Le 20 novembre 2009
Alors qu’il fait encore nuit noire, je sens un froid glacial me pénétrer jusqu’aux os, ce qui me réveille instantanément. D’où vient ce froid soudain ? Alors que je retrouve mes esprits, je découvre la cause de cette brutale chute de température corporelle, la peur s’est insidieusement infiltrée dans tout mon être, me glaçant le sang par la même occasion. En effet, je sens un animal avancer sur mon sac de couchage… Il se trouve à la hauteur de mon ventre, je peux sentir son poids peser sur ma poitrine et avancer doucement vers mon visage. D’un grand mouvement de panique, je me débats dans mon sac de couchage pour jeter cette chose par-dessus mon hamac. Alors que je pensais l’avoir fait tomber, je sens quelque chose grimper sur ma main… Là, je ne peux m’empêcher de hurler, appelant Max au secours pour qu’il me vienne en aide et secouant la main en tous sens pour en déloger le monstre qui, pour moi, ne peut être qu’une mygale, ayant senti des choses ressemblant à des pattes velues. Max, qui avait étendu son hamac juste à côté du mien, un bout accroché au même arbre que moi, se réveille aussitôt et allume la torche pour voir ce qui se passe. Mais il n’y a rien nulle part…Ni dans mon hamac, ni par terre… Ou bien la chose aura eu le temps de détaler, ou bien j’ai bel et bien rêvé. Cette dernière option me paraît improbable, je ne suis pas du genre à m’imaginer ce genre de choses d’habitude… En tout cas, je suis en nage, transpirant à grosses gouttes malgré la fraîcheur de la nuit, tremblant encore comme une feuille à la suite de cette belle frayeur. Max me rassure comme il peut, me berçant comme une enfant, puis il grimpe dans mon hamac, (sans poser un pied sur le sol !) afin de me prendre dans ses bras. Je me détends petit à petit, me sentant en sécurité avec lui dans le même hamac puis nous nous rendormons tous les deux ainsi lovés.
Je me réveille au petit matin, le jour s’est levé et la jungle apparaît alors beaucoup moins inquiétante qu’en pleine nuit. C’est fou cette différence de ressenti entre le jour et la nuit ! Dans la jungle, c’est comme si la nuit ne nous appartenait plus et qu’à ce moment-là, seuls les habitants de la jungle pouvaient régner en maîtres sur ce territoire. Nous devons respecter cette loi de la nature et nous contenter de nous faire le plus petit possible en nous cachant dans nos hamacs sans perturber quoi que ce soit. Durant la journée, nos facultés visuelles étant revenues, il nous est plus facile d’interagir avec notre environnement et c’est moins dangereux pour nous. Telle est la loi de la jungle !
Je retrouve Herman, le guide des Suisses, près du feu et lui raconte ma mésaventure de cette nuit. Pour lui, il s’agissait sûrement d’une grosse grenouille. Peut-être… On ne le saura jamais ! Tout le monde lève ensuite le camp puis nous repartons en sens inverse à travers la forêt. Soudain, Herman, qui se trouve en tête du convoi, hurle de nous arrêter immédiatement. Nous nous exécutons, intrigués. Il nous montre alors un serpent sur le chemin même que nous allions emprunter. Il n’est pas très gros mais est, paraît-il, mortel. Oups… Décidément, il y a de l’action aujourd’hui encore. Il réussit à le faire grimper sur un long bout de bois pour nous le montrer, tout en restant à bonne distance de lui. C’est impressionnant de se dire qu’il pourrait nous tuer d’une seule morsure ! Nous le laissons ensuite tranquille et effectuons un petit détour pour éviter de le croiser de nouveau sur notre chemin !
Revenus au bateau où un superbe petit déjeuner nous attend, nous satisfaisons notre appétit avec tous ces mets colorés et exotiques, plus délicieux et sucrés les uns que les autres. Et c’est sans parler des jus de fruits frais ! Je saute ensuite sous la douche, j’ai l’impression de sentir la transpiration à 5 km à la ronde, ce qui ne doit pas être loin de la vérité, puis nous préparons nos affaires, Max et moi quittons le bateau dans quelques minutes. En effet, tout le monde repart à Manaus aujourd’hui, sauf nous qui restons une nuit de plus dans les environs. Nous rentrerons en ville demain par nos propres moyens. Un petit canot à moteur que Max a appelé arrive à la rencontre du gros bateau pour nous emmener, nous disons donc au revoir aux membres de l’équipage ainsi qu’aux Suisses et à Herman puis nous sautons dans le petit canot avec nos affaires personnelles, de l’eau, des fruits et des sandwiches pour ce midi. J’ai beaucoup aimé cette croisière en bateau, spécialement grâce à l’équipage et au guide Herman qui ont tous été souriants et amicaux envers moi et ça compte beaucoup de mon point de vue. Le couple suisse a également été charmant, j’ai de la chance d’être tombée sur des touristes aussi gentils, je sais que ce n’est vraiment pas tout le temps le cas. En ce qui concerne les excursions, j’en avais déjà fait une partie la dernière fois mais me retrouver sur un bateau est toujours un plaisir pour ma part et j’ai adoré notre nuit en forêt près de la cascade, même si j’ai eu une belle frayeur !
Seuls dans notre canot, avec quelques vivres comme subsistance, nous voyons le bateau de nos amis s’éloigner alors que nous prenons un autre chemin. Nous sommes livrés à nous-mêmes à présent ! Alors que nous filons sur les eaux calmes du Rio Negro, un soleil de plomb nous lançant ses plus chauds rayons sur la tête, je me sens libre et heureuse dans mon petit canot à moteur à destination de l’inconnu. Je suis prête pour l’aventure de nouveau et je suis contente de partager ces moments avec Max en qui j’ai toute confiance. Allongée au fond du canot, je me sens privilégiée de pouvoir vivre ça et le savoure d’autant plus.
Après une heure et demie de traversée, nous arrivons sur la même petite plage de sable fin sur laquelle nous avions accosté le premier jour avec le gros bateau. Elle se nomme la plage du caïman. C’est ici, sur cette plage déserte que nous passerons la nuit ! Youhou… Nous posons nos affaires et partons faire un tour sur cette immense plage bordée de jungle impénétrable. Pour nous rafraîchir un peu, nous sautons dans l’eau mais la vase présente de ce côté-ci de l’île n’est pas agréable ni propice à la baignade. De plus, il faut toujours avancer en raclant le fond avec les pieds pour faire fuir les créatures éventuellement hostiles. Et la boue qui se colle à notre peau est un peu acide, ce qui peut provoquer des démangeaisons. Bref, nous ne restons pas longtemps dans l’eau.
Nous dégustons nos sandwiches et nos fruits sur la plage à l’ombre des arbres, admirant le paysage de carte postale qui s’étend devant nous. Le sable fin presque blanc parsemé de roches rouges s’enfuyant dans l’eau bleue et verte de la rivière forme un tableau idyllique auquel on ne peut pas rester insensible. D’autant plus lorsque l’on se sent seuls au monde à avoir le droit d’admirer ce spectacle paradisiaque.
Nous nous enfonçons un peu dans la forêt afin de trouver deux arbres de la bonne circonférence et d’une assez bonne distance l’un de l’autre pour pouvoir accrocher nos hamacs pour la sieste. Mais c’était sans compter sans les innombrables petites mouches qui nous attaquent de toutes parts et nous vrombissent dans les oreilles. Difficile de dormir dans ces conditions. Nous changeons de tactique et revenons sur la plage pour nous étendre sur le sable à même le sol, les arbres étant trop rares pour accrocher notre hamac. C’est un peu mieux même si les insectes ne sont pas décidés à nous laisser vraiment tranquilles. Bon, tout ne peut pas être parfait !
Nous revenons ensuite au début de la plage où un petit bar de fortune accueille les quelques rares touristes en visite ici. En fait, cette île est totalement submergée par les eaux en saison humide, voilà pourquoi personne n’habite ce petit paradis. Le seul bar de l’île est détruit et reconstruit chaque année à la saison sèche. Nous apercevons alors avec stupeur que plusieurs yachts ont accosté sur la plage avec des touristes plutôt bruyants. Mince, notre île sauvage est envahie ! Max est très surpris également puis il se rend compte qu’on est vendredi et que ce lundi est férié pour les Brésiliens. Voilà pourquoi certains riches locaux ont décidé de venir passer leur long week-end dans le coin. Vu leur musique tonitruante, ils ne se sont certainement pas déplacés pour apprécier les bruits de la nature… Cette intrusion casse un peu notre impression d’être Robinson Crusoé mais bon… Ce n’est pas ça qui va nous gâcher notre plaisir !
Arrivés au bar, des poissons fraîchement grillés ainsi que du riz nous attendent sur une petite table avec vue sur l’immense plage, déserte de ce côté-ci. Comment rêver plus beau restaurant que celui-ci ? Une petite table en plastique sur le sable avec vue sur la jungle, la plage, la rivière et les îles au loin, dégustant deux beaux poissons pêchés du jour… Je crois rêver ! C’est simple mais magnifique. Dommage que je n’aie pas faim ! J’ai l’impression d’avoir tant mangé ces derniers jours que mon estomac arrive à saturation. Je ferais mieux de l’écouter et de le laisser se reposer un peu. Surtout qu’il est à peine 16h, ce n’est pas l’heure de manger ! Mais j’apprécie beaucoup le geste. Tandis que Max discute avec ses amis du bar (il connaît absolument tout le monde en Amazonie, c’est impressionnant), je pars faire une sieste dans mon hamac. Il fait tellement chaud qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à faire. Et je m’endors au son de la musique du yacht se trouvant pourtant de l’autre côté de l’île…
Je me réveille plus reposée et pars avec Max me rafraîchir dans l’eau un peu plus claire de ce côté-ci de l’île. En chemin, une forte pluie froide s’abat subitement sur nous, nous fouettant le visage avec force et le vent qui s’est levé tout aussi brutalement nous projette du sable dans les yeux. Pour échapper à ces sensations peu agréables, nous plongeons dans l’eau qui nous procure une protection naturelle bien agréable. L’eau à 30° nous réchauffe aussitôt et la pluie ne nous fouette plus le corps, celui-ci étant immergé dans la rivière. Nous nous lavons avec du savon, considérant cette piscine comme bain chaud naturel puis nous assistons, ébahis, à un magnifique spectacle étonnant. A notre gauche, des nuages noirs se sont amoncelés, provoquant une forte pluie qui assombrit le ciel. A notre droite, un magnifique coucher de soleil sans nuage projette ses rayons dorés dans l’eau du fleuve. Un magnifique arc-en-ciel relie les deux paysages si différents. On dirait que Dame Nature s’est mélangé les pinceaux sur le temps qu’elle a voulu nous montrer, ce qui fait qu’on a un assortiment de tout à la fois… J’avoue que je n’ai jamais vu ça auparavant et Max est aussi interloqué que moi. Mais c’est magnifique. Si on prenait une photo du paysage se trouvant à droite, et une autre sur notre gauche, personne ne voudrait croire qu’elles ont été prises au même moment et du même endroit ! Incroyable … Et pour parfaire le tout, des dauphins sautent dans le soleil couchant qui se teinte de rose au fur et à mesure de sa descente. S’il n’y avait pas un groupe de touristes français que j’entends hurler au loin, tout serait parfait !
Nous allons ensuite chercher du bois dans la forêt avant que la nuit ne tombe pour notre feu de ce soir, puis nous nous récompensons de notre effort devant un verre de vin rouge que Max a pensé à rapporter avec les vivres essentiels à notre survie dur cette île perdue. La nuit tombée, Max, muni d’un harpon, souhaite me montrer cette nouvelle façon de pêcher. Nous grimpons dans une barque et il m’emmène à grands coups de rames de l’autre côté de la rivière. Pour ma part, je me contente de me faire transporter, la tête tournée vers les étoiles qui commencent à apparaître, écopant l’eau à l’aide d’un récipient lorsque la barque se remplit trop, afin d’alléger Max en poids de transport pour ramer et aussi éviter de couler ! Malgré toute la beauté de cette sortie sous les étoiles, la musique très forte des bateaux amarrés non loin casse un peu l’ambiance. Quel est l’intérêt de venir jusqu’ici en Amazonie si c’est pour vouloir danser, boire et faire la fête ? Ils peuvent rester au port de Manaus dans ce cas… Bref, nous essayons de ne pas nous laisser déconcentrer et scrutons attentivement l’eau avec la torche afin de repérer des poissons à harponner. Malheureusement, ces bateaux ont remué beaucoup de vase et l’eau n’est pas assez claire pour qu’on puisse y voir grand-chose.
Max lance alors le harpon un peu au hasard sans vraiment de succès jusqu’à ce que l’un de ses lancers fassent fuir un banc de poissons qui sautent tous hors de l’eau, effrayés, et qui nous volent dessus ! Je pousse un cri de surprise, un poisson m’arrivant droit dessus, Max en évite un gros qui lui frôle le visage… Résultat, un poisson aura sauté tout seul dans notre barque et se débat à mes pieds, cherchant l’eau qui lui permet de respirer. Nous l’examinons à la torche, il s’agit d’un beau piranha ! Ouf, nous avons frôlé l’accident, un de ces poissons aurait pu nous entailler la chair en sautant ainsi sur nous. On aura vraiment tout vu en Amazonie… Voilà que les piranhas volent maintenant et nous agressent alors que nous sommes sur une barque ! J’adore ce pays fascinant et plein de surprises. Ca le rend palpitant.
Heureux de notre pêche miraculeuse, nous revenons à la plage préparer le feu pour notre dîner. La propriétaire du bar nous offre généreusement un autre poisson, histoire qu’on puisse se restaurer chacun à notre faim. Max allume le feu avec dextérité, n’utilisant aucun papier pour faire prendre les premières flammes. Il a juste une méthode de couper les branches d’arbre avec sa machette qui donne des copeaux de bois faciles à faire flamber. Nous faisons ensuite griller nos poissons sur le feu tandis que nous discutons, finissant la bouteille de vin rouge en même temps. Je reste subjuguée devant l’attitude de certains insectes envers ce feu de bois crépitant sous nos yeux. De grosses mouches noires ressemblant à des libellules semblent irrésistiblement attirées par ces flammes brûlantes et avancent inexorablement droit vers le feu, lentement mais sûrement, comme si elles hésitaient mais, à chaque fois, elles finissent toutes par se rendre jusqu’à la première flamme qui les consume aussitôt… Quel est le sens de ce suicide ? Et ça n’arrive pas seulement qu’à une seule d’entre elles mais toutes suivent le même parcours : elles avancent tranquillement vers leur mort. Je trouve cela très étrange…
En tout cas, ça ne me coupera pas l’appétit, le poisson est délicieux ! Par contre, le vin qui n’est pas d’une grande qualité, en plus de la fatigue, aura raison de moi rapidement. Nous nous allongeons sur le sable, une couverture nous enveloppant chaudement, prévoyant d’installer les hamacs un peu plus tard. Nous voulons d’abord profiter de la vue sur les étoiles, ainsi couchés sur le sable. Et nous nous endormons presqu’aussitôt, n’ayant pas la force d’accrocher les hamacs pour la nuit.
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