Retour à Manaus

4 avril 2009

Je me réveille tranquillement du fond de mon hamac, profitant une dernière fois de ce balancement régulier au gré du vent et au son des feuilles d’arbres chantant.

Aujourd’hui, ça va être une journée tranquille de navigation principalement, nous devons être à 16h à Manaus. Nous en profitons pour flâner, échanger des courriels, admirer le paysage sur le pont… Nous essayons de faire le plein d’énergie ici avant de retourner à la civilisation. Un autre type de jungle nous attend dans cette société de consommation toujours plus exigeante. Ce n’est pas toujours plus simple d’y survivre !

Nous accostons sur une magnifique petite plage en fin de matinée. Nous ne sommes pas loin de Manaus et cette île est le repère des gens riches du coin. En effet, plusieurs hors-bord et jet ski viennent remplir l’espace durant la journée avec son lot de jeunes filles en bikini-string. Ca change de la profonde Amazonie où on ne croisait que des paysans au mode de vie simple et discret ! Nous étendons une corde entre le bateau et un arbre sur la plage en guise de filet de volley-ball et une partie débute entre membres de l’équipage et passagers. Le match est vraiment pris au sérieux par certaines personnes, de telle façon que des disputes éclatent sur une mésentente sur le score ou bien un hors jeu. Bref, l’ambiance n’est pas sereine, ce que je trouve dommage pour un amusement de ce genre censé nous détendre et nous faire rire. Un des jeunes du groupe, Carlos, finit par ajouter la goutte d’eau qui fait déborder le vase en se plaignant que son équipe perdait parce qu’elle n’était composée que de vieilles personnes ! Là, Rheda, très sensible à ce genre de commentaire sur son âge, quitte le jeu, fâchée. Bon, ça tourne mal cette histoire. J’arrête de jouer, je ne trouve pas ça drôle pour ma part. Je préfère aller nager un peu.

Max m’appelle peu de temps après, un paresseux est perché dans un arbre immergé dans la rivière. Nous nageons jusqu’à lui, intrigués et excités d’en voir d’aussi près. Il est trempé et fatigué d’avoir nagé jusqu’ici visiblement. Le capitaine arrive avec un canot pour le prendre et le mettre en sûreté un peu plus loin dans la forêt. Il est trop près de la plage ici. Il ne se laisse pas faire par contre, ses grandes griffes sont accrochées aux branches d’arbre et sa force est incroyable. Il est très difficile de l’en déloger ! Mais, en s’y mettant à quatre, on réussit à le mettre dans le canot puis à le placer plus loin dans la forêt où il sera en sécurité. Il bouge tellement lentement, c’est sûrement pour cette raison qu’il s’appelle ainsi, on dirait que ses mouvements sont passés au ralenti !

Nous restons encore un peu sur cette plage, le temps de lézarder puis nous reprenons la navigation vers Manaus, cette grande cité prospère au milieu de l’Amazonie. Sa grande taille et son économie croissante sont surprenantes, vu sa localisation. Mais, comme dans beaucoup de villes au Brésil, l’écart entre les pauvres et les riches est important ici, avec peu de classes moyennes, ce qui amène beaucoup de problèmes, entre autres de sécurité. Max m’accueille chez lui ce soir, j’y serai mieux que dans n’importe quel hôtel. J’accepte avec plaisir, heureuse de passer encore un peu de temps en sa compagnie.

Alors que le bateau se dirige inexorablement vers ces grandes tours annonçant le retour à la civilisation, je m’aperçois que quelque chose de bizarre se passe en haut de ma tête. Je ne vois pas très bien dans la glace, le problème se situant vraiment en haut de mon crâne. Je demande à Max de regarder et le sérieux de son visage m’inquiète. En fait, j’ai une bosse d’un centimètre de grosseur avec plus aucun cheveu autour. Il ne sait pas ce que c’est mais soupçonne une piqûre d’insecte ou bien un ver logé sous ma peau. Super ! Je vais ramener quelques amis au Canada avec moi. Ca ne fait absolument pas mal mais la perte de mes cheveux et la grosseur de la piqûre m’inquiètent un peu. Max me rassure en me disant qu’il me conduira à l’hôpital demain si ça ne s’est pas arrangé. Je suis contente qu’il s’occupe de moi, je lui fais entièrement confiance.

Arrivés à bon port, nous disons au revoir au capitaine et partons en minibus pour les uns, en voiture personnelle pour Max, les cuisinières et moi en direction du centre-ville. Le groupe s’en va à l’hôtel, moi je pars avec Max qui veut me montrer l’opéra de la ville, véritable joyau architectural que les autres ont eu le temps de visiter à leur arrivée ici. Il est, en effet, magnifique, l’intérieur me faisant penser à l’Opéra Garnier à Paris. Pas étonnant, m’apprend Max, toute la décoration a été faite en France avec du matériel d’ici. En bref, ils ont envoyé le bois en France pour être travaillé et sculpté, puis ça a été rapatrié ici une fois fini ! Ca aurait peut-être été plus simple de faire venir les artistes français ici. Enfin, pour ce que j’en dis…

Une répétition d’un concert classique est jouée sur scène. Nous sommes les seuls spectateurs dans cette grande salle féerique, je suis aux anges. Malheureusement, Max est pressé par le temps, son travail ayant repris de plus belle depuis qu’il a touché terre. Je découvre un autre Max ici. Après l’homme de la jungle, tranquille et relax dans toutes les situations, voici l’homme d’affaires continuellement pendu au téléphone, gérant mille problèmes en même temps, portant des polos classe et des lunettes noires de star. Le contraste est tellement flagrant, ça m’amuse vraiment beaucoup ! Nous devons quitter l’opéra un peu au pas de course, Max devant rester travailler à son bureau. En fait, son agence fait partie de sa maison. Il possède une grande bâtisse moderne qu’il a construite lui-même dans les beaux quartiers de Manaus. Plusieurs ordinateurs trônent dans le salon. Une magnifique chambre avec salle de bains jouxte son bureau. Il est bien installé et je m’aperçois vite qu’il fait partie de la classe riche de la ville. Je ne m’en étais pas aperçue durant cette semaine passée en sa compagnie, c’est qu’il réussit à rester simple malgré tout et c’est tout à son honneur.

Max m’emmène dans une petite boulangerie pour prendre un jus d’orange et quelques friandises de la région. Moi qui n’aime pas trop les desserts habituellement, je me régale depuis que je suis ici. Leurs gâteaux sont tellement délicieux ! Ainsi rassasiés, il me conduit ensuite vers un institut de beauté. Moi qui n’y suis jamais allée de ma vie, c’est plutôt drôle que je fasse cette expérience au Brésil ! Max m’apprend que toutes les femmes vont ici et que lui-même vient se faire dorloter toutes les deux semaines. Il demande à une dame de s’occuper de moi, je ne sais pas trop ce que ça signifie. Elle me place les pieds dans un baquet d’eau chaude tandis qu’elle s’occupe de mes ongles de mains. Elle me jette un regard de reproche lorsqu’elle voit mes ongles rongés puis passe outre et me les lime, elle pousse et coupe les peaux mortes puis me passe du vernis durcisseur dessus. Vient ensuite le tour de mes ongles de pied. Elle me râpe la plante des pieds avec une lime, ce qui me fait rire aux éclats, étant particulièrement chatouilleuse à cet endroit. Les autres femmes du salon me regardent en riant, je n’ai visiblement pas le comportement d’une cliente habituée. Max rit lui aussi de me voir si novice avec tous ces soins de beauté. C’est un homme de la jungle, un Amazonien pure souche qui m’emmène pour la première fois chez une esthéticienne ! On aura tout vu…

On s’occupe ensuite de mes cheveux. On me les lave, les traite et coiffe pour que je sois toute belle. Le coiffeur s’inquiète de mon trou dans les cheveux, ça me ramène à ce problème que j’avais momentanément oublié. J’y penserai plus tard, là j’ai juste envie de profiter ! Max aussi se fait coiffer et manucurer, nous sommes deux nouvelles personnes maintenant ! Il m’emmène ensuite dîner dans un très bon restaurant où je me régale de délicieuses crevettes accompagnées d’un verre de vin. Max me traite vraiment comme une princesse, je ne débourse rien et il s’occupe de tout. Rien que le fait de venir m’ouvrir la portière de la voiture à chaque fois ou de tenir ma chaise au restaurant m’impressionne déjà beaucoup. J’avoue que ces attentions me manquent un peu au Québec. Les Québécois ont beaucoup de qualités mais la galanterie, ils ne connaissent absolument pas ! Ca fait du bien que quelqu’un prenne aussi bien soin de moi.

Nous rejoignons ensuite le reste du groupe d’Américains à Punta Negra, dans la nouvelle partie de la ville. Ils sont attablés devant une pizza en train de regarder un spectacle de danses folkloriques. J’avoue avoir eu un bien meilleur repas pour ma part ! Et ils n’ont pas eu droit au salon de beauté. Le spectacle est bon et entraînant mais ça se gâte quand ils viennent chercher des gens du public pour monter sur scène. Ils choisissent Jordan et elle me regarde d’un air désespéré me suppliant de l’accompagner. Je la suis donc dans ce que je déteste le plus, faire le guignol en public. Enfin, c’est pour la bonne cause. Cette épreuve passée avec succès, je retourne m’asseoir, fatiguée par toute cette énergie dépensée pour rien.

Max et moi abandonnons ensuite nos amis pour partir seuls profiter du reste de la soirée pour aller danser. Il m’emmène dans un club où un très bon orchestre avec un chanteur se produit sur scène. De nombreux couples, tous brésiliens, dansent sur la piste, se déhanchent sur les rythmes entraînants. On se commande un cocktail puis nous nous joignons aux danseurs. Max m’apprend les pas de danse de base et nous réussissons rapidement à nous débrouiller ensemble. J’adore cette ambiance de fête que les Brésiliens ont l’art d’amener facilement dans une soirée. Ils ne sont pas aussi timides que la plupart des Occidentaux en ce qui concerne la danse. Ils y vont sans se poser de questions et se laissent aller à bouger comme ils le souhaitent, les femmes avec de l’embonpoint (et il y en a beaucoup ici) n’ont aucun complexe à se trémousser dans tous les sens. C’est un moyen pour eux d’extérioriser, de libérer leurs sentiments. Je me sens bien parmi eux, ils sont toujours à sourire, à danser, sans jugement des autres. Je me sens privilégiée d’être parmi eux. Ce soir, je suis définitivement la seule touriste ici, ce qui me ravit au plus haut point. On enchaîne plusieurs danses puis nous décidons de rentrer. Il est déjà 1h du matin et nous devons nous réveiller tôt demain. Max a un rendez-vous à 8h avec un Français intéressé pour faire affaire avec lui. Au dodo tout le monde !

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