Belle frousse!

Le 2 septembre 2009

Réveillée à l’aube, je n’ai pas trop mal dormi cette nuit, même si je n'ai pas eu très chaud encore une fois. J’ouvre ma tente sur les couleurs pastel de l’aurore s’effilochant dans le ciel et tombant dans la mer calme. Je laisse la tente ouverte et profite encore de ce spectacle, allongée sur mon matelas et emmitouflée dans mon duvet.

J’entends du monde s’agiter au loin, mes compagnons doivent être levés. Un bon café chaud m’attend ainsi que des « french toasts » (du pain perdu pour les Français) que j’avale avec reconnaissance. Tout le monde a eu froid cette nuit, je suis peut-être la seule qui ne m’en suis pas si mal tirée au final. Je range ensuite ma tente et mes affaires, effectue un brin de toilette dans la mer salée puis m’assois sur un tronc d’arbre, profitant du calme et de la sérénité des lieux. Malgré tout, depuis le début de l’excursion, sans que je sache pourquoi, quelque chose m’empêche de profiter pleinement des lieux. Je n’arrête pas de comparer cette excursion à mon expérience en Amazonie où, de façon similaire, j’étais perdue en pleine nature, faisant du camping sauvage et changeant de site grâce à un petit bateau. Je me sentais tellement bien et libre de tout à ce moment-là. Pourtant, aujourd’hui, je sens que ce n’est pas la même chose mais je n’arrive pas à mettre le doigt sur la cause. Est-ce le manque d’exotisme, vu que je suis toujours au Canada? Sont-ce les gens qui m’accompagnent? Est-ce moi qui suis dans un état différent de non-lâcher prise? Je ne sais pas… Peut-être un peu tout à la fois. Il faut sans doute que j’arrête de comparer avec des expériences passées et juste profiter du moment présent!

Nous repartons ensuite en bateau à la recherche du groupe de kayakistes, toujours dans l’espoir d’y laisser nos deux comparses. Je me demande comment notre capitaine compte s’y prendre pour retrouver 5 kayaks au milieu de cette immensité déserte. Nous apercevons un ours noir sur le rivage, une baleine au loin, une méduse qui passe à côté du bateau mais aucune trace du groupe. Finalement, au bout d’une heure de recherche, nous tombons sur eux au détour d’une petite île. Chance ou perspicacité? En tout cas, parents peuvent retrouver enfants et nous sommes plutôt contents de nous débarrasser d’eux. Nous assistons tous à la visite du site Haida, bien mieux préservé que celui d’hier. Les totems à l’abri du vent ont gardé la plupart de leurs sculptures et dessins, ce qui les rend impressionnants et mystérieux. Ils regardent tous vers la mer comme une mise en garde ou la protection d’un trésor. La visite terminée, nous sautons affamés sur le repas préparé par notre guide: des burritos mexicains!

Alors que le site est désert étant donné que tout le monde profite du café, je pars seule méditer au milieu de ces totems sacrés. L’énergie est spéciale ici, je le sens. Je vais malheureusement interrompre un peu rapidement à mon goût, pour une promenade digestive à travers la forêt. Les arbres immenses et recouverts de mousse sont incroyables. Pour certains d’entre eux, la mousse pend telle des larmes de tristesse au bout de leur branche. Cette balade me ravit, j’ai l’impression de m’enfoncer dans une forêt enchantée telle que je l’imaginais étant enfant. Nous arrivons à une jolie crique puis à une grotte qui nous barre le chemin. Je reste en extase devant un arbre qui se trouve en haut d’une petite falaise et qui fait descendre ses énormes racines jusqu’en bas.

Nous retrouvons la femme de notre couple pénible pleurant à chaudes larmes à notre retour de promenade. Personne ne comprend trop ce qu’il se passe pour elle, nous essayons de la réconforter comme nous pouvons. Notre capitaine me glisse à l’oreille que ce genre de débordement d’émotions n’est pas rare à cet endroit. L’énergie qui se dégage des lieux est tellement intense que plusieurs personnes laissent le trop plein d’émotions sortir malgré eux. Cette dame me parait beaucoup plus vulnérable et sympathique à présent. Quel étrange endroit !

Nous revenons ensuite au bateau, il est temps de quitter les kayakistes. En les voyant s’éloigner sans bruit, je me dis que ce genre d’excursion m’aurait beaucoup plu aussi. J’aurais été plus proche de la nature en kayak, sans le bruit du moteur du bateau et, au moins, j’aurais été avec des jeunes et de beaux gars en plus, à ce que je viens de voir. Ceci dit, j’aurais vu moins de choses, le kayak allant moins vite que le bateau. Ce sera pour une prochaine fois! Et j’aime tellement le bateau que je ne regrette rien de toute façon.

Nous naviguons un moment avant de trouver notre plage pour camper. Nous passons devant un rocher où se prélassent des otaries et des éléphants de mer. Ils font un vacarme assourdissant. J’aime écouter parler la nature, comme c’est le cas ici. Nous trouvons ensuite notre petit paradis pour nous installer cette nuit, au milieu d’une adorable petite crique entourée d’îles qui nous protègent du vent et d’arbres verdoyants. L’endroit est magnifique et encore une fois tellement isolé. Je ne me lasse pas de ces îles perdues propices au camping sauvage.

Après nous être installés et avoir monté les tentes, je décide de me laver un peu dans la rivière cachée dans la forêt. Ma dernière douche remonte bien à deux jours entiers et je commence à le ressentir. L’eau est glacée mais ça fait tellement de bien de se nettoyer un peu. Alors que je me trouve les fesses à l’air en train d’effectuer ma toilette, je lève les yeux au son d’un faible bruit, et mon sang se glace d’un coup: un gros ours noir se trouve à moins de 3 mètres de moi, juste de l’autre côté de la rivière et me regarde fixement. Atterrée et apeurée, je me rends compte avec effroi qu’il avance dans ma direction! Je fais marcher mon cerveau à toute vitesse pour me souvenir de ce que Denis, mon ami trappeur de Portneuf sur Mer m’a dit sur les ours il y a deux ans. Je ne peux pas fuir, je suis dos à une falaise. Je suis coincée! Ca y est, je me souviens, il faut faire un maximum de bruit. Je crie alors autant pour lui faire peur que pour prévenir mes compagnons que je suis en danger. Mes premières paroles sortent en français, ce qui ne risquent pas de renseigner beaucoup mes amis qui ne parlent qu’anglais. Le seul mot qui me vient en anglais dans ce moment de panique est « Help! » et je me mets à hurler ce simple mot comme si ma vie en dépendait (ce qui n’est pas loin d’être le cas). Dans un excès de pudeur, j’ai tout de même le réflexe de tendre la main pour prendre ma serviette et me la mettre autour de la taille pour cacher ma nudité à mes compagnons au cas où ils finiraient par m’entendre… En tout cas, l’ours s’est arrêté d’avancer mais il me regarde toujours. Il n’a pas l’air méchant à première vue, on pourrait même le prendre pour une grosse peluche mais j’ai trop entendu d’histoires pour savoir qu’il ne faut pas se fier à ses allures de mignonne bébête. Au bout d’un temps qui m’a paru une éternité (ça n’a pourtant duré qu‘une minute, je pense), mes amis arrivent en courant au son de mon cri et font fuir l’ours qui traverse la rivière en courant dans ma direction pour passer à côté de moi et disparaît dans la forêt. Mes amis me retrouvent dans un bel état avec ma toute petite serviette bleue autour des fesses et les jambes tremblant comme des feuilles. Je m’aperçois que j’ai vraiment eu peur cette fois. Tout le monde me demande si je vais bien puis, rassurés, ils me laissent me rhabiller tout en restant aux aguets. Je les rejoins pour le souper que je dévore comme un ogre, les émotions m’ayant ouvert l’appétit, puis je reprends mes esprits devant le feu, le soleil couchant sur la mer finissant par me relaxer totalement. Nous apercevons mon ours de l’autre côté de la plage, il s’est sauvé loin, nous n’avons plus rien à craindre. Toutefois, mes amis sont perturbés aussi et partent à leur tente en chantant fort et en regardant partout. Ca c’est une expérience! Je n’aurais jamais imaginé en voir un d’aussi près… Et dire que je n’avais même pas mon appareil photo! Bon, il est temps d’aller se coucher et d’essayer de se remettre de ses émotions. Et pas de rêve d’ours, s’il vous plait!

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