Le 20 septembre 2009
Je me réveille à 5h du matin en sursaut, au son d’une musique indienne tonitruante. C’est vrai qu’ici, dans la vraie Inde, ils se réveillent tôt ! J’entends la pluie marteler notre bicoque, j’espère que Nick ne se trouve plus sur le pont. Je me lève et ne le vois nulle part, il doit être rentré se coucher dans sa cabine. Il se lève peu de temps après et nous partons tous deux pour une visite matinale du village. Nous discutons un peu avec les locaux puis retournons au temple admirer des hommes psalmodier des chants religieux.
Nous revenons pour prendre un petit déjeuner sur le bateau puis reprenons le chemin du retour sous une véritable averse. Nous avons bien fait de faire notre traversée hier, le temps n’est vraiment pas avec nous aujourd’hui. Ceci dit, j’aime cette atmosphère de mousson également, cette pluie qui tombe en trombes d’eau sans qu’on ait froid pour autant. Ca humidifie l’air et appesantit l’atmosphère tout en la rendant mystérieuse. Nick et moi tombons d’accord sur le fait que nous n’avons pas envie de courir pour prendre un bus aujourd’hui. Nous sommes sur un mode détente et quiétude, nous allons profiter de la ville d’Allerppey aujourd’hui encore.
Un rickshaw, bravant vaillamment la pluie roulant dans des mares d’eau à faire péter les moteurs, nous trouve un petit hôtel éloigné de la ville mais faisant face à un luxuriant jardin verdoyant. Le coin a l’air tranquille et calme, juste ce qu’il nous faut. Nous nous installons et restons sur la terrasse à contempler la pluie qui n’arrête pas de tomber. Nous sommes bien. Après plusieurs heures de pure extase devant cette simple averse qui nous a littéralement fascinés, nous partons faire un tour sur la plage qui se situe non loin de l’hôtel. Comme on s’y attendait vu le temps pluvieux, peu de gens déambulent sur le sable. Pourtant la plage est grande et plutôt belle. Un groupe d’Indiens arrête Nick pour lui demander de venir se baigner avec eux. Il refuse gentiment, prétextant qu’il n’a pas son maillot de bain sur lui mais ça n’arrête pas le jeune homme qui est prêt à lui donner le sien ! Ah ces Indiens… En tout cas, ça me fera bien rire. Depuis que je me promène avec Nick, les Indiens s’adressent plutôt à lui qu’à moi en général, ce qui me repose un peu. Nick, quant à lui, trouve qu’on l’interpelle beaucoup depuis qu’il se trouve en ma compagnie. Voyager à 2 ou en solo, en Inde, peut vraiment changer les choses.
Nous partons ensuite en ville nous promener dans Alleppey. Cette ville, purement indienne pour le coup, me reconnecte avec l’essence de ce pays. Les voitures, rickshaws et bus se disputent sur au moins 3 files une route à double sens, le tout dans un vacarme de moteurs et de klaxons assourdissant. Les passants nous regardent intrigués en nous lâchant des « hello » toutes les 2 minutes. Ceux qui pensent venir en Inde en tant que voyeurs se trompent, c’est nous ici qui sommes des animaux de foire. Une famille indienne me donne même des cacahuètes à un moment donné. Dire qu’il y a 5 ans, c’est moi qui les leur jetais à la figure, exaspérée par leur harcèlement incessant. Aujourd’hui, je déambule dans les rues, le sourire aux lèvres, ravie de retrouver cette ambiance, comme si je retrouvais un être cher qui, pourtant, finira bien par me porter sur les nerfs tôt ou tard. Mais pour le moment, j’en profite.
Nous tombons sur un temple où, contre toute attente, deux éléphants se trouvent enchaînés à des poteaux. Que font-ils là ? A quoi servent-ils ? Leur regard vide et triste en dit long sur leur traitement ici. Ca me fend le cœur de les voir. Je m’approche de l’un d’eux et lui caresse la trompe doucement comme pour lui montrer ma compassion. Il se laisse faire. Un Indien arrive en trombe et me demande de reculer devant cet animal qui est, paraît-il, dangereux. Vu ce qu’on lui inflige, ça me paraît normal qu’il soit de mauvaise humeur de temps en temps. Je le quitte, le cœur renversé. L’Inde, c’est aussi ça.
Nous découvrons un peu plus loin une étonnante mais superbe statue de sirène dénudée à la poitrine très généreuse. Cette effigie ne colle pas vraiment avec ce pays où le moindre dévoilement de chair est très mal vu. Etrange… Nous dînons d’un minuscule bout de poulet tandoori pour moi et d’un énorme poisson pour Nick (allez comprendre pourquoi) puis nous continuons notre promenade à travers les senteurs épicées mélangées à celles des détritus jetés dans la rue. J’aime tout ressentir dans cette ville !
Après une bonne route le nez au vent, nous décidons de revenir sur la plage, le temps s’est dégagé et Nick voudrait se baigner. Pour ma part, même si je le voulais, il ne serait pas question de me promener en maillot de bain sur cette plage indienne, je déclencherais une émeute ! J’accompagne cependant Nick, curieuse de rencontrer d’autres Indiens là-bas. En effet, la plage s’est remplie depuis ce matin et des centaines de familles ou d’amis se retrouvent sur le sable pour bavarder. Les femmes en sari multicolore agrémentent joliment cette belle plage de sable doré, même si je trouve qu’elles détonnent un peu dans ce lieu où nous avons plutôt l’habitude de voir des gens en tenue décontractée.
A peine sommes-nous installés sur le sable que des Indiens viennent nous parler pour améliorer leur anglais ou pour nous prendre en photo. Les femmes ne parlent qu’à moi et les hommes vont vers Nick. Pour m’éviter des désagréments inutiles, nous jouerons les couples mariés aujourd’hui, c’est plus simple pour moi. Une femme célibataire se tenant auprès d’un homme sans être mariée, ce n’est pas très bien compris ici. Dire que je ne connaissais pas Nick hier matin et nous voilà mariés aujourd’hui ! Ca nous fait bien rire… Malgré tout, ils ne me paraissent pas trop insistants mais juste curieux d’en savoir plus sur nous, sur notre culture. Un joueur de frisbee de haut niveau nous fait une superbe démonstration, espérant ainsi se faire remarquer et, pourquoi pas, se faire proposer de jouer dans notre pays comme professionnel. Pour ma part, je ne pense apprécier ses talents qu’en tant que simple spectatrice. Ils ont tous le désir de partir un jour dans l’un de nos pays dits développés, mais je ne suis pas certaine qu’ils y seraient vraiment plus heureux. Quand je les vois s’amuser comme des enfants sur cette plage, riant avec insouciance à la moindre farce de l’un de leurs compères, je me dis que c’est peut-être ça la vie après tout. Est-ce trimer dans un bureau toute la journée sans voir la lumière du jour ? Ou bien s’abrutir devant un écran de télévision toute la soirée ? Beaucoup d’entre nous ont perdu cette faculté de s’amuser d’un rien, de rire de tout et de ne pas se prendre trop au sérieux. Peut-être serait-il temps de reconnecter avec la part enfantine qui se trouve à l’intérieur de nous ? En vieillissant, on nous apprend à prendre des responsabilités, devenir plus sérieux, mais aussi à être plus stressé, à se déconnecter de nos véritables envies et besoins. Quels étaient nos rêves d’enfants ? Les avons-nous suivis ?
Nous restons sur la plage jusqu’au coucher du soleil, appréciant ce moment malgré les interruptions des Indiens qui deviennent de plus en plus fréquentes, les uns entraînant les autres à venir nous déranger. Nick trouve un superbe moyen pour qu’on nous laisse tranquilles : il annonce que c’est le moment pour nous de prier en silence. S’il y a bien une seule chose que les Indiens respectent, c’est la religion. Nous réussissons à avoir une paix royale durant tout le coucher du soleil. Impeccable ! Ceci dit, j’ai rarement rencontré des gens aussi gentils que les Indiens, même s’ils peuvent parfois être envahissants.
Nous rentrons à l’hôtel dans la nuit noire et tombons sur une grande fête dans la rue pour fêter la fin du ramadan. La foule se presse dans cette petite rue où il devient difficile de circuler entre les piétons et les motos. La musique sort à fond des haut-parleurs. Les passants se pressent pour nous dire bonjour. J’avoue que la fatigue de la journée se fait ressentir et je n’apprécie pas cette foule et ce bruit comme je devrais. Ils commencent un peu à me porter sur les nerfs (je savais que ça arriverait). Je décide de rentrer me coucher avant d’atteindre mon degré de non tolérance.
De retour au bercail, je décide de prendre une douche pour me rafraîchir les idées mais l’eau ne sort pas du robinet ! J’avise tout le personnel, un peu mécontente et surtout très fatiguée, qui se met en 4 pour réparer la valve qui est visiblement cassée. En attendant, je reste avec Nick qui entame des chansons à la guitare, ce qui me calme immédiatement. Je reste un moment à l’écouter, oubliant ainsi ma fatigue et ma douche, appréciant juste d’être là en sa compagnie, dans ce petit jardin loin du tumulte de la ville. Une heure plus tard, la douche est réparée et je pars me coucher, exténuée mais détendue.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
T'as une tres belle plume !! Comme dans mon premier message, j'envie cette liberte que tu as de vivre tout ca! En tout cas continue de t'en mettre plein la vue, et moi a travers tes recits je voyage un peu quand le quotidien m'etouffe!! Merci donc! Bizz Laurence
RépondreSupprimerTu sembles si près et à la fois si loin. Je te lis religieusement (quand le temps me le permet) le midi. Tu as une merveilleuse plume. Il faudra publier quelques photos. Pour l'instant je m'imagine chaque paysage...
RépondreSupprimerJ'ai déjà hate de connaître la suite de cette charmante aventure..
Bisous
Stéphan V.
P.S. Montréal semble si sage...