Petit problème digestif

Le 22 novembre 2009

Il n’y a pas de doute, dormir dans un bon lit douillet est quand même plus agréable qu’à même le sable d’une plage, mais il manque la vue au matin sur l’aurore éclatante dans le ciel et la sensation de se réveiller en même temps que la nature, ce qui reste pour moi le plus beau des réveils… Mais c’est toutefois plus reposés que nous nous levons ce matin. Et heureusement, vu le programme chargé qui nous attend. Max m’emmène ce matin dans la petite commune de Presidente Figueiredo, réputée pour la centaine de cascades qu’elle abrite dans ses environs.

Tout d’abord Max m’emmène dans un grand parc de Manaus où l’on sert un gigantesque petit déjeuner spécialement le dimanche dans un restaurant à ciel ouvert entouré d’arbres de toutes sortes. J’ai du mal à croire que nous sommes en plein centre de Manaus tellement cet aménagement de verdure dépayse totalement de la ville. Aucun bruit de voiture n’est audible, seuls les pépiements d’oiseaux sont perceptibles à nos oreilles pour mon plus grand bonheur. Par contre, il y a foule à la terrasse du petit déjeuner, les Brésiliens ont visiblement l’habitude de venir prendre l’air ici le dimanche matin. Je me régale de ce véritable festin matinal où fruits frais, gâteaux à la noix de coco, tapioca au fromage, semoule aromatisée, jus d’orange pressée se bagarrent au niveau de mes papilles gustatives pour essayer de trouver celui qui a la meilleure saveur… Ils finiront tous premiers ex-æquo, je suis incapable de choisir parmi ces délices culinaires! Un bon café au lait par-dessus tout ça et me voici fin prête pour la journée!

Nous effectuons une petite promenade digestive dans le parc avant de prendre la route pour les cascades. Ce n’est pas tout près de Manaus, il faut bien une heure et demie de trajet avant d’y arriver. Je somnole doucement sur le siège passager tandis que Max me conduit d’une main de maître sur cette route droite qui grimpe et redescend à travers les collines, traversant de magnifiques paysages de terre rouge se mêlant aux oasis vertes parsemées de petits lagons aux couleurs brunâtres… Arrivé à destination, Max passe d’abord à l’office du tourisme réserver un guide pour aller se promener en forêt en début d’après-midi. Nous allons ensuite déjeuner dans le restaurant d’un de ses amis qui nous fait la surprise de nous apporter un mélange de tous ses produits. Du coup, nous nous retrouvons avec ses meilleurs poissons, sa meilleure viande un peu fumée au goût étonnant mais absolument délicieux, du riz aux légumes, du manioc, un genre de frites savoureuses… Bref, il y a à manger pour 4 alors que nous ne sommes que 2. Je me régale, encore une fois, mais mange plus que de raison, ne sachant dire non à la nourriture, surtout lorsqu’elle est exquise… le patron fait cadeau de la moitié du repas à Max et nous repartons le ventre bien tendu et le porte-monnaie encore bien rempli pour la suite de notre aventure. Nous passons prendre le guide qui nous emmène à travers une forêt préservée où seuls les touristes accompagnés d’un guide peuvent pénétrer. Il s’agit encore d’une jungle différente de toutes celles que j’ai vues jusqu’alors. C’est fou comme les sols peuvent différer d’un endroit à l’autre amenant du coup un autre type de végétation et donc de faune y vivant. La guide ne parle que portugais, Max est donc obligé de faire l’interprète pour moi. Elle nous explique qu’une tribu indienne vivait ici il y a fort longtemps mais le gouvernement les a chassés afin de faire de ce territoire une protection de l’état (ben voyons…) et le chef du village ne voulant pas partir se serait caché durant des années dans les multiples grottes qui existent dans la forêt… D’ailleurs, au bout d’une bonne heure de marche, nous arrivons devant une magnifique et vaste grotte cachée par la dense végétation. Elle est, paraît-il, très profonde (500 m environ) mais il nous est interdit d’y pénétrer, l’éclairage étant inexistant et les chauves-souris risquant de nous inoculer des maladies. Je reste estomaquée par l’enchantement du lieu! Et nous avons la chance de pouvoir l’admirer seuls, sans personne d’autre.

Nous arrivons ensuite à une deuxième grotte encore plus belle que la première. Je me sens irrésistiblement attirée par cet antre qui semble vouloir me gober tout entière mais je reste sagement à l’entrée, ressentant dans chaque infime partie de mon être une énergie particulière qui émane de ces lieux. Max me prend par la main, lui aussi l’a ressenti et nous restons ainsi, les yeux fermés, à absorber de la magie que nous envoie mère Nature. Nous rebroussons ensuite chemin jusqu’à retrouver la route et la civilisation.

La guide nous emmène ensuite visiter une cascade très belle et naturelle, mais le nombre de Brésiliens jouant, criant en buvant de la bière, tombant dans l’eau à moitié saouls, dénature un peu l’endroit qui a pourtant tout d’un petit paradis. Après une rapide baignade nous rafraîchissant, nous ne resterons pas longtemps, ne souhaitant pas assister à un éventuel accident d’un jeune Brésilien ivre mort frappant le rocher en sautant de la cascade… Nous nous arrêtons en chemin devant une pausada attenante à une autre cascade qui est, d’après Max, l’une des plus belles de la région. Nous vérifions la disponibilité des chambres et on nous apprend que l’hôtel entier est vide ce soir étant donné qu’il est fermé demain sans réception ni petit déjeuner disponible. Mais pour Max, ils sont prêts à nous laisser une chambre pour ce soir. Je crois rêver… Nous aurons tout l’hôtel pour nous, avec la piscine extérieure en prime. Sans parler de la cascade voisine dont l’accès pour les touristes se termine à 17H, excepté pour les clients de la pausada… Youhou! Nous posons nos affaires puis raccompagnons la guide à l’office du tourisme.

Il est environ 17h et Max tient absolument à s’arrêter grignoter dans un snack quelque part. Il a toujours faim cet homme-là! Pourtant, nous avons déjà tant mangé depuis ce matin… Nous nous arrêtons donc dans un petit restaurant spécialiste des tapiocas de toute sorte, et moi, de façon totalement déraisonnable, je fais taire mon instinct qui me supplie de ne pas céder à la tentation et me commande un tapioca à la banane tandis que Max en prend un au fromage. Ce fut une terrible erreur de ma part, comme la suite me l’apprendra à mes dépens.

Nous nous dépêchons ensuite de revenir à la pausada afin de profiter de la cascade au coucher du soleil. Nous arrivons sur les lieux, les derniers touristes sont déjà partis et nous voici seuls au milieu de cette eau déferlant à grands torrents de toute part, jaillissant des rochers dans un bruit assourdissant, nous invitant à savourer sa fraîcheur dans de grandes éclaboussures argentées se fracassant sur les rochers illuminés par les derniers rayons du soleil. Je mets un pied dans l’eau mais soudain une douleur fulgurante à l’estomac stoppe net mon élan. Je ne digère visiblement absolument pas mon dernier en-cas, mon système digestif a décidé qu’il avait trop travaillé ces derniers temps, il est en grève. En attendant, je me tords de douleur alors que je me trouve dans un véritable paradis terrestre. Tout mon corps refuse d’entrer dans cette eau froide et cette fois, je sais qu’il est hors de question de ne pas l’écouter. Je fais part à Max de mon mal-être, il voit bien ma frustration de ne pas pouvoir profiter de cet endroit idyllique que nous avons pour nous seuls comme il faudrait et me propose de rentrer prendre une douche chaude, ce que j’accepte volontiers.

Je m’allonge sur le lit, ne pouvant quasiment pas bouger sans provoquer d’horribles douleurs abdominales. Mon corps m’aura pourtant prévenue, mais j’ai choisi de ne pas l’écouter. J’en subis donc les conséquences… Je suis surprise de pouvoir autant sentir les signes précurseurs que mon corps m’envoie (même si j’ai choisi cette fois de passer outre…), je n’étais pas capable d’entendre mon corps me « parler » auparavant. C’est une bonne leçon pour moi, je saurai prendre plus en considération les conseils qu’il me donne dorénavant; mais là, c’est toute notre soirée que j’ai mise à l’eau par ma faute. Il est hors de question d’ouvrir la bouteille de champagne que Max avait rapportée, ni d’aller dans le restaurant qu’il avait prévu, ni de profiter d’un bain de minuit dans la piscine en admirant les étoiles scintillant dans le ciel… Il est tout à fait impossible que j’avale autre chose que de l’eau et je peux à peine me lever pour aller dans la salle de bains. Super!

Après une bonne sieste d’une heure, je réussis à trouver le courage de me traîner jusqu’au bord de la piscine afin d’admirer un peu la voûte étoilée en compagnie de Max, mais je n’y reste pas bien longtemps, préférant de loin me retrouver en position allongée dans mon lit. On verra demain, espérons que ça ira mieux!

Réveil sur le sable, les pieds dans l’eau…

Le 21 novembre 2009

Je me réveille les membres tout engourdis: c’est dur de dormir à même le sable! Je ne pensais pas…. Par contre, j’ouvre les yeux sur un superbe lever de soleil absolument magique! Je réveille Max pour qu’il y assiste avec moi. Nous allons faire un tour sur la plage pour apprécier ce moment d’éternité qui s’offre à nous.

Nous rangeons nos affaires puis retournons au petit bar nous faire un capuccino et manger quelques fruits et du gâteau que Max avait pensé à voler sur le bateau (avec l’accord de la cuisinière évidemment). Tout en dégustant notre succulent petit déjeuner, nous discutons de la vie simple mais heureuse des Amazoniens vivant ici. Ils pêchent dans une rivière où les poissons sautent tout seuls dans le bateau, chassent de temps en temps, mais le reste du temps ils prennent la vie au ralenti, comme elle est, sans stress, sans besoin particulier. Leur vie simple n’est-elle pas au final plus enviable que celle des grandes villes où tout va de plus en plus vite, où les exigences sont énormes, le niveau de stress grimpant avec…? Max est confronté à ces deux types de vie et ne sait pas laquelle prendre pour être heureux. Et maintenant qu’il a goûté au confort, il n’est pas facile de l’abandonner non plus… La décision n’est en effet pas évidente. Il faut essayer de trouver un juste milieu entre les deux sans se laisser aspirer par la vie trépidante des cités.

En tout cas, moi ça me fait du bien de réapprendre à vivre avec le jour. Voilà deux semaines que je n’ai plus de montre au poignet et personne n’en a ici, donc impossible de demander l’heure à quelqu’un. Je vis donc avec le soleil, me réveillant avec lui et me couchant peu après lui également. Je vois les journées passer lentement parce que j’ai l’impression de profiter de chaque minute et ça me ravit au plus haut point. Quand il fait trop chaud, je pars faire une sieste. Je sors alors que le soleil commence à annoncer ses plus belles couleurs orangées avant d’éclater en feu d’artifice flamboyant. J’aime cette vie au ralenti, mais dans laquelle j’ai vraiment l’impression d’avoir un rôle à jouer: le rôle de ma vie.

Max a appelé Flavio pour qu’il vienne nous chercher en canot à moteur. Celui-ci ne tarde pas à arriver et nous emmène chez lui, où nous retrouvons le couple anglais venu avec nous sur le bateau au début du séjour. Nous nous reposons dans les hamacs, profitant de la vue que son île possède sur les environs, elle est magnifique. Je somnole, la brise me rafraîchissant doucement, à l’ombre d’un énorme manguier. La vie est belle pour moi tout de même!

Après le déjeuner, un bateau rapide vient chercher toute la troupe pour nous ramener à Manaus. Il fonce à toute allure sur un fleuve rendu agité par le vent qui souffle. Nous prenons les vagues de plein fouet, nous sommes ballotés de tout côté assez rudement. Moi, j’adore ça! On dirait un gros manège dans lequel on monte pour avoir des poussées d’adrénaline. Sauf que là, c’est du réel et le conducteur n’a pas intérêt à faire de mauvaises manipulations, qui pourraient nous coûter cher. J’avoue par contre qu’une heure trente de manège à sensation forte, ça fait beaucoup, même pour moi. Même si Max et moi passons le temps en nous faisant des massages de pieds. Je suis tout de même reconnaissante d’apercevoir les buildings de Manaus au loin, indiquant qu’on est bientôt arrivé. On passe le gigantesque pont en construction qui doit relier la ville au début de l’Amazonie, sonnant ainsi le glas d’une partie du poumon vert lorsqu’il pourra facilement être atteint par la route. Sa difficulté d’accès le sauvait jusqu’à présent de la folie des hommes, mais là… Quelle sera la suite? Construction de routes? Déforestation massive? Urbanisation de petits villages jusqu’à présent épargnés par le matérialisme? Max non plus ne voit pas ce pont d’un bon œil. Il est très soucieux de l’avenir de sa jungle qui ne s’annonce pas rose..;

A Manaus, Daniel nous attend avec la voiture de Max. On conduit les Anglais à leur hôtel puis on rentre chez Max prendre une bonne douche méritée après tous ces jours passés dans la nature. Nous sortons ensuite dîner dans un chic et délicieux restaurant où je me régale d’une excellente pièce de bœuf (ils ont vraiment de la viande délicieuse ici) puis nous finissons la soirée dans un bar à écouter de la musique live. Mais je tombe de sommeil, mes deux dernières nuits n’ayant pas été très récupératrices. Nous rentrons nous coucher pas trop tard, abandonnant nos idées de sorties nocturnes du samedi soir.

Seuls sur la plage… à la Robinson Crusoé

Le 20 novembre 2009

Alors qu’il fait encore nuit noire, je sens un froid glacial me pénétrer jusqu’aux os, ce qui me réveille instantanément. D’où vient ce froid soudain ? Alors que je retrouve mes esprits, je découvre la cause de cette brutale chute de température corporelle, la peur s’est insidieusement infiltrée dans tout mon être, me glaçant le sang par la même occasion. En effet, je sens un animal avancer sur mon sac de couchage… Il se trouve à la hauteur de mon ventre, je peux sentir son poids peser sur ma poitrine et avancer doucement vers mon visage. D’un grand mouvement de panique, je me débats dans mon sac de couchage pour jeter cette chose par-dessus mon hamac. Alors que je pensais l’avoir fait tomber, je sens quelque chose grimper sur ma main… Là, je ne peux m’empêcher de hurler, appelant Max au secours pour qu’il me vienne en aide et secouant la main en tous sens pour en déloger le monstre qui, pour moi, ne peut être qu’une mygale, ayant senti des choses ressemblant à des pattes velues. Max, qui avait étendu son hamac juste à côté du mien, un bout accroché au même arbre que moi, se réveille aussitôt et allume la torche pour voir ce qui se passe. Mais il n’y a rien nulle part…Ni dans mon hamac, ni par terre… Ou bien la chose aura eu le temps de détaler, ou bien j’ai bel et bien rêvé. Cette dernière option me paraît improbable, je ne suis pas du genre à m’imaginer ce genre de choses d’habitude… En tout cas, je suis en nage, transpirant à grosses gouttes malgré la fraîcheur de la nuit, tremblant encore comme une feuille à la suite de cette belle frayeur. Max me rassure comme il peut, me berçant comme une enfant, puis il grimpe dans mon hamac, (sans poser un pied sur le sol !) afin de me prendre dans ses bras. Je me détends petit à petit, me sentant en sécurité avec lui dans le même hamac puis nous nous rendormons tous les deux ainsi lovés.

Je me réveille au petit matin, le jour s’est levé et la jungle apparaît alors beaucoup moins inquiétante qu’en pleine nuit. C’est fou cette différence de ressenti entre le jour et la nuit ! Dans la jungle, c’est comme si la nuit ne nous appartenait plus et qu’à ce moment-là, seuls les habitants de la jungle pouvaient régner en maîtres sur ce territoire. Nous devons respecter cette loi de la nature et nous contenter de nous faire le plus petit possible en nous cachant dans nos hamacs sans perturber quoi que ce soit. Durant la journée, nos facultés visuelles étant revenues, il nous est plus facile d’interagir avec notre environnement et c’est moins dangereux pour nous. Telle est la loi de la jungle !

Je retrouve Herman, le guide des Suisses, près du feu et lui raconte ma mésaventure de cette nuit. Pour lui, il s’agissait sûrement d’une grosse grenouille. Peut-être… On ne le saura jamais ! Tout le monde lève ensuite le camp puis nous repartons en sens inverse à travers la forêt. Soudain, Herman, qui se trouve en tête du convoi, hurle de nous arrêter immédiatement. Nous nous exécutons, intrigués. Il nous montre alors un serpent sur le chemin même que nous allions emprunter. Il n’est pas très gros mais est, paraît-il, mortel. Oups… Décidément, il y a de l’action aujourd’hui encore. Il réussit à le faire grimper sur un long bout de bois pour nous le montrer, tout en restant à bonne distance de lui. C’est impressionnant de se dire qu’il pourrait nous tuer d’une seule morsure ! Nous le laissons ensuite tranquille et effectuons un petit détour pour éviter de le croiser de nouveau sur notre chemin !

Revenus au bateau où un superbe petit déjeuner nous attend, nous satisfaisons notre appétit avec tous ces mets colorés et exotiques, plus délicieux et sucrés les uns que les autres. Et c’est sans parler des jus de fruits frais ! Je saute ensuite sous la douche, j’ai l’impression de sentir la transpiration à 5 km à la ronde, ce qui ne doit pas être loin de la vérité, puis nous préparons nos affaires, Max et moi quittons le bateau dans quelques minutes. En effet, tout le monde repart à Manaus aujourd’hui, sauf nous qui restons une nuit de plus dans les environs. Nous rentrerons en ville demain par nos propres moyens. Un petit canot à moteur que Max a appelé arrive à la rencontre du gros bateau pour nous emmener, nous disons donc au revoir aux membres de l’équipage ainsi qu’aux Suisses et à Herman puis nous sautons dans le petit canot avec nos affaires personnelles, de l’eau, des fruits et des sandwiches pour ce midi. J’ai beaucoup aimé cette croisière en bateau, spécialement grâce à l’équipage et au guide Herman qui ont tous été souriants et amicaux envers moi et ça compte beaucoup de mon point de vue. Le couple suisse a également été charmant, j’ai de la chance d’être tombée sur des touristes aussi gentils, je sais que ce n’est vraiment pas tout le temps le cas. En ce qui concerne les excursions, j’en avais déjà fait une partie la dernière fois mais me retrouver sur un bateau est toujours un plaisir pour ma part et j’ai adoré notre nuit en forêt près de la cascade, même si j’ai eu une belle frayeur !

Seuls dans notre canot, avec quelques vivres comme subsistance, nous voyons le bateau de nos amis s’éloigner alors que nous prenons un autre chemin. Nous sommes livrés à nous-mêmes à présent ! Alors que nous filons sur les eaux calmes du Rio Negro, un soleil de plomb nous lançant ses plus chauds rayons sur la tête, je me sens libre et heureuse dans mon petit canot à moteur à destination de l’inconnu. Je suis prête pour l’aventure de nouveau et je suis contente de partager ces moments avec Max en qui j’ai toute confiance. Allongée au fond du canot, je me sens privilégiée de pouvoir vivre ça et le savoure d’autant plus.

Après une heure et demie de traversée, nous arrivons sur la même petite plage de sable fin sur laquelle nous avions accosté le premier jour avec le gros bateau. Elle se nomme la plage du caïman. C’est ici, sur cette plage déserte que nous passerons la nuit ! Youhou… Nous posons nos affaires et partons faire un tour sur cette immense plage bordée de jungle impénétrable. Pour nous rafraîchir un peu, nous sautons dans l’eau mais la vase présente de ce côté-ci de l’île n’est pas agréable ni propice à la baignade. De plus, il faut toujours avancer en raclant le fond avec les pieds pour faire fuir les créatures éventuellement hostiles. Et la boue qui se colle à notre peau est un peu acide, ce qui peut provoquer des démangeaisons. Bref, nous ne restons pas longtemps dans l’eau.

Nous dégustons nos sandwiches et nos fruits sur la plage à l’ombre des arbres, admirant le paysage de carte postale qui s’étend devant nous. Le sable fin presque blanc parsemé de roches rouges s’enfuyant dans l’eau bleue et verte de la rivière forme un tableau idyllique auquel on ne peut pas rester insensible. D’autant plus lorsque l’on se sent seuls au monde à avoir le droit d’admirer ce spectacle paradisiaque.

Nous nous enfonçons un peu dans la forêt afin de trouver deux arbres de la bonne circonférence et d’une assez bonne distance l’un de l’autre pour pouvoir accrocher nos hamacs pour la sieste. Mais c’était sans compter sans les innombrables petites mouches qui nous attaquent de toutes parts et nous vrombissent dans les oreilles. Difficile de dormir dans ces conditions. Nous changeons de tactique et revenons sur la plage pour nous étendre sur le sable à même le sol, les arbres étant trop rares pour accrocher notre hamac. C’est un peu mieux même si les insectes ne sont pas décidés à nous laisser vraiment tranquilles. Bon, tout ne peut pas être parfait !

Nous revenons ensuite au début de la plage où un petit bar de fortune accueille les quelques rares touristes en visite ici. En fait, cette île est totalement submergée par les eaux en saison humide, voilà pourquoi personne n’habite ce petit paradis. Le seul bar de l’île est détruit et reconstruit chaque année à la saison sèche. Nous apercevons alors avec stupeur que plusieurs yachts ont accosté sur la plage avec des touristes plutôt bruyants. Mince, notre île sauvage est envahie ! Max est très surpris également puis il se rend compte qu’on est vendredi et que ce lundi est férié pour les Brésiliens. Voilà pourquoi certains riches locaux ont décidé de venir passer leur long week-end dans le coin. Vu leur musique tonitruante, ils ne se sont certainement pas déplacés pour apprécier les bruits de la nature… Cette intrusion casse un peu notre impression d’être Robinson Crusoé mais bon… Ce n’est pas ça qui va nous gâcher notre plaisir !

Arrivés au bar, des poissons fraîchement grillés ainsi que du riz nous attendent sur une petite table avec vue sur l’immense plage, déserte de ce côté-ci. Comment rêver plus beau restaurant que celui-ci ? Une petite table en plastique sur le sable avec vue sur la jungle, la plage, la rivière et les îles au loin, dégustant deux beaux poissons pêchés du jour… Je crois rêver ! C’est simple mais magnifique. Dommage que je n’aie pas faim ! J’ai l’impression d’avoir tant mangé ces derniers jours que mon estomac arrive à saturation. Je ferais mieux de l’écouter et de le laisser se reposer un peu. Surtout qu’il est à peine 16h, ce n’est pas l’heure de manger ! Mais j’apprécie beaucoup le geste. Tandis que Max discute avec ses amis du bar (il connaît absolument tout le monde en Amazonie, c’est impressionnant), je pars faire une sieste dans mon hamac. Il fait tellement chaud qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à faire. Et je m’endors au son de la musique du yacht se trouvant pourtant de l’autre côté de l’île…

Je me réveille plus reposée et pars avec Max me rafraîchir dans l’eau un peu plus claire de ce côté-ci de l’île. En chemin, une forte pluie froide s’abat subitement sur nous, nous fouettant le visage avec force et le vent qui s’est levé tout aussi brutalement nous projette du sable dans les yeux. Pour échapper à ces sensations peu agréables, nous plongeons dans l’eau qui nous procure une protection naturelle bien agréable. L’eau à 30° nous réchauffe aussitôt et la pluie ne nous fouette plus le corps, celui-ci étant immergé dans la rivière. Nous nous lavons avec du savon, considérant cette piscine comme bain chaud naturel puis nous assistons, ébahis, à un magnifique spectacle étonnant. A notre gauche, des nuages noirs se sont amoncelés, provoquant une forte pluie qui assombrit le ciel. A notre droite, un magnifique coucher de soleil sans nuage projette ses rayons dorés dans l’eau du fleuve. Un magnifique arc-en-ciel relie les deux paysages si différents. On dirait que Dame Nature s’est mélangé les pinceaux sur le temps qu’elle a voulu nous montrer, ce qui fait qu’on a un assortiment de tout à la fois… J’avoue que je n’ai jamais vu ça auparavant et Max est aussi interloqué que moi. Mais c’est magnifique. Si on prenait une photo du paysage se trouvant à droite, et une autre sur notre gauche, personne ne voudrait croire qu’elles ont été prises au même moment et du même endroit ! Incroyable … Et pour parfaire le tout, des dauphins sautent dans le soleil couchant qui se teinte de rose au fur et à mesure de sa descente. S’il n’y avait pas un groupe de touristes français que j’entends hurler au loin, tout serait parfait !

Nous allons ensuite chercher du bois dans la forêt avant que la nuit ne tombe pour notre feu de ce soir, puis nous nous récompensons de notre effort devant un verre de vin rouge que Max a pensé à rapporter avec les vivres essentiels à notre survie dur cette île perdue. La nuit tombée, Max, muni d’un harpon, souhaite me montrer cette nouvelle façon de pêcher. Nous grimpons dans une barque et il m’emmène à grands coups de rames de l’autre côté de la rivière. Pour ma part, je me contente de me faire transporter, la tête tournée vers les étoiles qui commencent à apparaître, écopant l’eau à l’aide d’un récipient lorsque la barque se remplit trop, afin d’alléger Max en poids de transport pour ramer et aussi éviter de couler ! Malgré toute la beauté de cette sortie sous les étoiles, la musique très forte des bateaux amarrés non loin casse un peu l’ambiance. Quel est l’intérêt de venir jusqu’ici en Amazonie si c’est pour vouloir danser, boire et faire la fête ? Ils peuvent rester au port de Manaus dans ce cas… Bref, nous essayons de ne pas nous laisser déconcentrer et scrutons attentivement l’eau avec la torche afin de repérer des poissons à harponner. Malheureusement, ces bateaux ont remué beaucoup de vase et l’eau n’est pas assez claire pour qu’on puisse y voir grand-chose.

Max lance alors le harpon un peu au hasard sans vraiment de succès jusqu’à ce que l’un de ses lancers fassent fuir un banc de poissons qui sautent tous hors de l’eau, effrayés, et qui nous volent dessus ! Je pousse un cri de surprise, un poisson m’arrivant droit dessus, Max en évite un gros qui lui frôle le visage… Résultat, un poisson aura sauté tout seul dans notre barque et se débat à mes pieds, cherchant l’eau qui lui permet de respirer. Nous l’examinons à la torche, il s’agit d’un beau piranha ! Ouf, nous avons frôlé l’accident, un de ces poissons aurait pu nous entailler la chair en sautant ainsi sur nous. On aura vraiment tout vu en Amazonie… Voilà que les piranhas volent maintenant et nous agressent alors que nous sommes sur une barque ! J’adore ce pays fascinant et plein de surprises. Ca le rend palpitant.

Heureux de notre pêche miraculeuse, nous revenons à la plage préparer le feu pour notre dîner. La propriétaire du bar nous offre généreusement un autre poisson, histoire qu’on puisse se restaurer chacun à notre faim. Max allume le feu avec dextérité, n’utilisant aucun papier pour faire prendre les premières flammes. Il a juste une méthode de couper les branches d’arbre avec sa machette qui donne des copeaux de bois faciles à faire flamber. Nous faisons ensuite griller nos poissons sur le feu tandis que nous discutons, finissant la bouteille de vin rouge en même temps. Je reste subjuguée devant l’attitude de certains insectes envers ce feu de bois crépitant sous nos yeux. De grosses mouches noires ressemblant à des libellules semblent irrésistiblement attirées par ces flammes brûlantes et avancent inexorablement droit vers le feu, lentement mais sûrement, comme si elles hésitaient mais, à chaque fois, elles finissent toutes par se rendre jusqu’à la première flamme qui les consume aussitôt… Quel est le sens de ce suicide ? Et ça n’arrive pas seulement qu’à une seule d’entre elles mais toutes suivent le même parcours : elles avancent tranquillement vers leur mort. Je trouve cela très étrange…

En tout cas, ça ne me coupera pas l’appétit, le poisson est délicieux ! Par contre, le vin qui n’est pas d’une grande qualité, en plus de la fatigue, aura raison de moi rapidement. Nous nous allongeons sur le sable, une couverture nous enveloppant chaudement, prévoyant d’installer les hamacs un peu plus tard. Nous voulons d’abord profiter de la vue sur les étoiles, ainsi couchés sur le sable. Et nous nous endormons presqu’aussitôt, n’ayant pas la force d’accrocher les hamacs pour la nuit.

Nuit en pleine jungle

Le 19 novembre 2009

La nuit fut plutôt agitée dans tous les sens du terme. Une grosse tempête a éclaté vers 2h du matin, avec des vents si violents que nos pauvres hamacs étaient ballotés en tous sens. Je me réveille en sursaut au grondement du tonnerre qui éclate juste au dessus de nos têtes, de multiples éclairs zèbrent le ciel et illuminent les alentours comme en plein jour! A moitié endormie, je protège mes vêtements, laissés à même sur une chaise, d’une rafale de vent trop violente risquant de les emporter dans l’eau. Tout le monde est sur le pied de guerre, descendant les plastiques pour qu’on ne soit pas mouillés par la pluie. Le capitaine est obligé de déplacer le bateau qui n’est pas amarré à une bonne place par rapport à la tempête, des vagues de 3 mètres risquent de nous jeter sur la rive. Bien à l’abri dans mon hamac, je me contente d’écouter la tempête qui déferle sur nous avec un mélange de fascination et de peur, laissant l’équipage se démener pour nous sortir de là. Ils finissent par amarrer le bateau dans un coin protégé puis tout le monde retourne se coucher, essayant de trouver le sommeil malgré la colère du ciel. J’y réussis curieusement facilement et ne me réveille qu’au petit matin sous un temps très calme et ensoleillé. Les tempêtes viennent et repartent à vitesse éclair ici…

Nous échangeons nos impressions chacun au petit déjeuner sur cette nuit déchaînée. Notre guide nous apprend qu’il a rarement assisté à pareille tempête et que ça aurait pu être dangereux pour le bateau. Moi, dans mon inconscience du danger, j’ai adoré et suis contente d’avoir vécu l’expérience!

Nous nous apprêtons à partir en canot, le couple suisse, le guide et moi, lorsque je vois Max arriver en bateau au loin! Le guide me demande si je veux rester pour l’accueillir, et je lui rétorque, fâchée, que non, je préfère visiter le village en leur compagnie. Max monte sur le bateau tandis que je m’éloigne avec les autres vers la terre ferme, tellement contrariée que j’en oublie de prendre mes chaussures! Nous arrivons devant une petite maison de bois sur pilotis où les habitants sont spécialistes de la fabrication du tapioca qu’ils nous feront goûter après nous en avoir expliqué la fabrication. Je ne profite qu’à moitié de la visite, ne pensant qu’à l’attitude à adopter envers Max, afin de lui faire comprendre ma déception. J’achète un couteau afin de l’offrir à un ami et toute la troupe est persuadée que je veux éventrer Max avec! Je ne suis tout de même pas si violente…

Nous revenons ensuite au bateau et je me réfugie sur le pont après lui avoir à peine dit bonjour. Il m’y retrouve et commence par s’excuser platement de ne pas m’avoir rejointe plus tôt, m’expliquant alors qu’il a fait la route en voiture hier sur les conseils d’un de ses amis mais est resté coincé derrière une grille d’une nouvelle propriété privée dont il n’avait pas la clef. Il a cherché le propriétaire du terrain clos dans chaque village, s’énervant de plus en plus, étant si près de là où je me trouvais mais étant bloqué par cette satanée barrière. Il a appris alors que le propriétaire était à Manaus et il n’a eu d’autre choix que de faire marche arrière. Il est rentré à minuit chez lui, contrarié et épuisé. Apparemment, il a chargé un de ses amis qu’il a réussi à avoir au téléphone et qui se trouvait dans le même coin que nous de me prévenir de ses mésaventures mais je n’ai vu personne… Je ne sais pas si je dois croire à tout ça, mais dans le doute, je choisis de lui faire confiance. Et ma mauvaise humeur finit de s’envoler entièrement lorsqu’il se met à pleurer, croyant m’avoir perdue. Je ne peux pas résister à un homme qui pleure, ça me fait fondre! Je décide de passer l’éponge sur tout ça afin de profiter avec lui des jours qui nous restent. Ce serait dommage de les gâcher à cause de cette histoire!

Nous nous allongeons sur la poupe du bateau, nous délectant des paysages toujours changeants, des belles plages de sable blanc, des majestueuses îles recouvertes de jungle et des dauphins jouant dans les vagues. Soudain, nous entendons le tonnerre qui éclate partout autour de nous, un gros grain se prépare de nouveau. En effet, la pluie se met à marteler le bateau de toutes ses forces en un véritable déluge.. Max me regarde, une lueur de malice dans les yeux, puis me propose d’aller enfiler mon maillot de bain. Il m’emmène me promener en barque. Sous cette pluie? Oui, justement, sous ce déluge… j’enfile joyeusement mon maillot puis nous sautons dans un petit canot qu’il dirige avec efficacité au moyen d’une seule rame au milieu de la rivière. A peine dehors, je suis déjà trempée jusqu’aux os comme si on m’avait jeté une bassine d’eau tiède d’un seul coup mais cette douche improvisée est des plus délicieuses. Je crie de joie dans mon petit canot en recevant ces trombes d’eau sur la tête, me délectant de notre folie de nous retrouver ici au milieu de la rivière amazonienne, en maillot de bain dans une barque qu’il faut écoper de temps en temps vu qu’elle se remplit d’eau dangereusement à cause de la pluie. Je suis aux anges! Nous sautons ensuite dans l’eau, la pluie se calmant par la même occasion. Nous revenons ensuite au bateau, enchantés de notre sortie improvisée!

Après un copieux déjeuner (ce n’est pas ici que je risque de maigrir, moi) et une sieste réparatrice, nous préparons nos affaires afin de passer la nuit dans la jungle! Nous n’emmenons que l’essentiel, le plus important étant le hamac, la machette et de l’eau. Avec ça, on peut s’en sortir dans la jungle. L’eau n’est même pas obligatoire, on peut trouver des lianes gorgées d’eau buvable un peu partout. C’est la beauté de la jungle lorsqu’on la connaît et la respecte, elle nous donne tout ce dont on a besoin: de la nourriture, de l’eau et une protection naturelle contre les intempéries.

Nous voilà donc partis, le couple suisse, son guide, Max et moi à travers la jungle, des chaussures couvertes aux pieds afin d’être protégés des éventuels insectes rampants dangereux et nos sacs sur le dos. Notre guide emporte en plus de la nourriture pour ce soir, on ne va pas avoir trop le temps de chasser cet après-midi. Après une heure de marche dans la jungle, bien différente de celle se situant autour du Dolphin Lodge de par sa végétation et son silence plutôt étonnant dû à un moins grand nombre d’animaux vivant ici, le sol étant trop acide, nous arrivons à une jolie clairière où quelques abris en bois ont été montés pour abriter les hamacs en cas de pluie. En bas de cette clairière ouvrant sur la canopée, un joli petit ruisseau tombe en cascade de deux mètres de haut, mettant ainsi à notre disposition une douche d’eau de source fraîche et claire. Après notre promenade en forêt avec 90% d’humidité, autant dire que nous sommes tous trempés de sueur, nous sautons sous cette cascade rafraîchissante, buvant l’eau claire à grandes lampées, elle est paraît-il tout à fait potable, et jouant comme des fous dans cette source naturelle.

Bien rafraîchie grâce aux bienfaits de la forêt elle-même, je prends un peu de temps pour admirer les environs. La petite rivière, d’une couleur verte à cause des rochers mousseux qui la tapissent, continue à s’écouler à travers l’épaisse jungle jusqu’à rejoindre le Rio Negro, je suppose. Max et moi suivons sa piste quelque temps, les pieds dans l’eau, appréciant cette quiétude et la majesté des lieux que nous offre la jungle, juste pour nous deux. Assis sur une branche, nous contemplons la splendeur de cet habitat naturel, émus par tant de beauté. La jungle semble encore une fois nous avaler tout entiers dans son grand manteau vert, nous considérant certainement comme des vers de terre au vu de sa magnificence. Nous avons devant nous un bel exemple de la grandeur de la nature lorsque les hommes la laissent tranquille.

Nous rebroussons ensuite chemin pour retrouver nos amis avant que le soleil ne se couche. Nous installons nos hamacs entre deux arbres un peu éloignés de ceux des autres, histoire que chaque couple ait son intimité, puis nous plongeons dedans pour une petite sieste avant le souper. Contrairement aux autres qui ont accroché leur lit suspendu sous un abri, je préfère être vraiment en pleine forêt pour pouvoir admirer les étoiles à travers les feuillages. Espérons juste qu’il ne pleuve pas cette nuit! Sinon, nous déménagerons de place, c’est l’avantage des hamacs, ça se transporte et s’installe facilement.

Antonio, le propriétaire des lieux et ami de Max, nous fait griller des brochettes de poulet sur le feu de bois, ça sent délicieusement bon! Nous passons à table, de grandes feuilles nous servant d’assiettes, et de larges tiges de spatules pour le riz. Le poulet se dévore avec les mains, c’est bien meilleur ainsi! J’adore ce goût de grillé à même le feu, la peau croquante et dorée se mange aussi facilement que le reste du volatile. Je me régale alors que je n’avais pas faim avant de passer à table. Je mange trop depuis que je suis au Brésil! Mais c’est tellement bon que je ne réussis pas à résister. On verra l’étendue des dégâts sur ma balance à mon retour sur Montréal! Je vais avoir l’air malin si je ne rentre pas dans tous les nouveaux habits que je me suis achetés en France… Enfin, on verra!

Après ce délicieux souper, nous nous éclipsons, Max et moi, discrètement, afin de nous retrouver un peu seuls près de la rivière dans cette nuit noire qui a envahi la forêt à présent pour mon plus grand plaisir. Il sort comme par magie une bouteille de Champagne qu’il a ramenée de Manaus, que nous dégustons tout en conversant sur nos manières d’aborder la vie, par rapport au travail, à la famille, aux amis, aux loisirs, etc… Tout en nous arrêtant de parler de temps en temps afin de juste profiter des bruits de la jungle et des bruissements de la petite rivière.

Max veut ensuite me faire profiter des étoiles dans un endroit plus dégagé, avec moins d’arbres qui nous bouchent la vue. Nous partons donc à travers la jungle avec de petites lampes torches comme seul éclairage. J’avoue ne pas être à 100% rassurée… Même si j’ai une confiance aveugle en Max, il ne peut pas anticiper le fait que l’un de nous pose malencontreusement un pied sur un serpent ou une main sur une mygale… Nous n’y voyons rien, et c’est la nuit que ces charmantes bestioles se réveillent. D’autant plus qu’on se trouve, paraît-il, dans un endroit de l’Amazonie où les serpents sont les plus venimeux… Génial! Je suis Max de près, marchant dans ses pas et prenant garde de ne toucher aucune branche avec mes mains, ne voyant pas ce qui pourrait se trouver dessus, même si c’est quasiment mission impossible. Je réussis même à m’entailler le bras avec une feuille coupante! Max déniche un trou dans la canopée où nous pouvons en effet avoir une meilleure vue sur le ciel. Il étend des couvertures sur le sol afin qu’on s’y allonge pour admirer à loisir la voûte céleste. Mais en ce qui me concerne, ça ne me convient pas du tout. Je sais qu’il est dangereux de s’allonger par terre dans la jungle en pleine nuit à cause de tous les insectes et animaux rampants ou non qui se feraient un plaisir de venir nous dire bonjour si nous nous trouvions sur leur chemin. C’est pour cette raison que nous dormons dans des hamacs… Je pense que Max cherche tellement à m’épater et à me faire plaisir qu’il prend des risques inutiles cette fois-ci. Je lui fais part de mon inquiétude en lui disant que je souhaite rentrer. Il comprend tout à fait, se disant peut-être à lui-même que c’est plus prudent ainsi, et nous rebroussons chemin jusqu’à nos hamacs dans lesquels nous plongeons, enfouis dans des couvertures. La nuit, dans la jungle, il ne fait pas chaud! Je reste quelque temps à admirer les étoiles qu’on aperçoit aussi bien d’ici au final, me sentant plus en sécurité dans mon cocon suspendu entre deux arbres, puis Morphée vient me chercher pour que je m’envole avec lui au son des animaux nocturnes sortant de leur cachette.

En attente de Max…

Le 18 novembre 2009

Réveillés à 5h du matin par notre guide, nous pouvons admirer le magnifique lever de soleil qui enflamme le ciel. Superbe ! Nous sautons dans un canot, à moitié endormis encore, pour une promenade matinale sur le Rio Negro.

Nous admirons nombre d’oiseaux plus beaux les uns que les autres mais notre guide aura beau chercher des paresseux cachés dans les arbres, nous n’en verrons point cette fois-ci. Nous revenons ensuite dévorer le petit déjeuner sur le bateau, fait de délicieux fruits frais ainsi que de tapioca. Le couple suisse repart pour un trek dans la jungle avec leur guide, je préfère rester sur le bateau pour attendre Max qui devrait arriver dans la matinée. J’ai un peu de lessive à faire et j’ai envie de rester tranquille dans le hamac à profiter des environs. Et sincèrement, la promenade en forêt pour touristes où on finit tous avec des couronnes d’herbes dans les cheveux, j’ai déjà donné ! Par contre, j’aimerais partir plusieurs jours dans la jungle, dormir entre deux arbres dans un hamac, manger ce que l’on pêche ou chasse. J’en ai parlé à Max l’autre jour et il a été surpris de ma demande. Il pensait que je préférais avoir du confort et être traitée comme une princesse, comme la plupart des Brésiliennes en rêvent. Ce n’est pas mon cas… Je veux de l’aventure, de l’inconfort, de la nature brute et sauvage ! Il a alors pris conscience qu’il ne m’avait jamais demandé ce que je souhaitais ni ce que je voulais faire avec lui durant mon voyage ici… Et moi, me sentant déjà privilégiée d’être invitée chez lui, je n’ai jamais osé lui en parler non plus, étant persuadée qu’il ne pouvait pas de toute façon se trouver sans moyen de communication avec l’extérieur durant plusieurs jours, ne pouvant ainsi pas travailler. Comme quoi, rien de vaut une bonne discussion pour remettre les pendules à l’heure !

Je flâne donc sur le bateau, profitant avec joie de la quiétude des alentours. Je suis heureuse d’être un peu tranquille, seule sur le bateau, ça me fait du bien. Les Suisses reviennent avec leur guide de leur promenade en forêt puis nous nous rendons tous ensemble à la même petite maison flottante où je m’étais rendue en février dernier pour nager avec les dauphins. L’ayant déjà fait quelques mois plus tôt, je laisse mes amis suisses en profiter en amoureux, me contentant d’admirer les dauphins roses sauter hors de l’eau pour attraper les poissons que leur lance le même jeune homme que la dernière fois. De plus, une sorte d’intuition me suggère de ne pas les accompagner dans l’eau et j’ai appris depuis quelque temps à suivre mes intuitions. Alors que tout le monde batifole joyeusement dans l’eau, la jeune fille pousse un hurlement de douleur. Elle crie qu’elle vient d’être mordue par un dauphin ! On la fait sortir de l’eau et, en effet, elle a un doigt de pied en sang, un bon bout de chair manquant à l’appel. Voyant ça, les locaux courent sortir leur pharmacie et nous expliquent qu’il ne s’agit pas d’une morsure de dauphins, inoffensifs pour l’homme, mais de piranha ! Ils sont vraiment étonnés, c’est la première fois qu’un piranha attaque quelqu’un, comme ça, sous l’eau. Le faible niveau de l’eau et les appâts de poissons servant à attirer les dauphins doivent être la cause de leur attaque. Et il s’agit heureusement d’un petit piranha cette fois-ci ! Avec un gros, elle aurait perdu un doigt de pied… Sympathique ! Sa blessure pansée, nous repartons avec des colliers de perles en compensation. Je cois avoir bien fait de suivre mon 6ème sens !

Nous déjeunons sur le bateau en riant des mésaventures de la jeune fille. Max n’est toujours pas arrivé, soit dit en passant. Heureusement qu’il devait me rejoindre dans la matinée… Ca ne me surprend même pas à vrai dire. Alors que nous déjeunons tranquillement sur le bateau, on aperçoit sur l’autre rive un cochon sauvage qui court dans tous les sens, suivi par des hommes, le fusil à la main, qui essayent de l’attraper ! Une course poursuite dont je connais d’avance l’issue fatale a lieu sous nos yeux ! Le cochon sauvage pénètre dans la forêt puis un coup de fusil retentit… Je suppose que c’en est fini de lui. Nous sautons dans la barque pour aller voir de plus près ce qui se trame. La dame qui s’occupe de donner à manger aux dauphins nous montre discrètement le cochon qu’elle a tué d’une balle dans le cou. Elle nous demande d’être discrets, elle n’a pas envie que tous les alentours rappliquent pour demander une part du butin. Dis donc, il y a de l’action ce matin : une fringale de piranha, une chasse au cochon sauvage… Que nous réserve la suite ?

Après une bonne sieste réparatrice dans les hamacs en compagnie de mouches harcelantes, nous partons en canot, le guide et moi, pagayant comme des forcenés pour trouver un bon spot de pêche. Nous lançons nos cannes de bambou où pend un bout de bœuf sanguinolent puis patientons. Le guide et le couple de Suisses attraperont toutes sortes de piranhas: des blancs, des noirs, des rouges (les plus agressifs), mais étrangement rien ne mord à mon hameçon… Je rentrerai bredouille alors que notre bateau compte 7 piranhas à son bord ! Un comble…. Mais peu importe, je me délecte de la nature environnante et du magnifique coucher de soleil flamboyant dans le ciel.

De retour au bateau, je m’aperçois que Max n’est toujours pas là et j’ai du mal à cacher ma déception et mon énervement à mes nouveaux amis qui me comprennent à 100%. Le pire, c’est d’attendre en vain quelqu’un qui n’arrive jamais ! Je regarde chaque bateau depuis ce matin, pensant que c’est lui qui arrive. Je ne comprends pas ce qui se passe. On avait parlé et il avait promis qu’il me ferait découvrir plein de choses lors de cette croisière, et qu’on serait tous les deux tranquilles. Résultat, je me retrouve seule avec un couple et le guide qui commence à vouloir se rapprocher de moi un peu trop à mon goût. Super !!! Je noie ma déception à coups de capirinhas en refaisant le monde avec mes amis suisses. J’ai de la chance de voyager avec eux, ils sont très gentils et prévenants avec moi. Je ne pensais vraiment pas faire cette croisière seule, surtout que je l’ai déjà faite il y a quelques mois seulement ! Je pensais que Max m’emmènerait dans des endroits différents, qu’on découvrirait d’autres coins à deux… Et même si cette promenade en bateau reste très plaisante, ce n’est pas du tout ce que j’imaginais. Max va avoir droit à un savon si je le revois un jour…

En tout cas, la soirée passe agréablement en compagnie de mes nouveaux amis, tout en dégustant un énorme poisson délicieux. Nos piranhas seront mangés demain en guise de soupe ! Un regard à la voûte étoilée puis tout le monde au hamac ! On s’est réveillé tôt ce matin… Bonne nuit !

Croisière sur l’Amazonie

Le 17 novembre 2009

Je me réveille un peu fatiguée encore ce matin et passablement de mauvaise humeur. Nous partons rapidement petit-déjeuner, le bateau part à 8h30 du port.

Max part chercher les deux touristes suisses qui vont faire la traversée de 4 jours avec nous à leur hôtel. Lorsqu’il leur apprend que je ferai aussi partie du voyage, ils s’exclament un peu contrariés qu’on leur avait promis un bateau pour eux seuls. Et voilà que ça recommence… Me sentant toujours de trop dans ces histoires, je leur explique que je serai avec Max et qu’ils auront leur propre guide privé, et je finis dans un sourire en leur promettant d’être transparente pour eux. Ca aura le mérite de les faire rire, ils se détendent un peu. Je ne comprends pas pourquoi Max ne met pas ça au clair avec les clients avant plutôt que de les placer devant le fait accompli au moment du départ. Je me sens à chaque fois mal à l’aise et malvenue comme celle qui s’impose alors que ce n’est vraiment pas mon style. C’est Max qui a décidé de notre planning, je n’ai rien exigé! Si la croisière n’avait pas été possible pour moi, ça n’aurait pas été bien grave, on aurait fait autre chose à la place!

Bref, les tensions semblent être oubliées et nous partons, le jeune couple suisse et moi, avec leur guide, visiter le marché aux poissons que je connais par cœur pour l’avoir vu hier avec José, tandis que Max apporte les hamacs au bateau. Nous nous rendons ensuite au port où une embarcation de bois, plus petite que celle sur laquelle j’avais navigué en février dernier durant 4 jours également, n’attend plus que nous pour appareiller. Je vois avec surprise un autre couple de touristes monter sur le bateau. Quand il y a de la place pour 2, il y en a pour 6! Prétextant le manque de bateaux à cause du faible niveau de l’eau, Max bredouille une excuse que personne n’avale. Je me contente d’assister à la scène, ne me permettant aucun commentaire, étant ici à titre d’invitée. Max m’embrasse furtivement alors que le bateau lance ses machines, m’apprenant par la même occasion qu’il ne me rejoindra pas ce soir mais demain matin. Ben voyons donc! C’est bien de l’apprendre 5 secondes avant qu’il ne doive sauter du pont, alors qu’on a été ensemble tout ce début de matinée! Je n’ai même pas le temps de dire quoi que ce soit, le bateau s’éloigne et il reste sur le quai, partant déjà avec son associé dans l’autre direction en me tournant le dos. Je sais qu’il ne le fait pas sciemment, qu’il est tellement pris par son travail que ça lui prend toutes ses pensées et son énergie, et je ne le prends absolument pas personnellement. De plus, je pense qu’il prend un peu de recul par rapport à moi au vu de ce que je lui ai dit la dernière fois, de mes incertitudes et doutes à notre sujet, et je ne pourrais vraiment pas lui en vouloir.

Installés sur le pont, nous admirons l’incroyable démarcation entre le Rio Negro d’un bleu profond et l’Amazone d’un gris terreux. L’acidité, la vitesse et la température de ces 2 fleuves sont autant de raisons qui expliquent leur impossibilité de se mélanger et tracent une ligne zigzaguant au milieu de l’estuaire comme un mur sous-marin invisible.

Nous accrochons ensuite les hamacs sur le pont, je m’écroule dans le mien, assommée par ma petite nuit et la capirihna offerte à notre arrivée; je sombre aussitôt et rate toute la sortie de Manaus, ce qui n’est pas une grande perte, les immeubles, grues et ponts en construction ne me passionnant guère. Plus reposée, je me sens en meilleure forme et de meilleure humeur surtout, bien décidée à profiter de cette croisière avec ou sans Max. Le guide me prend sous son aile, sûrement parce que je suis la seule non accompagnée, et nous discutons tous les deux alors que le bateau fend l’eau à plein gaz, le moteur faisant d’ailleurs un boucan d’enfer. Il me propose même de prendre la place du capitaine pour conduire le bateau. Décidément, je passe mon temps aux commandes d’un navire depuis que je suis en Amazonie. Je ne me le fais pas dire deux fois et je prends la barre en main, dirigeant le bateau à grands coups de roulement de gouvernail. Youhou… Ma joie d’enfant amuse tout le monde et ils en redemandent! Je me suis fait des amis dans l’équipage brésilien! Pourquoi est-ce que je m’entends toujours mieux avec les locaux qu’avec les touristes?

Nous déjeunons tous ensemble sur le pont inférieur mais le bruit des moteurs est tel qu’il nous est impossible de parler! Je m’installe ensuite sur la poupe du bateau, cheveux au vent, admirant les îles, les plages, la forêt et les vagues que notre bateau crée en avançant inexorablement dans le large canal du Rio Negro alors que le soleil décline doucement au loin. Le bateau s’arrête au bord d’une superbe plage de sable fin déserte, nous appartenant entièrement. La saison sèche est mieux pour les plages qui sont recouvertes d’eau en saison humide. Je saute dans cette eau tiède avec un plaisir infini, sentant le sable me chatouiller les pieds. Le ciel s’illumine d’un superbe coucher de soleil que les éclairs de chaleur embellissent tout en rendant l’atmosphère mystérieuse à nouveau. Je reste un peu seule sur cette immense plage, désirant me reconnecter avec la nature, ça me fait tellement de bien à chaque fois. A nouveau, elle me fait cadeau de son énergie, ce qui finit par me remettre d’aplomb instantanément, moralement parlant.

Un canot vient chercher l’un des couples qui part dans la forêt avec son guide. Je reste donc avec les deux Suisses sur le bateau. La nuit étend son long manteau tandis que nous reprenons la navigation à travers ces îles. Nous jetons l’ancre un peu plus loin puis, allongés sur les transats du pont supérieur, nous admirons les étoiles, l’un des plus beaux spectacles naturels qui soient. Les Suisses et moi discutons voyages en attendant que le repas soit servi.

Après souper, le guide nous emmène pour une virée nocturne en canot à la recherche des caïmans. Nous naviguons dans ces eaux noires, promenant la torche sur la rive afin de détecter les deux yeux rouges fluorescents. Ca y est, il en a trouvé un! Notre guide amarre le canot sur la rive et court après le bébé caïman pour essayer de l’attraper. Il réussit son coup et remonte sur le bateau nous le montrer. Nous aurons même la possibilité de le prendre nous-mêmes dans nos mains en faisant attention à bien tenir sa gueule pour qu’il ne nous morde pas. Sa peau, rugueuse et douce à la fois, est très étrange au toucher, un peu comme un serpent.

Alors que notre bateau est toujours amarré sur la rive, un poisson suicidaire saute tout seul à l’intérieur de notre barque, s’agitant frénétiquement au fond du bateau. Ca alors! On n’a même pas besoin de pêcher ici, il suffit de passer en canot et les poissons sautent tout seuls dedans! Il s’agit d’une grosse sardine, délicieuse à manger, paraît-il. Nous essayons de la donner au caïman en la lui mettant dans la gueule mais il est visiblement trop effrayé pour penser à manger. Nous le relâchons dans l’eau et gardons le poisson qui est déjà mort de toute façon.

Nous revenons au bateau, fascinés par les bruits nocturnes divers, surtout aquatiques. Il semble y avoir une belle population, grouillant sous l’eau. Nous entendons sans arrêt des éclaboussures et des plongeons plus ou moins proches. Ne pouvant distinguer s’il s’agit d’un poisson, caïman ou serpent, nous ne pouvons qu’imaginer, ce qui rend l’atmosphère d’autant plus fantasmagorique. Je plonge dans mon hamac, savourant la douce brise qui me berce tout en admirant les étoiles veillant sur moi, et m’endors aussitôt.

Petit tour guidé dans Manaus

Le 16 novembre 2009

Je me réveille en ayant peu dormi cette nuit, je ne sais pour quelle raison. Je dormais mieux dans la jungle, la ville ne me réussit pas.

Nous prenons un bon petit déjeuner, Max et moi, dans une boulangerie locale où fruits et gâteaux de toute sorte proposés à profusion réveillent nos papilles gustatives par leur étalage de couleurs et leurs senteurs exotiques. Nous retournons ensuite chez Max, il doit travailler toute la journée. J’en profite pour regarder mes mails ainsi que mes photos.

Après un déjeuner éclair dans une petite cantine locale où la viande est disponible à profusion, à faire fuir le végétarien le plus tolérant, Max me conduit en ville où il me laisse en compagnie de José, le guide francophone que j’ai rencontré au Dolphin Lodge. Ne souhaitant pas que je m’ennuie durant son temps de travail, il m’a trouvé une occupation pour l’après-midi: crapahuter dans Manaus avec un guide privé parlant français de surcroît. Je suis ravie et en même temps mal à l’aise d’être traitée comme une princesse que l’on ne doit pas laisser seule de peur qu’elle ne s’ennuie, allant même jusqu’à engager du personnel qu’il paie pour me tenir compagnie. J’avoue ne pas être habituée à ça. Et cette attention me touche tout en m’exaspérant à la fois. Je suis quand même capable de me débrouiller seule! Même si j’avoue que c’est plus agréable de se faire balader dans une ville étrangère par un habitant de la région…

Je retrouve donc José que je suis contente de revoir, je l’apprécie ce vieil Indien un peu édenté; Max m’abandonne en sa compagnie et José me fait visiter toute la ville en commençant par le bel opéra du centre dont les matériaux viennent des 4 coins d’Europe, poursuivant avec la cathédrale, les marchés de poissons et de fruits à l’odeur forte et aux couleurs variées. Nous buvons un coup au port, admirant les bateaux-bus au départ pour Belém ou Santarem, d’autres villes situées sur la côte et accessibles uniquement par voie maritime ou aérienne, les routes étant inexistantes à travers la forêt. Je teste également une soupe régionale faite d’algues, de gélatine et de crevettes non décortiquées au goût atroce alors que les locaux ont l’air pourtant de l’apprécier. José me raconte l’histoire de la ville et son invasion portugaise, mais j’avoue être bien plus intéressée par son histoire personnelle qu’il me confie de bon cœur. Il est né dans un village amazonien dans la forêt et son père est mort alors qu’il avait 3 ans. Sa mère l’a abandonné durant un moment, essayant elle-même de trouver du travail ailleurs. Il a été recueilli par une population d’Indiens qui l’a emmené dans la jungle profonde et lui a appris à pêcher au harpon, chasser à l’arc, grimper dans les arbres. Quand il a eu 8 ans, sa mère est revenue le chercher pour l’emmener avec elle à Cayenne en Guyane, où il a appris le français. C’est ainsi qu’il a mis le pied pour la première fois dans une grande ville. Il habite Manaus à présent mais ne se sent revivre qu’au milieu de la jungle, son véritable foyer.

Après cette longue marche à travers la ville, nous nous décidons à rentrer, il se fait tard. Max va venir nous chercher en dehors de la ville, nous devons prendre un bus pour aller le retrouver. Le trafic est absolument bouché à cette heure de fin de bureau et nous mettons plus d’une heure pour effectuer les quelques kilomètres nous séparant du point de rendez-vous. C’est pire que Paris ici! Il faut dire qu’ils n’ont aucun métro et leur système de bus a l’air aléatoire… Du coup, tout le monde se déplace en voiture! Nous finissons par retrouver Max puis reconduisons José chez lui. J’ai beaucoup aimé notre petit tour de cet après-midi et ça fait un bien fou de parler français!

Nous passons ensuite à l’aéroport vu que je souhaite avancer mon retour de quelques jours histoire d’avoir plus de temps à Montréal pour me reposer avant de recommencer à travailler le 1er décembre, date qui m’a été confirmée par mes clients! Youhou… Mais personne à l’aéroport n’est capable de m’aider à ce sujet. Je le ferai donc moi-même par Internet. Nous allons dîner dans un charmant restaurant d’un succulent morceau de viande tendre à souhait puis Max me laisse chez lui tandis qu’il doit descendre en ville s’occuper de je ne sais quelle affaire encore une fois. Il ne s’arrête donc jamais? Je ne me sens pas le droit de lui faire la moindre remarque, mais je trouve qu’il accorde bien trop d’importance à son travail et pas assez à ses proches. De mon point de vue, il oublie un peu de vivre! Je ne suis là que pour peu de jours et malgré le temps qu’on passe ensemble il n’est jamais -ou rarement- totalement présent avec moi. Le téléphone sonne sans cesse, il doit gérer de multiples choses en même temps, il est tellement pris dans ses pensées qu’il m’écoute à peine quelquefois… Ce n’est pas ma vision du couple.

Je profite de l’absence de Max pour gérer mes histoires de changement d’avion par Internet mais je m’aperçois avec stupéfaction que Delta Airline n’effectue plus que 2 vols par semaine au départ de Manaus, le samedi et le dimanche. C’est nouveau ça, l’avion partait tous les soirs auparavant. Bon, ça ne m’arrange pas du tout cette histoire. Soit je laisse mes billets d’avion tels quels mais j’arrive la veille de ma reprise au travail, soit j’avance mon vol carrément d’une semaine! Ce qui, somme toute, me laisserait du temps à Montréal pour vaquer à mes occupations… Je dois y réfléchir. Demain, nous partons en bateau pour une virée de 4 jours, je verrai à mon retour.

Vers 23h, lassée d’attendre le retour de Max, je pars me coucher, éreintée. Alors que j’étais déjà partie dans le royaume des songes, Max me réveille, un énorme bouquet de roses rouges à la main. Perplexe, je balbutie un remerciement à moitié endormie. M’offrir des fleurs à minuit alors que je pars le lendemain à l’aube pour une croisière de 4 jours manque un peu de logique pour moi. Je n’ai même pas le temps d’en profiter, ne serait-ce que quelques minutes. Son attention me touche mais encore une fois m’exaspère un peu. J’aurais largement préféré qu’il rentre plus tôt sans fleurs! J’ai l’impression qu’il compense le temps où il n’est pas là par des cadeaux mais il est tombé sur la mauvaise personne pour ça. Jamais aucun présent ne vaudra la compagnie d’un être cher pour moi! D’autant plus que je ne le vois pas demain non plus, il me laisse seule aller sur le bateau, ne me rejoignant que le soir. Le travail avant tout!

J’essaie de retrouver le sommeil mais un satané moustique a décidé de me pourrir ma nuit. Je n’en ai eu aucun au milieu de la jungle et c’est ici, à Manaus, qu’il va me rendre folle à force de me vrombir dans les oreilles! Je me réfugie sous les draps, préférant encore avoir trop chaud que de supporter ce bruit infernal.

Dur retour à la civilisation

Le 15 novembre 2009

Je me réveille assez tard ce matin, juste à temps pour profiter de la fin du petit déjeuner. Les clients s’en vont en excursion ou rentrent à Manaus selon les cas, nous restons Max et moi, à paresser dans les hamacs. Il décide ensuite de m’emmener sur son lac préféré, sa piscine comme il aime l’appeler, afin de prendre un bain. Il en a de la chance d’avoir une piscine naturelle privée pour lui tout seul de cette taille ! Nous entendons le tonnerre gronder au loin, l’orage ne va pas tarder à nous surprendre. Nous rentrons sous la pluie chaude typiquement tropicale alors que je conduis le canot à moteur sans volant cette fois, juste avec la barre de navigation. Et encore une fois, j’adore ça !

Revenus au lodge, nous admirons l’énorme poisson que l’équipe de Max est en train de faire griller sur le barbecue avec des ananas. Le dîner promet d’être délicieux ! Et, en effet, il est succulent… Nous empaquetons ensuite nos affaires, il est temps de quitter le Dolphin Lodge pour de nouvelles aventures. Je n’oublie pas le hamac que Max m’a offert puis nous filons sur la rivière, laissant mon petit coin de paradis derrière moi, je ne suis pas sûre de le revoir un jour…

Le retour sur Manaus se passe sans encombre malgré la pluie qui s’abat sur nos têtes. La saison humide commence apparemment ! Après le bateau à moteur, nous grimpons dans une camionnette durant une bonne heure au son de la musique brésilienne entraînante puis nous sautons dans un petit bateau rapide de nouveau afin de traverser l’Amazone puis le Rio Negro où Daniel nous attend avec la voiture de Max. C’est une expédition de revenir à la civilisation ! Nous passons chez Max pour reprendre contact avec le monde via Internet puis nous repartons en ville pour nous abrutir devant un film au cinéma. Nous choisissons une comédie à l’eau de rose, facile à comprendre et en version originale donc parfait pour moi.

Toutefois, je me sens perturbée encore une fois depuis mon retour à Manaus. La jungle dissipait aisément tous les doutes et questionnements divers mais, là, se reconnecter avec la réalité est un peu plus dur pour moi. Ce même sentiment de ne pas être à ma place aux côtés de Max refait surface, de façon plus virulente cette fois. Je suis à deux doigts de prendre un avion ce soir pour rentrer à Montréal. Je me calme pourtant et prends la meilleure décision dans ces cas-là : communiquer avec la personne concernée. Lors du souper, j’exprime à Max mes incertitudes à notre sujet et lui explique mon impression de profiter de tout ce qu’il m’offre sans vraiment le mériter. Il m’écoute, attristé par mes aveux mais compréhensif. Nous discutons pour la première fois de ce que nous pensons réellement de notre couple. Il semble plus attaché que moi avoue ne se faire aucune illusion sur la suite des événements en ce qui nous concerne. Il prend les moments que nous passons ensemble comme ils viennent et vit seulement le moment présent avec moi sans se faire d’idée outre mesure. Notre discussion me rassure et c’est plus sereine que je pars me coucher, exténuée par la journée.

Future guide de l’Amazonie?

Le 14 novembre 2009

Réveillés par les lueurs du jour entrant à flots dans notre hutte, nous nous apercevons que la tempête s’est calmée et que les animaux de la forêt ont recommencé à nous offrir leur plus belle mélodie. Max me prépare un chocolat chaud que nous dégustons avec quelques biscuits dehors sur un petit banc. Je sens l’odeur fraîche et humide de la forêt gorgée d’eau qui semble satisfaite d’avoir pu boire un peu cette nuit.

Nous rangeons ensuite nos affaires, remettons les choses en état puis reprenons le chemin du retour vers Dolphin Lodge sous un temps gris mais pas orageux. Les touristes étant partis en excursion, je profite de la quiétude de l’endroit encore une fois. Deux matrones allemandes à l’embonpoint remarquable et à la mine renfrognée débarquent au lodge en tant que touristes. Elles viennent d’une grosse agence d’Allemagne donc constituent des clientes importantes pour Max. Elles se plaignent de n’avoir pas de chambres immédiatement, la leur vient juste d’être libérée et doit encore être nettoyée. Bref, elles n’ont pas l’air commode. Max m’explique qu’il ne peut pas se permettre de perdre ces clientes-là, donc il me propose une virée avec elles en bateau cet après-midi pour leur montrer les alentours. Ca ne me dérange pas, même si je ne comprends pas très bien pourquoi c’est lui qui s’y colle. Il est toujours censé être en vacances avec moi. S’il n’était pas là -comme c’est le cas la majeure partie du temps- comment feraient-ils? Enfin, je ne suis pas là pour juger, ne voyant que le haut de l’iceberg de mon point de vue.

Après la sieste sacrée de l’après-midi dans les hamacs, nous partons, Max et moi, affublés des deux dames allemandes dans un petit bateau à moteur. Je me place devant, Max au fond du bateau, entourant les deux touristes comme pour les protéger d’éventuels problèmes inattendus. La jungle est un environnement hostile, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Je me sens l’âme d’un guide aujourd’hui, et même si je n’y connais pas grand-chose, je fais mon possible pour assister Max, que ce soit pour essayer de dénicher des animaux pour les montrer aux Allemandes ou bien prévenir Max d’éventuels obstacles sur la rivière, vu qu’il est au fond de la barque et n’a pas une vue dégagée pour conduire. Je m’occupe d’enlever les éventuelles branches et vais même jusqu’à pagayer durant une bonne heure à l’unisson avec Max pour qu’elles puissent profiter des sons de la nature sans moteur. Je prends mon rôle très au sérieux et j’adore ça! Qui aurait cru que je me retrouve un jour guide pour touristes au milieu de l’Amazonie? Pas moi, en tout cas… Max est ravi de m’avoir pour assistante et je trouve que nous formons une belle équipe tous les deux.

Je suis d’autant plus heureuse de participer à cette expédition avec des touristes que Max joue son rôle de guide animalier comme il se doit et j’apprends plein de choses sur la faune et la flore de la région. Lorsqu’on est tous les deux, il ne prend pas le temps de m’expliquer toutes ces choses et je le comprends, il est en vacances et souhaite se reposer et non pas passer son temps à jouer les guides professionnels. Je bois chacune de ses paroles, admirant sa connaissance de la jungle et de la rivière. Nous avons la chance d’apercevoir des caïmans, des martins-pêcheurs, aigles blancs, toucans et une multitude d’autres oiseaux exotiques. Max nous conduit dans des canaux sauvages où aucune trace humaine n’est visible sur plusieurs kilomètres. La promenade est fantastique et les deux Allemandes ont l’air de l’apprécier aussi, ce qui représente notre plus belle récompense.

Nous revenons au lodge à la nuit, fatigués mais heureux de notre virée sauvage. Je me vois bien en futur guide de l’Amazonie moi! Même si j’ai encore beaucoup de choses à apprendre. Nous nous relaxons devant une capirinha puis nous dévorons le dîner, l’exercice nous ayant ouvert l’appétit. Comme chaque soir, tout le personnel de Max se retrouve dans les hamacs, un verre de vin rouge à la main alors que les clients sont allés se coucher. Je fais maintenant partie intégrante de l’équipe composée uniquement de Brésiliens. Ils m’ont tous acceptée et je commence même à échanger quelques mots de portugais avec eux, le reste étant fait de sourires et de gentillesse…

Tempête sur l’Amazonie

Le 13 novembre 2009

J’ai vraiment bien dormi cette nuit, ayant récupéré une vraie chambre avec un bon matelas sans bruits de ronflements sonores…

Max dort encore, j’en profite pour m’absorber dans la contemplation des lieux encore une fois, le lodge étant d’un calme olympien après le départ des touristes en excursion. Je prends conscience que je ne m’ennuie jamais au final, moi. Je peux rester des heures seule, spécialement dans des endroits magiques comme celui-ci mais pas seulement, à partir dans mes pensées, méditer, lire ou écrire. Et j’aime ça ! J’en ai même besoin et de plus en plus… En gros, je vis bien avec moi-même et je pense que c’est important. Il y a quelques années de cela, j’avais du mal à rester face à moi-même, tournant rapidement en rond et ayant l’impression que si j’étais seule, c’était que les gens ne m’appréciaient pas. Ce manque flagrant d’assurance m’est passé heureusement et je préfère choisir avec soin mes fréquentations afin de vraiment les apprécier plutôt que d’être avec n’importe qui pour ne pas me sentir seule. Et je me sens bien mieux ainsi !

Max finit par se réveiller et nous partons ensemble en bateau acheter des ananas et quelques vivres pour ce midi. J’ai même le droit de conduire le bateau à moteur encore une fois ! Revenus au lodge, nous passons le temps agréablement en jouant aux dominos tous les deux sous un arbre, la rivière coulant en contrebas. La vie pourrait être nettement plus difficile pour moi !

Vers 15h30, nous partons tous les deux en bateau avec un petit baluchon contenant quelques affaires pour la nuit, vu que visiblement nous ne dormirons pas au lodge ce soir. Comme à mon habitude, je suis sans poser de questions, faisant totalement confiance à Max en ce qui concerne les surprises et le bon déroulement des événements comme toujours. Il me passe à nouveau le volant du bateau et je file dans les méandres des rivières, réussissant même à m’y retrouver un peu, en reconnaissant des maisons flottantes ou bien des bras de fleuves typiques. Encore un mois de plus ici et je nous conduis les yeux fermés n’importe où en Amazonie. Bon, il me faudrait sûrement un peu plus de temps quand même… Surtout qu’avec la saison des pluies, le paysage change complètement, le niveau de l’eau montant d’une quinzaine de mètres partout. Les repères sont donc méconnaissables et il faut se réhabituer à un nouvel environnement, bien différent. Même Max avoue se perdre quelquefois durant la saison humide alors qu’il est natif d’ici…

Après une heure de trajet, nous accostons sur une petite île déserte où se dresse une hutte en bois et ne paille qui ressemble à la salle à manger du Dolphin Lodge en plus petit. Une petite cabane fait également face au fleuve et possède 3 lits à l’intérieur. Le coin est désert et visiblement personne n’y a mis les pieds depuis un moment, le tout ayant l’air d’être un peu laissé à l’abandon. Max m’explique que ce chalet appartient à son neveu mais qu’il ne s’en occupe pas vraiment. C’est dommage, l’endroit a beaucoup de potentiel touristique, ce qui n’échappe évidemment pas à Max. En attendant, ça n’appartient qu’à nous pour cette nuit, nous dormirons ici, seuls au milieu de la forêt ! Ouahh… Encore une belle surprise ! Nous déposons nos affaires puis repartons aussitôt pour aller chercher notre dîner, non pas au supermarché mais dans un grand réservoir naturel : la rivière. Eh oui, si nous voulons manger ce soir, il va falloir mériter notre repas en le pêchant nous-mêmes ! Espérons que nous attraperons quelque chose …

Avant de lancer nos lignes dans l’eau, nous nous arrêtons sur une petite plage de sable dominée par une petite église perdue seule au milieu de la forêt, l’endroit étant toujours désert. Nous plongeons à l’eau, savourant ce bain improvisé et le contact du sable sur nos pieds. Max me met rapidement en garde cependant de ne pas marcher dans l’eau mais d’avancer en raclant le sol avec les pieds afin de faire fuir les éventuelles raies venimeuses ou poissons dangereux cachés dans le sable. Il ne faut jamais oublier que l’Amazonie est un endroit sauvage, Max me rappelle ainsi qu’il ne faut jamais cesser d’être vigilant en tout temps. Il m’explique également qu’il est fortement déconseillé de se soulager dans l’eau, de petits poissons parasites présents dans les rivières peuvent être attirés par le jet et remonter l’urètre pour s’y loger, provoquant d’atroces douleurs. Le seul moyen de les déloger est une opération chirurgicale. OK, j’ai bien saisi la mise en garde !

Après ce bon bain, nous reprenons le bateau pour trouver un bon emplacement où lancer notre ligne. Des bouts de viande accrochés à nos hameçons, nous nous essayons à plusieurs endroits, sans succès pourtant. Soudainement le vent se lève brutalement, ballottant notre petite embarcation en tout sens, de gros nuages noirs recouvrent le ciel pourtant dégagé quelques minutes auparavant et le grondement du tonnerre retentit non loin de là. Le temps est à l’orage, voire même à la tempête, ce qui rend l’atmosphère magique et mystérieuse. J’ai l’impression d’être dans un film ! Le mauvais temps est arrivé sur nous si brusquement, je n’en reviens pas ! Et j’adore ça ! Nous abandonnons tout espoir de pêcher des piranhas, les vents devenant trop violents même si la pluie n’a pas encore éclaté sur nos têtes, ce qui ne saurait tarder. Nous rangeons nos cannes à pêche en bambou et Max essaie de manœuvrer le bateau à travers la tempête qui se lève de plus en plus dangereusement. Un coup de vent fera s’envoler son maillot de bain qu’il faisait sécher sur le banc. Il sera englouti par les eaux quelques minutes plus tard, nous ne cherchons même pas à le récupérer, il est trop tard et Max est déjà assez occupé à essayer de nous sortir de là. Moi, je me contente d’apprécier le spectacle du grondement de la nature semblant manifester sa colère pour une obscure raison connue d’elle seule. Je ne suis nullement inquiète, ce qui me surprend moi-même et je peux donc tout à loisir profiter du déchaînement des éléments autour de nous. Je me sens protégée par cette nature même qui gronde et par Max qui, je le sais, nous ramènera à bon port. En effet, nous revenons sur notre île déserte juste avant la pluie et nous nous réfugions dans la hutte principale à l’abri des éclairs qui illuminent à présent le ciel. Quel incroyable spectacle !

Max ne faisant pas complètement confiance au bungalow surplombant la rivière au niveau de son étanchéité, nous transportons deux matelas dans la grande hutte où nous passerons la nuit à même le sol. L’endroit ne possède pas l’électricité et Max allume des bougies qu’il avait pris soin d’emporter. Je découvre que, comme à son habitude, il a tout prévu et il sort de son sac 2 sandwiches confectionnés au cas où nous serions revenus bredouilles de la pêche, ainsi qu’une bouteille de vin blanc pour parfaire cette soirée déjà inoubliable. A la lueur des chandelles, nous dégustons notre pique-nique en écoutant la tempête faire trembler notre cahute et s’abattre sur nos têtes. Les bruits de la forêt se sont tus et seules sont audibles cette fois-ci les bourrasques de vent s’engouffrant dans les feuillages et la pluie martelant le sol assoiffé, qui semble crier de bonheur à l’absorption de chaque goutte d’eau. Je ressens une belle humilité devant cette éclatante manifestation du pouvoir de la nature, me sentant si petite, terrée au fond de ma tanière à la lueur des bougies, sentant les éléments se déchaîner autour de moi. Je souris malgré moi, me sentant encore une fois en adéquation avec le monde. Nous passons la soirée à discuter, Max et moi, de nos vies passées. Je suis bien contente qu’on puisse se retrouver un peu seuls ici, le Dolphin Lodge étant son business, il est toujours pris à droite et à gauche et nous manquons parfois d’intimité. Là, nous sommes perdus au milieu de la jungle, loin de toute habitation et présence humaine, livrés à nous-mêmes et j’aime ça. Nous nous endormons doucement au son de la pluie qui déferle dehors, le faible bout de bougie restant allumé jusqu’à ce que nous fermions les yeux de fatigue, comme pour s’assurer de notre protection, avant elle-même de succomber aux affres du sommeil…

Le paradis est bien sur Terre…

Le 12 novembre 2009

Je suis réveillée vers 5h du matin par Max qui doit partir pour Manaus. Je me rendors sans mal après son départ, considérant ma nuit comme non finie. Je me réveille ainsi une heure et demie plus tard dans un silence troublant après le boucan des ronfleurs de cette nuit, m’apercevant vite que je suis la seule à dormir, tout le monde étant déjà sur le pied de guerre.

N’ayant plus d’eau pour la douche, les clients viennent me chercher pour que j’essaie de régler leur problème, je me contente de faire passer l’information à mes amis Brésiliens qui sauront bien mieux que moi gérer le problème. Voilà que je deviens l’intendante à présent! Après le petit déjeuner en compagnie de mes amis belges, je pars avec eux pour une promenade dans la jungle environnant le lodge, n’ayant pas encore eu l’occasion de m’enfoncer dans ce poumon vert, ne l’ayant apprécié que de la rivière pour le moment. Et au moins, ce couple de touristes accepte que je l’accompagne, ce qui me fait bien plaisir. Des chaussures fermées aux pieds, un pantalon long, et, le plus important pour moi, un chapeau, afin d’éviter de réitérer mes mésaventures de la dernière fois où un insecte m’a pondu dans le crâne… Nous partons donc tous les trois, un guide brésilien parlant français en tête, nous enfoncer dans ce feuillage impénétrable. Je retrouve avec plaisir cette impression d’être si petite parmi cette immensité d’arbres, de feuilles et de plantes qui m’enveloppent tout entière comme pour me protéger et me ressourcer de façon puissante et magique. Je me laisse entraîner par cette attraction irrésistible, m’abandonnant totalement à Mère Nature.

Notre guide nous présente les arbres fruitiers et plantes médicinales, nous montre des oiseaux, des fourmis géantes et d’immenses mygales poilues sortant de leur trou enterré. Nous cherchons les singes mais ils resteront cachés. Il confectionne pour nous des couronnes de feuillage comme pour tout bon touriste qui se respecte. Nous nous forçons presque à les porter pour lui faire plaisir. Ce petit tour de deux heures de marche en pleine jungle me ravit au plus haut point, j’aime tellement crapahuter, me sentant unie à la Terre, ne faisant qu’une avec elle, sentant l’humidité de son feuillage frais, entendant le son du vent dans les arbres, goûtant du bout des lèvres cette senteur sucrée et moite sur ma peau. J’évite pourtant soigneusement de toucher ce trésor, chaque branche d’arbre ou feuillage possédant son propre moyen de défense contre l’envahisseur: épines multiples, tiges tranchantes et aiguisées comme des couteaux, sève empoisonnée, termites cachés sous l’écorce, serpent enroulé sur une branche, fourmis tueuses enfouies dans les racines et mygales terrées à nos pieds, nous avons le choix des blessures! Il faut respecter la jungle et suivre quelques règles élémentaires qui consistent principalement à être vigilants. Nous ne sommes pas sur notre territoire, il ne faut simplement pas l’oublier. L’homme n’est pas maître partout et certainement pas dans la jungle!

Après notre retour au lodge sous une chaleur humide écrasante, je saute dans l’eau de la rivière pour me rafraîchir un peu en compagnie du guide José, natif d’ici mais parlant très bien français. C’est agréable de pouvoir parler ma langue avec un Brésilien, ça change! Et il est vraiment gentil, ce qui est d’autant plus plaisant. Je décide de rester au lodge cet après-midi, tout le monde va partir en excursion, je serai au calme ici. Et je ne me lasse pas de ce petit coin de paradis!

Alors que tout le monde part en bateau, j’aperçois Max qui revient plus tôt que prévu au final. Je suis bien contente de le voir, même si une partie de moi voulait rester seule cet après-midi pour réfléchir. Mais il est fatigué après son départ matinal et ses préparatifs à Manaus, il part se coucher dans le hamac. J’en profite pour partir seule me baigner, et, flottant sur un gilet de sauvetage comme une bouée, je me laisse dériver au gré des courants, la tête vers les nuages. L’eau est vraiment chaude, elle doit faire dans les 33°C et ne rafraîchit en rien mon corps moite de transpiration. Mais j’aime la sensation de me trouver seule dans un bain chaud naturel gigantesque, mes pieds réussissant à trouver un peu de fraîcheur en profondeur du fleuve. Comment décrire ce que je ressens alors? Une grande plénitude et une totale sérénité s’emparent de moi, me donnant l’opportunité de lâcher prise totalement afin d’entrer en moi et de m’écouter vraiment. Une totale paix pénètre mon cœur et mon âme, dénuée de tout questionnement, doute, peur, incertitude. Je sais juste que tout se passera pour le mieux pour moi et que je n’ai qu’une chose à faire: profiter du moment présent à chaque instant, être ici est un cadeau et il ne faut pas que je m’inquiète de quoi que ce soit. Je ressens aussi avec certitude que Max est sur la même longueur d’ondes que moi à propos de cette histoire. Nous nous entendons bien ensemble et profitons de la présence de l’autre autant que possible, mais il est conscient que tout nous sépare. D’un accord tacite, nous ne faisons aucun projet ensemble pour l’avenir, sachant pertinemment que ça ne servirait à rien. La réponse à ma question est donc simple: arrêter de m’en faire et profiter au maximum de mon séjour ici, ce qu’il m’est donné de vivre étant rare et précieux. Je sais que Max fera la même chose de son côté.

Je me réveille de ma « transe » alors qu’il me rejoint sur le ponton. Il m’entraîne sans un mot dans une petite barque sans moteur où il pagaie en direction du soleil couchant. Assise à l’arrière, je me laisse transporter telle une princesse de conte de fées sur ce fleuve tranquille alors que le rouge doré du soleil nous montre ses plus belles couleurs. Des dauphins roses et gris accompagnent notre embarcation, jouant avec nous dans la lueur du crépuscule se reflétant dans l’eau. Après mon lâcher prise de tout à l’heure, j’ai l’impression d’être à fleur de peau, tout mon corps et toute mon âme sont mis à nu, grands ouverts sans barrière afin de bénéficier de toute la beauté du monde, et j’en reçois un large éventail, assise ici sur ma petite barque, Max, torse nu, pagayant devant moi, nous emmenant au paradis. Les larmes me montent aux yeux, l’émotion et les sensations étant trop fortes. Je remercie l’Univers encore une fois de me montrer de si grandes beautés. La terre est tellement belle! Les dauphins nous suivront jusqu’à notre retour au lodge dans l’obscurité. Je suis aux anges…

Le dîner est servi, nous rejoignons les convives pour le repas, Max et moi jouant nos rôles d’hôtes à chaque table, essayant de parler avec tout le monde et de nous enquérir de leur bon séjour parmi nous. C’est du travail de tenir un lodge touristique! D’autant plus que certains touristes sont moins sympathiques que d’autres, mais il faut sourire à tout le monde sans distinction. Moi qui aime bien étudier la psychologie des gens, je suis servie ici, un large éventail de différentes personnalités se retrouvant en même temps dans un petit espace. Sans compter que les gens viennent également de différents pays, donc de différentes cultures… Certains sourient tout le temps, d’autres jamais, certains se plaignent sur tout, d’autres voient le côté positif de toute chose… C’est très intéressant et fort instructif. Toutefois, ça me fatigue vite de me forcer à parler à tout le monde, surtout en anglais, et je m’éclipse pour descendre sur le ponton et regarder les étoiles illuminer le ciel.

José me rejoint et il m’explique en français la signification de quelques constellations. Max apparaît comme par magie peu après, abandonnant rapidement ses convives en voyant qu’un autre a pris sa place auprès de moi, en n’ayant pas l’air très content. Il demande à José de préparer un canot pour nous, ce que celui-ci s’empresse de faire sans discuter. Max m’entraîne dans l’embarcation encore une fois, mais à moteur celle-ci, un verre de vin blanc à la main à mon intention, puis nous filons dans la nuit jusqu’à un grand lac un peu plus loin. Il arrête le moteur en plein milieu du lac, place les coussins qu’il avait pris soin d’emporter au fond de la barque, puis nous nous allongeons tous les deux sur le dos, le verre de vin posé non loin. Je reste alors bouche bée devant le spectacle extraordinaire qui s’offre à nous… Un majestueux dôme étoilé nous fait face, sans aucun arbre, aucun feuillage, aucune lumière pour faire obstruction à ce panorama absolument grandiose. Le temps étant lourd et orageux, de gros éclairs illuminent le ciel de temps à autre très loin de nous, juste pour éclairer une seconde et nous permettre d’apercevoir brièvement la jungle épaisse qui nous entoure. Elle se rappelle à nous pour que nous ne l’oubliions pas, absorbés comme nous le sommes par la contemplation des astres lointains. C’est tellement beau! Je n’en reviens pas… C’est un de mes rêves de petite fille de me retrouver au fond d’une barque sur un lac, admirant le ciel constellé d’étoiles, et voilà que je le vis pour de vrai! Tous mes sens en éveil, j’écoute les bruits nocturnes, et à défaut de les voir, j’imagine les créatures qui nous entourent, à l’origine de ces claquements, clapotis et bruissements. Tiens, un caïman qui vient de plonger dans l’eau! Voilà un piranha qui vient de refermer ses mâchoires sur un poisson égaré, un serpent ondule dans l’eau, émettant des bruits de vaguelettes… Bien sûr, il ne s’agit que du fruit de mon imagination, mais je ne dois pas toujours être loin de la vérité, mes yeux aveugles dans cette obscurité ne pouvant me donner raison ou tort. Et ça n’en paraît que plus magique! La nuit, la forêt se réveille et cette nature intacte, peu abîmée par les actions des hommes, prend vie autour de moi, comme elle le fait depuis des millénaires, m’englobant tout entière dans son antre, pour mon plus grand plaisir. Je m’attends presque à voir apparaître un dinosaure oublié ici, surgissant du fond de l’eau ou de la jungle épaisse. Mon imagination s’exalte à l’unisson avec le bonheur qui m’irradie de toute part… Dans les bras l’un de l’autre, doucement balancés par le roulis du canot, nous ne perdons pas une miette de cet instant magique, désirant encore une fois arrêter le temps pour toujours. Nous finissons par nous endormir petit à petit sous la bienveillance des étoiles filantes parsemant le ciel lorsque Max sursaute au bruit d’un moteur de canot. Nous sommes au milieu du lac sans aucune lumière pour prévenir les bateaux que nous constituons un obstacle à éviter dans cette nuit d’encre. Il a juste le temps d’allumer la lampe torche, le bateau déviant de justesse sa trajectoire pour nous éviter. Nous avons frôlé la collision! Ouf! Il est temps de rentrer de toute façon, il est tard et les moustiques commencent à nous dévorer. Merci encore, Max, de me faire vivre d’aussi incroyables moments…

Pêche aux piranhas!

Le 11 novembre 2009

Réveillée avec le soleil vers 6h du matin, je pars sans faire de bruit sur le balcon pour profiter de la vue du fin fond du hamac. Max me rejoint peu après et nous somnolons doucement, bercés par la brise et par le chant des animaux matinaux. Et voilà que les dauphins viennent nous dire bonjour! Quel incroyable réveil!…

Un bon petit déjeuner plus tard à base d’excellents fruits frais et de gâteaux délicieux, nous nous préparons à quitter ce petit coin de paradis. En chemin, sur la longue passerelle qui traverse toute la forêt, perchée à 25 m du sol, nous croisons de superbes perroquets rouges qui se laissent photographier tels des modèles de magazine. Des singes cherchent parfois à nous voler quelque chose ou simplement à jouer avec nous. Nous faisons vraiment partie de leur monde, perchés ainsi dans la cime des arbres. Nous pénétrons dans leur territoire.

Avant de partir, Max souhaite visiter d’autres chambres afin d’avoir un bon aperçu de la totalité du lodge. Je m’aperçois alors qu’on nous a donné la plus belle cabane, les autres étant beaucoup plus petites, sans hamac et collées les unes aux autres. Ca a vraiment du bon de faire partie des VIP! Surtout en Amazonie… Nous repartons ensuite en bateau, revenant au Dolphin Lodge en une heure de temps, sous un soleil radieux rendant les paysages encore une fois surréels. Ici dans la jungle, on se déplace en bateau comme on prend sa voiture en Europe, c’est en effet le moyen de transport le plus rapide. Par contre, je ne sais pas comment Max réussit à s’y retrouver dans tous ces méandres… Ca manque un peu de signalisation tout ça! Mais pour ma part, je m’en aperçois de plus en plus, je suis vraiment une fille de l’eau… J’adore me retrouver sur un bateau quel qu’il soit, me sentant vraiment dans mon élément à ce moment-ci. Il va peut-être falloir que je pense à prendre des cours de navigation!

Max repart gérer ses affaires avec ses employés, j’en profite pour prendre un bain dans la rivière. Durant le déjeuner qui propose un délicieux poisson cette fois-ci, je me retrouve encore dans cette position délicate qui ne m’inclut pas parmi les touristes ni parmi les Brésiliens. Je mange à la table de Max mais ne peux participer à la conversation, ce qui reste un peu frustrant. De plus, il est tout le temps en train de gérer quelque chose tout en ne montrant que le positif aux touristes. Il est très professionnel même lorsqu’il est censé être en vacances!

Le début de l’après-midi est ensuite consacré à la sieste sur mon banc fétiche près d’un arbre surplombant la rivière, ou bien dans le hamac sous le chapiteau protégé par une moustiquaire, ou bien encore à un plongeon dans la rivière avec les dauphins roses. Vers 15h30, nous partons, Max et moi, seuls dans un petit canot, réitérer notre expérience de pêche au piranha non fructueuse hier. Cette fois, nous nous rendons dans le coin de son enfance où il a appris à pêcher avec son père. Il jette sa ligne à l’eau, un petit morceau de bœuf accroché à l’hameçon en guise d’appât, et sent aussitôt un gros poisson mordre. Il tire violemment sa ligne hors de l’eau, et sort un imposant piranha doré qui s’agite frénétiquement au bout de l’hameçon. Ca y est, ça mord enfin! Il retire l’hameçon de la bouche du poisson, ce qui nous asperge tous les deux de sang des pieds à la tête… eh bien, nous sommes beaux à voir ainsi! Peu importe, nous continuons notre pêche, imperturbables et heureux de pouvoir attraper quelque chose. J’aurai le plaisir d’en pêcher deux moi-même tandis que Max s’arrêtera après son troisième, ne voulant pas vider la rivière pour des poissons que nous ne pourrons pas manger. Nos cinq prises sont bien costaudes et s’agitent dans tous les sens au fond du bateau. Nous relevons les pieds, histoire qu’ils ne nous mordent pas le mollet avec leurs dents acérées. Ces bestioles sont tout de même très impressionnantes…

Après cette belle pêche tout en profitant des environs en solitaires, personne ou presque ne venant perturber cette quiétude sauvage et irréelle, nous passons par la maison de la mère de Max y déposer nos prises qu’elle souhaite gentiment cuisiner pour nous le temps qu’on continue notre promenade en amoureux. C’est quand même cool d’avoir un copain amazonien connaissant la jungle et ses rivières comme sa poche, pouvant se sortir de n’importe quelle situation grâce à son habitude et sa débrouillardise. Nous resterions coincés 3 semaines en pleine jungle, je sais que nous ne mourrions pas de faim ni de soif grâce à lui, et il serait même capable de nous construire une cabane spartiate protectrice des animaux et des éléments naturels. Je l’admire beaucoup pour sa faculté de se débrouiller aussi bien en pleine jungle qu’en ville, pouvant mener son affaire financière comme un chef, ses bénéfices dépassant même ses attentes les plus inespérées. Il ne doit pas y en avoir beaucoup comme lui. Malgré tout, je me rends compte que je ne suis pas amoureuse de lui. Il manque cette petite étincelle qui fait vibrer le cœur, qui fait qu’on ne souhaite qu’être en présence de l’autre, se plonger tout entière dans la vie de l’autre… Nous venons de mondes trop différents. J’apprécie énormément sa compagnie et j’adore partager tous les moments que l’on vit ensemble depuis mon arrivée, mais rien de plus. Ce constat me fait bien cogiter du coup. Que dois-je faire, continuer le reste de mon séjour avec lui tout en sachant que ça ne mènera à rien de plus par la suite, ou bien partir maintenant par respect pour lui et changer de programme? Je dois y réfléchir au calme. Demain, il part à Manaus pour la journée, me laissant seule prendre le bateau avec un groupe de touristes allemands, pour une petite croisière de 4 jours, ne me rejoignant que le soir sur le bateau. Je vais avoir le temps de me pencher sur la question…

En attendant, nous partons sous un soleil couchant splendide se reflétant dans les eaux brunes de l’Amazone, notre bateau se faufilant dans de petits canaux vierges de toute civilisation, des kms de forêt vierge s’étendant à perte de vue sans habitation ni preuve d’aucune sorte que l’homme ait pu un jour pénétrer cette inextricable étendue verte. J’essaie de faire abstraction de mon sentiment de malaise à l’idée de ne pas vraiment mériter ce cadeau que m’offre encore Max, pour profiter au maximum du moment présent, mais ce n’est pas évident. Après cette superbe balade, nous revenons à la maison familiale Maia dans l’obscurité, guidés par ma lampe torche que je garde toujours sur moi en prévention, Max ayant oublié la sienne. Heureusement que je suis là! Comme dirait un ami de Max, je suis presque une Amazone à présent… moitié Française, moitié Québécoise et quelque peu Amazonienne. Je n’ai pas vraiment une vie triste et monotone, c’est le moins qu’on puisse dire!

Arrivé chez sa mère, il me présente à son frère et à son beau-frère mais malgré d’immenses sourires la barrière de la langue reste problématique pour moi. On se place donc gentiment devant la télévision, un DVD de spectacle musical de Fono, un groupe de musique très populaire ici, me servant de distraction tandis que toute la famille discute en portugais. Max, voyant que je commence à m’ennuyer un peu, m’invite à le suivre dans une danse effrénée au son de la musique tonitruante et entraînante sortant des enceintes, sous le regard amusé du reste de la famille qui prend même des photos pour l’occasion. Et moi, quand je danse, j’oublie tout et pars sur une autre planète, m’abandonnant totalement aux sons qui entraînent mon corps dans des mouvements dansants, sans essayer de les réfréner. C’est une autre sorte de méditation pour moi et je l’adore!

Nous passons ensuite à table et dégustons, Max et moi, nos piranhas, tandis que sa mère nous regarde tout en discutant avec son fils, n’ayant elle-même pas très faim. Dans mon souvenir, la soupe de piranhas dégustée 4 ans plus tôt dans le Pantanal n’avait rien d’extraordinaire, mais cette fois-ci je me régale avec la chair tendre et moelleuse de nos bestioles à grandes dents. Nous goûtons aussi à un poisson végétarien à la peau sombre, pouvant ainsi comparer le goût avec des poissons carnivores. Les deux sont très bons, avec une saveur totalement différente, plus douce et subtile chez le végétarien, plus corsée et forte pour le carnivore. Je me sens un peu étrangère d’être invitée ainsi dans la famille de Max, moi une petite Française sortant de nulle part et ne parlant pas un mot de leur langue, ne connaissant pas grand-chose de leur culture, rechignant à manger l’intérieur de la tête des piranhas, ce qui apparaît comme bizarre aux yeux de tous, pour eux c’est le meilleur morceau… Comment expliquer ce que je ressens? J’ai tout simplement l’impression de ne pas être à ma place ici, voilà tout, même si je trouve l’expérience plus qu’enrichissante bien entendu! Visiblement, peu de jeunes femmes ont été présentées à sa mère, ce qui doit signifier que je revêts une certaine importance pour Max, et cela me touche tout en m’effrayant à la fois. Dans quelle situation rocambolesque me suis-je encore laissée embarquer? C’est tout moi ça…

Sa mère nous avait même préparé une chambre à coucher, pensant que nous allions rester dormir. Mais, à mon grand soulagement, Max souhaite rentrer au Dolphin Lodge ce soir. Nous prenons donc congé, la route du retour étant encore longue, et il fait nuit noire. Nous remontons dans le bateau, et aidé de ma simple petite lampe, Max nous guide à travers les embranchements sinueux de la rivière. Je n’ai aucune idée de la façon dont il réussit à s’y retrouver, à savoir quel chemin prendre alors qu’on ne voit pas à deux mètres devant nous, une nuit noire et sans lune ne nous aidant guère à voir quoi que ce soit. Malgré mon entière confiance en lui, je me dis qu’on n’est pas à l’abri d’un petit manque de vigilance ou bien d’un obstacle survenant à l’improviste, je trouve notre retour en pleine nuit sur une aussi grande distance un peu présomptueux. Comme à mon habitude dans ces cas-là, je décide de faire l’autruche et m’allonge dans le bateau, admirant les étoiles constellant le ciel, fermant les yeux sur le potentiel danger qui nous attend à chaque tournant. Nous allons quand même vite et le moindre obstacle nous ferait chavirer ou briserait la coque. Sans parler des rives que je sais sinueuses mais que je ne vois pas! Je me perds donc dans l’observation de la voie lactée alors que le bateau file sur les eaux noires. Malgré ma légère appréhension, je me sens bien.

Nous croisons d’autres bateaux de temps en temps, visibles par le faisceau de leur lampe torche. L’un d’eux au dernier moment change de direction et fonce droit sur notre bateau, nous rentrant dedans avec violence. Je pousse un cri autant de peur que de colère, ne comprenant pas son brusque changement de trajectoire, et Max non plus. Heureusement, personne n’a rien et les bateaux non plus mais s’ensuit une engueulade entre Max et le conducteur du bateau tamponneur que je devine au ton de la voix. Les occupants du bateau s’en vont ensuite, visiblement encore mécontents. Max m’apprend qu’ils avaient l’air saouls et qu’il était de toute façon impossible de discuter avec eux. L’incident est clos, même si je sens Max encore contrarié. Nous repartons doucement et arrivons au lodge vers 20 h, les convives étant au dessert.

A table, je fais connaissance avec un couple belge qui vient d’arriver. Contente de pouvoir parler ma langue natale, je m’entretiens donc avec eux et ils m’apprennent qu’ils sont contrariés étant donné qu’ils ont payé pour aller à l’Amazone Lodge et qu’ils se retrouvent ici sans autre explication. Ils me demandent si je peux m’enquérir auprès de Max pour savoir ce qui s’est passé. Max arrive entre-temps et demande à me voir d’urgence. Je m’éclipse donc avec lui et il m’explique une sombre histoire de changement de propriétaire de l’Amazone Lodge qui n’a pas gardé les réservations des clients de l’ancien, le nouveau propriétaire étant un de ses amis. Bref, ça a l’air un peu mafieux leur histoire. En tout cas, il me demande de ne rien dire à ce propos aux Belges. Bon, voilà que je suis dans les confidences du chef avec ses cachotteries à propos de l’organisation des excursions pour les clients. Je n’aime pas mentir ni cacher la vérité mais je m’y vois contrainte et forcée, ne souhaitant pas causer de problèmes à Max par mon intermédiaire sur le déroulement des événements… J’étais contente d’avoir des gens à qui parler français et me voilà obligée de faire attention à ce que je leur dis sous peine de faire des gaffes. Je trouve ma situation peu évidente encore une fois.

Je m’isole un peu sur mon banc préféré, un verre de vin à la main, me perdant dans la contemplation de la nuit et de tous ses bruits étranges lorsque Max me rejoint, l’air vraiment ennuyé. Je lui demande ce qui se passe, mais il a du mal à me le dire. Il finit par lâcher: « Le groupe d’Allemands avec lequel tu es censée partir en croisière demain ne t’aime pas et ne veut pas de toi sur le bateau. » Je manque de m’étouffer de surprise, totalement hébétée par cette annonce sortant de nulle part. Je n’ai jamais eu l’occasion d’échanger ne serait-ce qu’un mot avec ce groupe qui reste très solitaire depuis son arrivée ici. Comment peuvent-ils émettre un avis sur moi alors qu’ils ne me connaissent pas? La requête viendrait visiblement des femmes que Max soupçonne d’être jalouses de mon statut particulier ici, ne voulant pas me voir tout le temps privilégiée devant leur nez. Bon, je savais que la jalousie de certaines personnes me jouerait des tours ici, mais de là à nous empêcher, Max et moi, de profiter de son propre bateau, j’avoue que je ne l’aurais pas imaginé. Max est furieux et choqué que l’on m’interdise, à moi et à lui par la même occasion, de jouir de cette croisière de 4 jours, mais il se voit contraint d’accepter leur demande de peur de complications aussi bien pour eux que pour nous. Je le rassure en lui disant que je ne souhaite aucunement m’imposer à des gens qui ne veulent pas de ma présence, surtout sur un bateau de 12 m de long durant 4 jours! C’est bien mieux qu’ils l’aient exprimé de vive voix, au moins c’est clair. Qu’ils aillent faire leur croisière sans nous, nous trouverons bien autre chose! Toute l’équipe de Max, au courant de l’histoire, vient me témoigner sa sympathie et je les rassure en disant que je ne le prends pas personnellement, d’autant plus qu’ils ne me connaissent pas!

Pour nous changer les idées, Max et moi sautons dans la rivière pour un bain de minuit, éclairés seulement par les étoiles filantes dans le ciel. Ca nous calme aussitôt, la magie des lieux nous ensorcelant immédiatement. Comment rester frustrés ou malheureux dans un endroit pareil? J’oublie tous mes tracas et me remets aux mains de la nature et de l’univers qui saura bien quoi faire de moi…

Toutes les chambres sont occupées par les touristes cette nuit, nous devrons donc, Max et moi, dormir dans les hamacs du chapiteau avec le personnel. Pas de problème, ça ne me dérange pas, je dors n’importe où! Par contre, c’était sans compter sur les ronflements sonores de mes amis brésiliens, à réveiller un mort. Malgré mes boules Quiès, j’ai un mal fou à m’endormir. On repassera pour profiter des bruits nocturnes de la forêt cette fois-ci…