Le 4 septembre 2009
Encore une fois, la nuit fut plutôt bonne et dormir sur un matelas est un luxe que j’avais presque oublié depuis deux jours. Nous ouvrons la porte de notre cabane avec appréhension pour découvrir l’état du ciel mais un temps calme et ensoleillé se présente à nous ce matin. La tempête est finie nous pourrons rentrer à bon port ce soir ! Le petit déjeuner avalé, nous partons nous promener tous ensemble dans la belle forêt. Le charme opère moins en groupe que seule mais nous avons droit à une explication de notre capitaine sur la flore de la région. Les épicéas et les cèdres se partagent le territoire, laissant cette incroyable mousse verte les recouvrir de la racine aux plus fines branches. Elle s’effiloche même au bout des branchages, telle une barbe fine de grand-père sans âge.
Nous croisons des biches et de petits écureuils en chemin. La promenade a pour but d’arriver à un immense épicéa de plusieurs milliers d’années au tronc si large qu’il faut 10 personnes se tenant les mains pour en faire le tour ! Très impressionnant ! Je me sens encore une fois tellement minuscule à côté de Dame Nature…J’aimerais tellement que l’homme réussisse à lui donner tout le respect qu’elle mérite. Peut-être un jour devrons-nous retourner à nos racines, aux choses élémentaires de la vie et réapprendre à vivre en harmonie avec notre environnement.
Nous remontons ensuite dans le bateau en direction du dernier site Haida à visiter. Nous débarquons sur une nouvelle petite île perdue au milieu d’une centaine d’autres. Un gardien nous rejoint, il a un air d’Amérindien. En effet, il descend d’une famille Haida et sa famille a vécu sur cette île. Il nous parle de sa communauté aujourd’hui quasiment disparue. Le peuple Haida était une société matriarcale qui possédait suffisamment de ressources naturelles pour ne pas avoir à travailler beaucoup pour subvenir à leurs besoins. Ils avaient donc beaucoup de temps à consacrer à l’art sous toutes ses formes : dessins, sculptures, vêtements… Leur culture était transmise par l’intermédiaire d’ « historiens » désignés ainsi dès leur naissance pour transmettre aux générations suivantes leurs histoires et légendes. Il n’y avait aucun écrit, tout était transmis oralement. De nos jours, on ne sait quasiment plus rien de leur mode de vie d’antan, lesdits historiens n’existant plus. Quel grand savoir de perdu ! Oublié dans les abîmes du temps…
Le gardien Haida nous apprend que chaque village était séparé en deux clans appelés les aigles et les corbeaux. Une personne d’un clan ne pouvait se marier qu’avec une personne de l’autre clan. Etant donné q’il n’y avait qu’une vingtaine d’individus dans chaque groupe, le choix était limité ! Le site qu’il nous fait visiter n’a plus ses totems d’autrefois, la plupart étant placés dans des musées, ce qui le désole en tant que Haida. Lorsqu’un membre important du village mourait, on plaçait son corps dans une boîte avec certains de ses effets personnels et on la plaçait dans un totem dit « mortuaire ». Le désir du peuple Haida est que le corps ainsi que le totem en bois soient rendus à la Terre, se décomposant d’eux-mêmes au fil des années. Placer ces totems dans des musées afin de les conserver et de les soustraire de leur terre originelle est le comble de l’hérésie pour ce peuple aux traditions ancestrales et aux croyances spirituelles !
Nous avons l’impression de connaître beaucoup de choses, nous Occidentaux qui prenons des décisions pour le bien de la Science et de la Découverte mais je pense que nous y perdons beaucoup également en ne respectant pas les traditions des peuples anciens, ils auraient beaucoup à nous apprendre. Ce pouvoir de conquérant maître esclave qu’ont les hommes entre eux est quand même assez surprenant, je trouve. Ne sommes-nous pas un peu plus évolués que ça de nos jours ? Il faut croire que non…
Notre guide nous parle des vestiges restant des longues maisons en bois des Haida, puis après son tour de l’île, il nous offre un café chez lui. Il est plus de 2h avec tout ça et nous n’avons pas mangé, je meurs de faim ! Nous finissons par remonter sur le bateau où un déjeuner nous attend patiemment. Je dévore ces crudités et ce fromage avidement puis nous reprenons la mer pour revenir sur l’île Moresby où un minibus nous attend pour nous conduire dans la ville de Queen Charlotte City où m’attendent mes deux amies françaises, Bernadette et Sylvie. Ils avaient prévu de raccourcir le temps en mer au cas où la mer aurait été agitée à cause de la tempête. Malgré le temps calme, nous montons dans le bus, après avoir dit au revoir au capitaine. Sur la route, nous apercevons deux beaux ours sur la berge, essayant d’attraper des poissons. C’est plus agréable de les voir derrière les vitres d’une voiture plutôt qu’exposée en pleine nature !
En chemin, nous tombons sur mes deux amies, Bernadette et Sylvie, en train de faire du stop. Nous les embarquons et les déposons à l’hôtel, tandis que je vais chercher mon gros sac à dos resté à l’agence. Je suis partie en camping pour 4 jours avec juste un petit sac à dos ridicule (la tente et le matelas étant à part), personne n’en revenait que j’aie si peu d’affaires. En même temps, je ne vois pas ce dont j’aurais pu avoir besoin de plus en 4 jours. Je n’ai manqué de rien même si j’avoue que mes vêtements sont loin d’être immaculés. Une bonne lessive et il n’y paraîtra plus ! Je dis au revoir à tout le petit groupe avec lequel j’ai effectué cette belle excursion. Ils sont tous très sympathiques et leur attention envers moi pendant tout le séjour me va droit au cœur. L’un d’entre eux me souhaite de trouver les réponses à mes questions sur la paix intérieure et l’accès au bonheur et à la sérénité. Il me souffle à l’oreille exactement la même phrase qui m’a été dite l’année dernière par une Québécoise rencontrée dans l’avion pour mon retour en France à Noël : « la paix se trouve à l’intérieur de toi, ne va pas la chercher trop loin ». Je reste interdite par la répétition de ces mêmes mots, ce même contexte de cette phrase lancée juste avant de se quitter, comme une bouteille à la mer qu’il me revient d’attraper ou non. Etrange…
Je félicite ensuite Lexie, une jeune fille de 28 ans seulement qui a été notre guide, cuisinière, mousse durant ces 4 jours. Avec la force d’un homme, ce petit bout de femme soulèverait n’importe quelle caisse, sautant comme un singe d’un bout à l’autre du bateau et toujours avec un sourire charmant. Je suis très impressionnée par cette jeune femme qui a appris ce dur métier il y a quelques années seulement. Elle a trouvé sa voie, elle a l’air d’aimer son travail en tout cas ! Je ne suis pas prête de m’engager sur un navire, moi, je ne suis pas capable de faire la moitié de ce qu’elle a fait en 4 jours ! L’important, c’est de le savoir…
Je retrouve ensuite mes deux amies françaises devant un bon verre de vin. Je suis bien contente de les retrouver, d’une part parce que je peux de nouveau parler français, d’autre part parce qu’on s’amuse bien ensemble et, je m’en aperçois maintenant, j’en avais un peu assez d’être entourée de couples uniquement ! Voilà en bonne partie la raison de mon malaise durant ces 4 jours d’excursion, je pense. Ne se trouver qu’avec des couples et être la seule célibataire, ce n’est pas évident à gérer. J’avais peur de gêner en m’imposant trop, même s’ils ne l’ont jamais sous entendu. Je préférais souvent être seule plutôt que de m’incruster avec un couple voulant profiter de leur moment d’intimité. Ce n’était donc pas évident pour moi d’être totalement à l’aise avec eux, je paraissais un peu anormale de par mon célibat. Avec les filles, c’est totalement différent. Nous sommes des voyageuses solitaires qui se sont rencontrées et ont sympathisé, ce qui a resserré nos liens. Nous ne sommes plus seules mais un groupe de trois. La perspective est totalement différente. Ceci dit, ces 4 jours seule m’ont permis de refaire le point quant à ma rupture avec Michaël d’il y a 1 an et demi maintenant. C’était nécessaire encore une fois. Et le fait de partir en voyage ravive inévitablement des souvenirs lointains de couple.
Malgré la fin de la journée qui approche, nous sommes loin d’avoir fini la nôtre. Ce soir, nous prenons le ferry qui nous ramène à Prince Rupert sur le continent. Nous arrivons au terminal vers 21h puis montons dans le bateau plutôt rapidement à mon plus grand bonheur. Malgré le prix assez élevé, j’ai réservé une cabine pour la nuit afin de récupérer un peu durant les 6h de traversée. Mes amies n’ayant pas les moyens, je les laisse sur les sièges du pont intérieur tandis que je pars découvrir ma cabine. Je me sens presque coupable de les abandonner à une nuit difficile alors que je serai confortablement installée dans un lit ! Ma cabine comprend 4 lits superposés et une douche privative. Oh joie ! J’enlève tous mes vêtements boueux et sales des 4 jours en camping sauvage et je saute sous cette douche chaude et revigorante. Je me sens une nouvelle femme ! Surtout avec des vêtements propres.
Je me couche en attendant le départ du ferry à 23h. Alors que le bateau quitte le quai, j’ouvre un œil et je vois que je suis toujours seule dans ma cabine de 4. Je saute dans mes chaussures et pars à la recherche de mes deux amies que je retrouve allongées par terre, entre des sièges, dans leur sac de couchage. Je leur demande de me suivre discrètement jusqu’à ma cabine où elles trouveront de vrais lits pour la nuit. La joie qui éclaire leur visage est le plus beau des remerciements pour moi. Nous nous couchons rapidement et nous endormons avec le roulis de plus en plus fort du ferry.
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