j’en passe, nous arrivons à une belle petite cascade au milieu de la forêt. Aurore sort alors ses ciseaux et décide de faire une nouvelle coupe de cheveux à Aurélie ! Je tombe un peu des nues sur la pertinence du moment choisi pour jouer à la coiffeuse mais bon… Plus rien ne m’étonne ! J’admire donc le travail effectué sur la belle chevelure d’Aurélie, ayant quelques doutes au début, mais ils s’avèrent injustifiés : la coupe est réussie ! Elles partent ensuite se baigner dans la cascade tandis que je reste un peu en retrait, mes états d’âme me rendant solitaire. Nous reprenons la route et arrivons enfin à l’hôtel après un « petit » six heures de descente au lieu des trois heures prédites. Je suis affamée et un peu de mauvaise humeur mais mon énergie revient rapidement après de bonnes lasagnes aux aubergines ! Ouf, enfin revenue je peux me prélasser tout l’après-midi dans le hamac de notre restaurant préféré, ma frustration étant déjà oubliée !

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