29 mars 2009
Je me réveille comme une fleur vers les 6h du matin en ayant réussi à récupérer un peu d’énergie. Il va m’en falloir pour la suite, je ne suis pas arrivée encore ! J’ai raté le petit déjeuner, j’ai préféré dormir à la place… De toute façon, je n’arrête pas de manger depuis que j’ai mis un pied dans l’aéroport de Montréal ! C’était hier seulement ? J’ai déjà l’impression d’être partie depuis 3 jours.
Je profite encore un peu de l’environnement de luxe qui m’a été offert gracieusement avant que l’avion n’atterrisse. Une fois sur le sol de Sao Paulo au Brésil, je suis obligée d’aller récupérer mes bagages avant d’embarquer sur mon prochain vol pour Manaus. Un doute m’assaille : j’espère que mon sac à dos m’a suivie dans toute cette pagaille de changement d’avion ? Bon, je vais le savoir très vite. Je me présente à la récupération des bagages et j’attends… J’attends… Alors que je commençais à perdre espoir sur la récupération de mon bien, je le vois apparaître, tranquillement dernier, sur le tapis roulant, comme s’il avait pris un malin plaisir à me faire poireauter... Trop contente de le récupérer, je ne le réprimande même pas (oui, je parle bien toujours de mon sac à dos, c’est devenu un compagnon de voyage depuis le temps). Et il faut maintenant sortir pour faire l’enregistrement de mon prochain vol. Je me trompe de queue et patiente 30 minutes pour rien. Bref, je finis par m’y retrouver et enregistre juste à temps mes bagages, un quart d’heure avant la fin du check in. Ouf ! J’ai à peine le temps d’entrer dans la salle d’embarquement et hop on nous fait monter dans l’avion. La chaleur moite du Brésil commence à me coller à la peau, je crois que je vais apprécier ma prochaine douche. Le seul hic, c’est que je n’ai aucune idée de son échéance si je pars dans la jungle dès mon arrivée à Manaus cet après-midi ! On verra bien…
Je réussis à somnoler un peu dans l’avion durant ces 4 heures de vol. Il faut le mériter ce voyage en Amazonie, dis donc ! Juste au moment où je commençais vraiment à trouver le temps long, je jette un coup d’oeil par le hublot et là, mon cœur s’arrête le temps d’une seconde. Ce que j’aperçois à travers ma vitre me laisse sans voix. Une immensité verte s'étend à perte de vue entrecoupée d’entrelacements de cours d’eau sombres qui serpentent au milieu de cette jungle. Le ciel est chargé d’eau, ce qui rend l’atmosphère encore plus magique et mystérieuse. J’atterris au milieu de l’Amazonie, il n’y a aucun doute là-dessus et la beauté des paysages dépasse mes rêves les plus fous sur cette contrée lointaine ! Je savoure chacune de mes émotions, photographie en mémoire ce tableau de carte postale, accrochée à mon petit hublot, les larmes me montant soudain aux yeux. Ca y est, l’avion se pose sur cette contrée sauvage et totalement étrangère. Après ce grand moment d’extase, un brin d’anxiété me saisit : « Vais-je être à l’aise dans ce monde si différent du mien ? », « Ne me suis-je pas un peu surestimée en venant ici seule en quête d’aventure ? ». Mais cette appréhension n’est que passagère et je décide rapidement de revenir au moment présent plutôt que de me laisser entraîner par mes peurs sur un futur hypothétique qui n’existe pas encore.
Je récupère rapidement mon bagage cette fois et sors de l’aéroport regardant partout un écriteau où apparaîtrait mon nom. En effet, l’agence qui a préparé mon expédition dans la jungle est censée me récupérer à l’aéroport mais avec tous ces changements de vol, je ne suis pas sûre qu’ils aient eu mes emails à temps. A première vue, les pancartes ne me concernent pas, je me fais donc une raison : je dois me débrouiller seule. Mais encore une fois, comme par magie, un petit homme au teint mat et au sourire accueillant vient vers moi en m’appelant par mon prénom. Il s’agit de Max, le gérant de l’agence Maia avec laquelle j’avais prévu de partir en expédition. Ouf, il est venu me chercher ! Il m’apprend qu’on part aussitôt dans la jungle afin de dormir dans son lodge au milieu de la forêt. Parfait ! (Je fais donc une croix sur ma douche pour le moment). Nous voilà partis pour l’aventure !
Une demi-heure de voiture plus tard et une noix de coco dans le gosier généreusement offerte par mon hôte, nous débarquons à un petit port au bout de la ville. J’aperçois un homme sortant d’un petit bateau, la tête en sang, totalement hébété et groggy. Je ne sais pas ce qu’il lui est arrivé mais il est mal en point. Cette vision me rappelle comme il est aisé pour nous d’accéder à des soins médicaux dans les plus brefs délais. Cet homme a dû faire des heures de bateau à travers la jungle avant d’arriver jusqu’ici, le crâne ensanglanté. Je regarde autour de moi, vois ce petit marché sale et désordonné à ma gauche, des hommes assis nous regardant nonchalamment à ma droite, des petits rafiots à moitié rafistolés qui voguent sur l’énorme fleuve noir qui s’étend devant nous : le Rio Negro, je sens la chaleur chargée d’humidité qui m’étreint. Il n’y a pas de doute, je suis bel et bien en voyage au milieu de nulle part ! Et dire qu’il y a deux jours encore, je travaillais devant mon écran d’ordinateur dans l’un des buildings les plus modernes de Montréal. La vie réserve tellement de belles surprises !
On monte dans un petit bateau à moteur qui file à toute vitesse sur le fleuve rejoindre la rive opposée. Le vent me fouette le visage et je souris bêtement à tout ce qui m’arrive. Mon guide Max s’en amuse et je fais plus ample connaissance avec lui. C’est un homme charmant et courageux qui a monté son agence au prix de multiples heures de travail. Il me parle de sa région l’Amazonie et on voit qu’il aime vraiment son travail et sa jungle. Une fois arrivés à bon port, une voiture nous attend et nous grimpons rapidement dedans pour une heure de transport à travers les verts pâturages et la forêt se faisant de plus en plus dense. La route bitumée se transforme en chemin boueux jusqu’à ce qu’on arrive à une rivière, la route s’arrêtant brusquement dans l’eau noire marécageuse. Nous descendons de voiture et grimpons dans un canot à moteur et nous voilà repartis pour deux heures de transport à travers la mangrove et la forêt.
La traversée de ces marécages en bateau est vraiment de toute beauté. Exactement comme je l’avais imaginé, seule aventurière sur mon petit bateau à admirer ces paysages si changeants. Nous nous enfonçons toujours plus loin dans la jungle à travers les énormes feuillages et les arbres si touffus. Nous sommes en pleine saison des pluies, l’eau de la rivière est très haute et a inondé beaucoup de marécages. Le seul moyen de se déplacer pour les locaux est en bateau à moteur et nous croisons plusieurs familles utilisant ce mode de transport pour se rendre en ville. Selon les pluies, la hauteur de la rivière change, transformant les paysages environnants. Max et son compatriote se perdent plus d’une fois dans ce dédale d’embranchements fluviaux alors qu’ils sont pourtant nés dans la région.
Cette traversée en bateau est si incroyable, j’en prends plein les yeux ! Je regrette seulement d’être un peu trop fatiguée pour en profiter comme je le souhaiterais. Je commence à sérieusement accuser le coup du manque de sommeil et de mes innombrables heures d’avion pour arriver jusqu’ici. J’essaie pourtant d’oublier ma fatigue pour profiter autant que je peux de ce moment inoubliable. Nous apercevons de nombreux oiseaux en chemin : des aigrettes, ibis, toucans, perroquets. Mon guide arrive même à dénicher un paresseux tout en haut d’un arbre et de grands singes noirs s’amusant dans les branches. Parfois, il faut faire attention à nos têtes pour ne pas se blesser avec un arbre. Plus nous nous enfonçons dans l’Amazonie, plus mes repères s’évanouissent et j’ai l’impression de renaître, de respirer, de revenir aux sources dans lesquelles je peux puiser tant d’énergie.
Max a beaucoup voyagé, même en France et il connaît la valeur de son patrimoine qui est cette forêt encore préservée, mais pour combien de temps encore ? Il m’explique qu’il ne comprenait pas au début pourquoi les touristes paraissaient si émerveillés par cette forêt et les créatures qui la peuplent. Tout ça lui paraissait naturel. C’est en voyageant qu’il a compris qu’il n’en était pas de même partout. Des amis Français à lui qui habitent Paris lui ont montré leur petit appartement, leur façon de vivre métro-boulot-dodo cinq jours par semaine et il les a trouvés bien malheureux comparativement à lui. Il a certes moins d’argent mais une qualité de vie bien meilleure. Il possède une grande maison aux alentours de Manaus et un lodge qu’il a construit de ses mains au milieu de la forêt. Il travaille dur également pour faire marcher son entreprise mais il adore son métier. Il me confie que sa plus grande récompense c’est de voir les gens heureux et éblouis par sa contrée. Bref, il n’envie pas du tout les Occidentaux et je le comprends parfaitement. Il connaît son bonheur d’être ici et il en profite, je lui donne entièrement raison.
Nous finissons par arriver au lodge au crépuscule, le ciel nous montrant ses plus belles couleurs. Le « Dolphin Lodge » se situe au bord de la rivière dans une petit crique enchanteresse. Deux maisonnettes rondes faites de bois et de roseaux trônent en haut d’un petit ponton. Une est une salle de détente où sont étendus plusieurs hamacs, l’autre sert de salle à manger et cuisine. Un peu plus loin se trouvent des chambres avec chacune une petite salle de bain privée, lovées dans des cabanes en bois. Il reste une chambre de libre, j’ai de la chance ! Sinon, j’aurais dormi dans les hamacs, ça ne m’aurait pas dérangé non plus.
Je cours sous une bonne douche tant attendue et j’ai l’impression de gagner un peu de vitalité. Peut-être aussi parce que l’eau froide, ça réveille ! L’eau chaude n’existe pas ici, mais il fait tellement chaud que ça n’est absolument pas nécessaire. Je suis même étonnée qu’il y ait de l’électricité en fait, nous sommes si loin dans la jungle. On m’apprend que la génératrice fonctionne seulement peu de temps. Parfait, je ne compte pas faire long feu ce soir de toute façon.
On me présente ensuite à l’équipée de touristes établis ici depuis quelques jours et avec laquelle je vais passer la prochaine semaine. Il s’agit d’un groupe particulier en fait. Des professeurs font voyager certains de leurs élèves du Nouveau Mexique aux USA au Brésil durant une vingtaine de jours. Il y a 5 étudiants de 14 à 16 ans et 3 professeurs, leur but étant de partager un autre genre de vie, de s’ouvrir à une autre culture différente de la leur en leur faisant découvrir une partie du Brésil. Ils viennent de vivre des aventures incroyables au Pantanal avec beaucoup de moustiques visiblement et ils enchaînent sur l’Amazonie. Les professeurs, des femmes plutôt âgées, m’accueillent avec chaleur et beaucoup de gentillesse. Les jeunes sont curieux de ma présence et intrigués par mon origine française. Ils sont calmes et plutôt timides, on est loin de l’équipe d’adolescents bruyants que je redoutais un peu. Tant mieux !
Le temps de me reposer un peu dans les hamacs et le dîner est servi. Au menu : poulet, soupe de piranhas, légumes frais, riz… Je mange avec avidité ces bons plats régionaux, je meurs de faim en fin de compte. Je n’ai rien mangé depuis la veille au soir à part une noix de coco et quelques oranges que Max m’a généreusement offertes. En effet, j’ai raté le petit-déjeuner ce matin dans l’avion pour gagner quelques heures de sommeil, n’ai pas eu le temps de grignoter quelque chose à midi entre mes deux avions à Sao Paulo et ils n’ont rien donné à part du jus d’orange sur le vol pour Manaus ! Ah, ça fait du bien d’avoir quelque chose dans le ventre…
Après le souper, Max fait un exposé aux élèves sur la façon de vivre dans la jungle. Il explique le mode de vie des habitants de la région, parle des écoles ici où certains élèves ne peuvent y parvenir qu’après 4 heures de bateau quotidien aller et retour. Il essaie d’expliquer que nous, les Occidentaux, avons de la chance d’avoir accès à tant de choses facilement et qu’il faut en prendre conscience tout en ne perdant pas leur valeur.
Il fait un très beau discours, je suis particulièrement touchée par ce qu’il dit. Il possède de belles valeurs et il sait où il va dans la vie, c’est un homme admirable. Plusieurs autres guides parlent à leur tour de leur vie dans la jungle et malgré tout l’intérêt de leurs histoires, j’avoue que je sens mes paupières s’alourdir inexorablement. Je regarde l’assistance qui n’a pas l’air plus en forme que moi. Les discours s’éternisent et malgré le silence respectueux de chacun, je peux lire la même lassitude sur le visage de mes convives. Ouf, au bout d’un moment qui me paraît durer une éternité, ils finissent par conclure et nous partons nous coucher pour la plupart d’entre nous tandis que d’autres entament leur partie de dominos. Je m’endors aussitôt aux sons des bruits de la forêt qui, elle, se réveille…
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On attend la suite avec impatience! Aurons-nous droit à des photos? Bises
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