Le 1er octobre 2009
Je me réveille comme une fleur à 7h du matin en ayant dormi 10h d’affilée. Ca fait un bien fou de se reposer ! J’ai presque trop dormi, je suis un peu amorphe du coup. Je prends mon petit déjeuner avec les autres convives, nous ne sommes pas encore trop nombreux, la plupart arrivant cet après-midi pour le début de la session intensive qui débute ce soir. Mais nous ne devrions pas être plus d’une quinzaine en tout, ce qui me paraît raisonnable après les milliers de personnes chez Amma. Je discute avec la Française qui vit à Auroville depuis une dizaine d’années. Elle a d’abord fait le tour de l’Inde à vélo avant de décider de s’installer définitivement à Auroville. Pour ma part, je ne serais pas capable de traverser ce pays à vélo en tant que femme et seule. Je lui tire mon chapeau de l’avoir fait. Auroville est un lieu communautaire où nombre d’étrangers sont venus s’établir en vue de créer une mini société où tous peuvent vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités. Un peu comme dans le livre « L’île des Gauchers » de Desjardins, les habitants effectuent juste un travail communautaire de leur choix, au moins 5h par jour, sans être rémunérés et ils peuvent en contrepartie accéder à tous les événements culturels, aller à l’école, à l’hôpital, le tout gratuitement. Tout est basé sur l’écologie avec de l’énergie renouvelable, des produits bio etc… Mais, malgré toutes ces belles idées altruistes, cette communauté n’a pas l’air de marcher comme elle le devrait, la personnalité humaine ne rendant pas les choses faciles. Certains affichent leur volonté de commandement qui transparaît malgré eux, d’autres sont incapables de prendre la moindre décision, tout changement peut prendre un temps infini à être accepté par toute la communauté. Malgré tout, je suis curieuse de cet endroit. J’irai y faire un tour après mon séjour au centre zen. C’est tellement agréable de voyager libre, sans contrainte. Je crée mon voyage au et à mesure des rencontres, de mes envies et de ma curiosité !
On parle aussi d’Amma toutes les deux, vu qu’elle a déjà été dans son ashram. Elle met le doigt sur quelque chose que je n’arrivais pas à interpréter lors de mon séjour là-bas. Elle a trouvé qu’il existait un grand contraste chez la majeure partie des dévots. Ils peuvent se bousculer dans la queue pour recevoir leur darshan, se marchant presque les uns sur les autres, ils se ruent sur la nourriture en déclarant la guerre à celui qui en aura une plus grande quantité qu’eux, ils se disputent entre colocataires pour des broutilles, incapables de faire la moindre concession, mais ils s’extasient sur tout l’amour qu’ils peuvent recevoir d’Amma, ce qui paraît en totale contradiction avec leur action quotidienne à l’ashram. Je réalise alors que ce type de comportement m’avait choquée également, même si j’avoue moi-même avoir été exaspérée par certaines personnes, ne portant pas toujours de l’amour inconditionnel dans mon cœur, loin de là. Dans cet ashram, j’ai l’impression qu’on est capable du pire comme du meilleur et que certains réflexes primaires de notre personnalité ressortent plus facilement et rapidement qu’ailleurs. Intéressant…
Il est 9h30 au centre zen, on peut, si on le souhaite, descendre à la ville la plus proche (qui se trouve à une demi-heure de voiture, c’est pour dire à quel point on est paumé !) pour faire quelques courses ou bien juste visiter. Me voici partie en jeep avec quelques autres personnes pour Kodaikanal, un petit village à flanc de montagne où boutiques, échoppes et restaurants abondent. A mon grand étonnement, j’aperçois plusieurs chocolateries qui rivalisent de gourmandises. Je ne pensais pas que les Indiens étaient adeptes de chocolats en tout genre : on en trouve du blanc, au lait, noir, avec ou sans amandes etc… On se croirait presque dans un village montagnard suisse. Même si le bruit, la saleté, les vaches, les mendiants peuvent difficilement me faire oublier qu’on se trouve en Inde tout de même. Les odeurs de thé et d’épices rivalisent avec celles de bouse de vaches, les klaxons omniprésents des voitures ou des bus nous vrillent la tête jusqu’à explosion… c’est l’Inde !
Je me promène nonchalamment à travers le village tentant de faire abstraction de tout ce qui me dérange, pour juste profiter des lieux avec un esprit ouvert et positif. Et ça marche ! Je ne vois plus les choses de la même façon et tout devient plus intéressant, plus vivant, plus instructif. Je rentre dans un petit marché à ciel ouvert où des marchands de légumes entreposent leurs cargaisons multicolores, un boucher expose son mouton désossé et un poissonnier sa pêche récente qui vient de je ne sais où, la mer ne se trouvant pas tout près. Je discute avec un vieux monsieur en turban qui me montre ses beaux poissons et m’offre un thé par la même occasion. L’ambiance est détendue et très sympathique, j’aime ça.
Je reviens ensuite au point de rendez-vous pour qu’on nous ramène au centre zen. C’est tout de même plus calme là-bas ! Je retrouve avec plaisir cette douce sérénité que viennent troubler seulement le chant des oiseaux et le bruit de la pluie martelant le sol déjà gorgé d’eau. Nous mangeons rapidement les restes du repas de ce midi, composé de riz aux légumes accompagné d’une sauce épicée, d’un yaourt et de bananes. Une nourriture saine et équilibrée. Nul besoin de manger beaucoup ici, notre principale activité étant de méditer !
L’après-midi au centre passe paisiblement, chacun vaquant à ses activités personnelles. Je pars méditer seule dans le Zendo, une grande salle ornée d’un grand gong, propice au calme et à la sérénité. Je rejoins les autres à 16h pour le thé. De nouveaux arrivants indiens se présentent. Ils parlent très bien anglais, c’est agréable de discuter avec eux de spiritualité, c’est très difficile d’aborder ce sujet avec des Indiens qu’on croise dans la rue, à cause de la barrière de la langue et du manque d’intérêt de la plupart d’entre eux pour ce type de pratique, comme ailleurs dans le monde d’ailleurs. J’apprends que ce centre bouddhiste zen d’influence japonaise est unique en Inde. J’ai vraiment eu de la chance d’en avoir entendu parler. Nous parlons aussi des sessions de Vipassana, une pratique de méditation silencieuse très stricte durant 10 jours à raison de 10h de méditation par jour. Ouh là, c’est le niveau avancé ça ! Je vais commencer doucement avec la session pour débutants ici…
A 17h, les nouveaux arrivants ont droit à une petite introduction sur la façon de pratiquer la méditation zen, autrement appelée zazen. On se retrouve devant le zendo et on nous explique où il faut placer ses chaussures avant d’entrer dans la salle, il faut saluer en entrant, passer d’une certaine façon derrière les coussins posés sur le sol et non devant, et ainsi de suite. Il y a tout un cérémonial très précis à respecter dans l’ordre zen, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. Je reconnais bien là les Japonais, très stricts et méticuleux dans leur pratique. L’introduction terminée, je reste à admirer le coucher du soleil sur la terrasse tout en supportant bien mon pull et mon châle, un vent froid et humide me frigorifiant. Là, j’ai du mal à me croire en Inde avec cette température et ce centre zen perdu au milieu des montagnes où règne un calme olympien…
A 18h30, la session intense commence. On sonne le gong, tout le monde doit entrer dans la salle de méditation et, à partir de maintenant, plus personne n’a le droit de parler durant…3 jours ! Nous allons vivre dans le silence à présent, face à nous-mêmes uniquement. Je suis vraiment curieuse de voir l’effet que ça va me faire de vivre avec des gens mais sans jamais se parler ! La méditation de 25 minutes passe en un éclair tellement je me sens bien dans mon absence de pensées. Nous partons tous manger dans la salle commune, chacun gardant un silence religieux. Certains ne lèvent même pas les yeux vers leur voisin, déjà partis dans leur recherche intérieure peut-être. Moi, je regarde tout le monde, me demandant ce que chacun est en train de penser. J’essaie de me concentrer sur moi mais chaque tintement de cuillère, raclement de gorge ou grincement de chaise me détourne de mon attention. Comme si le moindre bruit insignifiant résonnait dans toute la pièce de façon démesurée. Je remarque alors plein de sons auxquels je ne fais pas attention d’habitude, je focalise mon attention dessus. C’est peut-être ça vivre le moment présent en fin de compte : apprécier et se perdre dans chaque petit détail aussi anodin soit-il. Une phrase de mon amie Aurélie me revient en tête : « L’ego cherche toujours quelque chose d’extraordinaire à expérimenter et ne peut pas se contenter de la richesse de la simplicité. »
A 20h15 précises, le gong retentit encore une fois pour nous signaler qu’il est de nouveau temps de méditer. Suivant le même cérémonial, nous nous rendons en silence au Zendo où chacun essaie d’instaurer le silence dans ses pensées. Seuls le bruit du vent soufflant contre les fenêtres et le son des grillons sont audibles dans la salle. J’ouvre les yeux, chaque personne est à peine visible dans la pénombre de la pièce et ressemble à une statue de Bouddha, immobile et concentrée. Je repars dans ma méditation, heureuse d’être ici à effectuer cette expérience tout en essayant de ne pas y penser. Dur !
Le gong retentit plusieurs fois pour marquer la fin de la séance de zazen, chaque gong semblant me traverser le corps à la manière d’une décharge électrique mais en plus agréable. J’ai l’impression que ce son me traverse l’âme ! Puis chacun part se coucher, toujours en silence, sans un « bonne nuit » de circonstance. Ca fait vraiment une drôle d’impression d’évoluer dans cet univers silencieux ! Après cette bonne journée, je pars aussitôt dans le pays des songes.
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