Croisière sur l’Amazonie

Le 17 novembre 2009

Je me réveille un peu fatiguée encore ce matin et passablement de mauvaise humeur. Nous partons rapidement petit-déjeuner, le bateau part à 8h30 du port.

Max part chercher les deux touristes suisses qui vont faire la traversée de 4 jours avec nous à leur hôtel. Lorsqu’il leur apprend que je ferai aussi partie du voyage, ils s’exclament un peu contrariés qu’on leur avait promis un bateau pour eux seuls. Et voilà que ça recommence… Me sentant toujours de trop dans ces histoires, je leur explique que je serai avec Max et qu’ils auront leur propre guide privé, et je finis dans un sourire en leur promettant d’être transparente pour eux. Ca aura le mérite de les faire rire, ils se détendent un peu. Je ne comprends pas pourquoi Max ne met pas ça au clair avec les clients avant plutôt que de les placer devant le fait accompli au moment du départ. Je me sens à chaque fois mal à l’aise et malvenue comme celle qui s’impose alors que ce n’est vraiment pas mon style. C’est Max qui a décidé de notre planning, je n’ai rien exigé! Si la croisière n’avait pas été possible pour moi, ça n’aurait pas été bien grave, on aurait fait autre chose à la place!

Bref, les tensions semblent être oubliées et nous partons, le jeune couple suisse et moi, avec leur guide, visiter le marché aux poissons que je connais par cœur pour l’avoir vu hier avec José, tandis que Max apporte les hamacs au bateau. Nous nous rendons ensuite au port où une embarcation de bois, plus petite que celle sur laquelle j’avais navigué en février dernier durant 4 jours également, n’attend plus que nous pour appareiller. Je vois avec surprise un autre couple de touristes monter sur le bateau. Quand il y a de la place pour 2, il y en a pour 6! Prétextant le manque de bateaux à cause du faible niveau de l’eau, Max bredouille une excuse que personne n’avale. Je me contente d’assister à la scène, ne me permettant aucun commentaire, étant ici à titre d’invitée. Max m’embrasse furtivement alors que le bateau lance ses machines, m’apprenant par la même occasion qu’il ne me rejoindra pas ce soir mais demain matin. Ben voyons donc! C’est bien de l’apprendre 5 secondes avant qu’il ne doive sauter du pont, alors qu’on a été ensemble tout ce début de matinée! Je n’ai même pas le temps de dire quoi que ce soit, le bateau s’éloigne et il reste sur le quai, partant déjà avec son associé dans l’autre direction en me tournant le dos. Je sais qu’il ne le fait pas sciemment, qu’il est tellement pris par son travail que ça lui prend toutes ses pensées et son énergie, et je ne le prends absolument pas personnellement. De plus, je pense qu’il prend un peu de recul par rapport à moi au vu de ce que je lui ai dit la dernière fois, de mes incertitudes et doutes à notre sujet, et je ne pourrais vraiment pas lui en vouloir.

Installés sur le pont, nous admirons l’incroyable démarcation entre le Rio Negro d’un bleu profond et l’Amazone d’un gris terreux. L’acidité, la vitesse et la température de ces 2 fleuves sont autant de raisons qui expliquent leur impossibilité de se mélanger et tracent une ligne zigzaguant au milieu de l’estuaire comme un mur sous-marin invisible.

Nous accrochons ensuite les hamacs sur le pont, je m’écroule dans le mien, assommée par ma petite nuit et la capirihna offerte à notre arrivée; je sombre aussitôt et rate toute la sortie de Manaus, ce qui n’est pas une grande perte, les immeubles, grues et ponts en construction ne me passionnant guère. Plus reposée, je me sens en meilleure forme et de meilleure humeur surtout, bien décidée à profiter de cette croisière avec ou sans Max. Le guide me prend sous son aile, sûrement parce que je suis la seule non accompagnée, et nous discutons tous les deux alors que le bateau fend l’eau à plein gaz, le moteur faisant d’ailleurs un boucan d’enfer. Il me propose même de prendre la place du capitaine pour conduire le bateau. Décidément, je passe mon temps aux commandes d’un navire depuis que je suis en Amazonie. Je ne me le fais pas dire deux fois et je prends la barre en main, dirigeant le bateau à grands coups de roulement de gouvernail. Youhou… Ma joie d’enfant amuse tout le monde et ils en redemandent! Je me suis fait des amis dans l’équipage brésilien! Pourquoi est-ce que je m’entends toujours mieux avec les locaux qu’avec les touristes?

Nous déjeunons tous ensemble sur le pont inférieur mais le bruit des moteurs est tel qu’il nous est impossible de parler! Je m’installe ensuite sur la poupe du bateau, cheveux au vent, admirant les îles, les plages, la forêt et les vagues que notre bateau crée en avançant inexorablement dans le large canal du Rio Negro alors que le soleil décline doucement au loin. Le bateau s’arrête au bord d’une superbe plage de sable fin déserte, nous appartenant entièrement. La saison sèche est mieux pour les plages qui sont recouvertes d’eau en saison humide. Je saute dans cette eau tiède avec un plaisir infini, sentant le sable me chatouiller les pieds. Le ciel s’illumine d’un superbe coucher de soleil que les éclairs de chaleur embellissent tout en rendant l’atmosphère mystérieuse à nouveau. Je reste un peu seule sur cette immense plage, désirant me reconnecter avec la nature, ça me fait tellement de bien à chaque fois. A nouveau, elle me fait cadeau de son énergie, ce qui finit par me remettre d’aplomb instantanément, moralement parlant.

Un canot vient chercher l’un des couples qui part dans la forêt avec son guide. Je reste donc avec les deux Suisses sur le bateau. La nuit étend son long manteau tandis que nous reprenons la navigation à travers ces îles. Nous jetons l’ancre un peu plus loin puis, allongés sur les transats du pont supérieur, nous admirons les étoiles, l’un des plus beaux spectacles naturels qui soient. Les Suisses et moi discutons voyages en attendant que le repas soit servi.

Après souper, le guide nous emmène pour une virée nocturne en canot à la recherche des caïmans. Nous naviguons dans ces eaux noires, promenant la torche sur la rive afin de détecter les deux yeux rouges fluorescents. Ca y est, il en a trouvé un! Notre guide amarre le canot sur la rive et court après le bébé caïman pour essayer de l’attraper. Il réussit son coup et remonte sur le bateau nous le montrer. Nous aurons même la possibilité de le prendre nous-mêmes dans nos mains en faisant attention à bien tenir sa gueule pour qu’il ne nous morde pas. Sa peau, rugueuse et douce à la fois, est très étrange au toucher, un peu comme un serpent.

Alors que notre bateau est toujours amarré sur la rive, un poisson suicidaire saute tout seul à l’intérieur de notre barque, s’agitant frénétiquement au fond du bateau. Ca alors! On n’a même pas besoin de pêcher ici, il suffit de passer en canot et les poissons sautent tout seuls dedans! Il s’agit d’une grosse sardine, délicieuse à manger, paraît-il. Nous essayons de la donner au caïman en la lui mettant dans la gueule mais il est visiblement trop effrayé pour penser à manger. Nous le relâchons dans l’eau et gardons le poisson qui est déjà mort de toute façon.

Nous revenons au bateau, fascinés par les bruits nocturnes divers, surtout aquatiques. Il semble y avoir une belle population, grouillant sous l’eau. Nous entendons sans arrêt des éclaboussures et des plongeons plus ou moins proches. Ne pouvant distinguer s’il s’agit d’un poisson, caïman ou serpent, nous ne pouvons qu’imaginer, ce qui rend l’atmosphère d’autant plus fantasmagorique. Je plonge dans mon hamac, savourant la douce brise qui me berce tout en admirant les étoiles veillant sur moi, et m’endors aussitôt.

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